Cinéma et histoire. La mosquée de Paris et les Juifs sous l'Occupation
2012; Les Belles Lettres; Volume: Vol. 45; Issue: 1 Linguagem: Francês
10.3917/aj.451.0116
ISSN1965-0531
Autores Tópico(s)French Historical and Cultural Studies
ResumoLe film d'Ismael Ferroukhi, Les Hommes libres, est un beau film plein d'humanite, mettant en scene dans le Paris occupe de 1942, nombre d'acteurs gravitant autour de la mosquee de Paris : les autorites d'occupation, des personnalites du regime de Vichy mais egalement des militants algeriens surveilles par la police, certains traques, ainsi que des familles et des enfants juifs soustraits aux rafles et arrestations. Afin de pallier le petit nombre de documents collectes, le realisateur a fait le choix de conjuguer fiction et sources historiques dans l'ecriture du scenario. D'entree de jeu, le spectateur est prevenu du melange des genres, mais pas de leur part respective. Au cœur de l'intrigue, le planquage d'enfants juifs dans la mosquee-meme ainsi que le subterfuge utilise pour soustraire le chanteur juif natif d'Algerie, Simon - alias Salim - Halali aux desseins allemands et vichystes. La delivrance de faux papiers pour les uns, l'inscription apocryphe du nom du pere du chanteur bonois sur une pierre tombale du cimetiere musulman de Bobigny pour l'autre, parviennent a contrecarrer le sort funeste qui leur etait reserve. A chaque fois, les initiatives et les decisions du directeur de la mosquee de Paris, Si Kaddour Ben Ghabrit sont determinantes. Sa mansuetude et son empathie emplissent veritablement l'ecran : ces enfants sont nos enfants ! , c'est en ces termes qu'il prend la decision de mettre a l'abri dans les sous-sols labyrinthiques du bâtiment deux enfants juifs dont les parents viennent tout juste d'etre arretes. Si, en apparence, les contacts avec les autorites allemandes sont noues sous les meilleurs auspices, celles-ci suspectent la collusion et enquetent dans le lieu de culte. Ainsi, des le 24 septembre 1940, bien avant la creation du commissariat general aux Questions juives (CGQJ), Vichy est prevenu des possibles agissements de la Mosquee de Paris : Les autorites d'occupation, revele une note interne au ministere des Affaires etrangeres, soupconnent le personnel de la mosquee de Paris de delivrer frauduleusement a des individus de race juive des certificats attestant que les interesses sont de confession musulmane. L'imam a ete somme, de facon comminatoire, d'avoir a rompre avec toute pratique de ce genre. Il semble, en effet, que nombre d'israelites recourent a des manœuvres de toute espece pour dissimuler leur identite. En mai 1942, les services de renseignement rapportent en effet que S.E. Si Kaddour Ben Ghabrit [en tournee a Constantine] a declare [...] qu'a Paris plusieurs juifs lui avaient demande de se convertir a l'Islam. Si Kaddour leur a repondu qu'il suffisait de prononcer la chahada [temoignage de foi]. On ne sait, conclut-il, si ces juifs ont mis leurs projets a execution. Quelles institutions furent a l'initiative de la delivrance de faux certificats ? Quels furent les moyens de controle mis en place par les services de Vichy en vue de dejouer ces pratiques ? Que penser de l'attitude pretee au directeur de la Mosquee de Paris a partir d'un nombre reduit d'indices ? Son role, a la lumiere d'autres archives, semble plus ambigu qu'il ne ressort du film.
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