Sur les carêmes gourmands des chanoines de Sallanches au temps de la piété flamboyante
2009; Université catholique de Louvain; Volume: 104; Issue: 2 Linguagem: Francês
10.1484/j.rhe.3.206
ISSN2294-1088
Autores Tópico(s)Diverse Cultural and Historical Studies
ResumoLes sources de la comptabilité de la collégiale de Sallanches (1415-1500) permettent de lever un voile partiel sur les rapports entre spiritualité, alimentation et économie du sacré. Les registres de ce petit chapitre séculier du diocèse de Genève renvoient à une réalité plus nuancée de la religion vécue, plus festive que mortifiante. C’est ce que semblent suggérer les réfections anniversaires organisées plusieurs fois l’an, notamment en hiver. Chaque mois de mars, les chanoines intercesseurs tiennent des banquets… en carême. Les festins funéraires se répètent en jours rapprochés. Manger, c’est prier: à la table des morts, les nourritures terrestres se transmutent en suffrages épulaires pour le salut des âmes. Si ces repas rituels de happy few s’avèrent gourmands par la noblesse et le raffinement des denrées, ils procèdent néanmoins de l’ordre du maigre, répondant aux canons de la diététique savante dans une logique conjuguée — symbolique et culinaire — de la purgation spirituelle: le tout s’inscrivant dans une esthétique sémiotique des couleurs. Aussi, ces agapes liturgiques de poissons doivent-elles être replacées dans le triple contexte de la religiosité flamboyante et ses emprunts aux rites ancestraux, des modes, goûts et pratiques alimentaires de l’aristocratie vivant au pays de maître Chiquart, mais également de l’économie marchande et des échanges monétaires dont Genève constitue, à l’époque, la capitale européenne. Des évolutions semblent se dessiner au cours du siècle. La cuisine obituaire tend à davantage de complexité, elle s’enrichit de nouvelles saveurs. Ce qui revient à s’interroger plus avant sur la fonctionnalité polymorphe des clercs, personae interpositae, entre ici-bas et l’Au-delà…
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