Entrevue avec Yolande Villemaire
1986; Erudit Consortium; Volume: 11; Issue: 3 Linguagem: Francês
10.7202/200576ar
ISSN1705-933X
Autores Tópico(s)Migration, Identity, and Health
ResumoV. & I. -Tu es venue à Montréal donner des ateliers d'écriture.En donnes-tu souvent?Y. Villemaire -II y a trois ans, j'ai créé un groupe de travail, une spirale qui s'appelle Rrose Sélavy, dont les membres sont des amies.L'année dernière, j'ai commencé à organiser des ateliers où j'invite des gens que je ne connais pas à travailler avec moi.Je le fais d'abord dans un but financier, car, en ce moment, j'habite New York et je ne peux pas y travailler.Cet atelier était le troisième.C'est vraiment merveilleux d'être payée pour faire la chose qu'on aime le plus au monde.V. & I. -En quoi consistent ces ateliers?Y. Villemaire -Depuis 1979, j'ai suivi beaucoup d'ateliers, pas nécessairement de création, des ateliers reliés aux Enfants du Verseau de Marilyn Ferguson, aux «spiral information networks» comme il en existe aux États-Unis depuis les années soixante.J'ai fait à peu près tous ceux qui existent: «EST», «Relationships», «Six Days», «LRT», «Communication for Action», «Communication Workshop».Ces ateliers sont suivis très souvent par des gens qui sont dans le domaine des affaires et par ceux qui sont dans ce qu'onappelle la croissance personnelle.J'ai fait des choses ésotériques et des choses pragmatiques aussi.C'est à la suite de cela que j'ai pensé à mettre sur pied un atelier pour les gens qui écrivent, en utilisant aussi des méthodes synergétiques.Ce qui est intéressant en effet, c'est de voir comment tous ces groupes fonctionnent à partir d'une énergie positive de base.Comme j'enseigne la création depuis plusieurs années, j'ai pu recréer l'expérience et mettre au point une méthode originale.Dans les ateliers d'écriture, je mets en place une sorte de combinatoire d'énergie.D'une certaine façon, la seule chose peut-être que je sais faire comme écrivaine, c'est de me brancher.Alors je combine l'énergie des participants à la mienne.J'essaie de me brancher sur une espèce de courant qui est celui de l'inspiration, et je les branche un à un à ce courant-là, de sorte que nous allons tous dans la même direction.Mon principe de départ est que tout le monde est écrivain.V. & I. -Qu'est-ce qu'on vient chercher dans ces ateliers?chose d'absolument remarquable.Le principal problème que je rencontrais était de l'ordre des difficultés de langue, mais je travaillais beaucoup à l'oral.J'allais chercher mes étudiants par la séduction.J'avais beaucoup de plaisir à les entraîner dans des espaces de fiction.À André-Laurendeau, l'année dernière, j'avais deux groupes en Atlantide, en 30000 av.J.-C. et deux groupes au Japon en 1940.Je pouvais arriver dans une classe et me tromper d'espace de fiction.Les étudiants me ramenaient vite à la réalité.C'était amusant, mais ça demandait beaucoup d'énergie.Avec trente ou trente-cinq étudiants, le processus devient très lourd.Ils écrivaient le texte une semaine et la lecture de ces textes pouvait prendre trois heures la semaine suivante.Il ne restait pas beaucoup de temps pour les commentaires.Alors nous faisions bouger la fiction.Nous avancions dans une histoire en quatre, cinq ou six textes seulement.Les étudiants établissaient leur nom et les rapports entre les personnages.À l'époque où j'enseignais quinze heures par semaine, je devenais saturée de création.Après l'atelier que je viens de donner par exemple, j'en ai au moins pour une bonne semaine à ne pas avoir envie d'écrire.En même temps, l'enseignement me passionne.Je préfère enseigner la fiction, la création, plutôt que l'analyser.V. & I. -Tu l'as pourtant fait pendant des années !Y. Villemaire -Oui.De l'âge de vingt ans à l'âge de vingt-sept ans, j'ai été vraiment passionnée par l'analyse littéraire.Certaines de ces analyses ont été très importantes.J'ai fait une thèse sur À toi pour toujours, ta Marie-Lou et j'ai eu beaucoup de plaisir à décoder l'oeuvre de Michel Tremblay.J'ai travaillé Hubert Aquin.Dans la revue Cul-Q, j'ai analysé longuement French Kiss de Nicole Brossard.J'utilisais beaucoup les méthodes de Tzvetan Todorov, qui me passionnaient.J'ai même suivi des cours avec lui à Urbino, en Italie, en 1978.J'ai écrit aussi des chroniques de théâtre.Ce n'était pas vraiment de la critique, plutôt des descriptions de spectacles.À travers le théâtre, je me suis intéressée au mouvement énergétique, à ce qui se joue et qui n'est pas dans le texte, mais dans la présence des acteurs et des spectateurs.Ce qui m'a amenée ensuite aux ateliers que j'ai commencé à faire en 1979.V. & I. -Mis à part Belles de nuit, qui est un texte radiophonique d'ailleurs, tu n'as jamais écrit pour le théâtre.L'as-tu abandonné?Y. Villemaire -Je n'ai jamais voulu écrire pour le théâtre.C'est une résistance que j'ai.J'ai étudié l'interprétation à l'Atelier de Sainte-Marie, bien que je n'aie jamais voulu être comédienne.J'ai toujours beaucoup aimé la peinture et le dessin.Les costumes me fascinaient.L'interprétation me paraissait hiératique.J'avais très peur de la salle.J'avais beaucoup de trac.A la fin de mes études en théâtre, je m'étais dit que je ne remonterais plus sur une scène.En 1977, j'ai pourtant commencé à faire des performances, un peu sans y penser.Quand nous avons présenté Célébrations, au TNM, en 1979, je me suis rappelé cet engagement que j'avais pris.La panique m'est revenue.Pourtant, dans Célébrations, j'étais très à l'aise: c'était mon propre texte, un extrait de la Vie en prose.Par la suite, j'ai fait de plus en plus de performances.La performance n'existait pas à l'époque où j'étudiais.J'ai découvert plus tard qu'elle convenait à ce que j'avais envie de faire.J'ai pu à la longue créer ma propre forme.J'aime être présente sur une scène.J'aime être en contact avec un public.Ma peur venait d'avoir à incarner un personnage.J'ai une relation difficile avec le théâtre.C'est une relation passionnée.Je trouve absurde qu'un auteur écrive un texte, que des comédiens le jouent.Pour moi, le théâtre est quelque chose qui inclut l'ensemble des spectateurs et des acteurs, la scène et la salle.Je suis intéressée par exemple au travail du groupe de la Veillée.À l'époque où j'écrivais ma chronique de théâtre, j'étais fascinée par la Bebitte à Roches (rushes).C'est une troupe qui n'a pas duré très longtemps, mais qui allait très loin dans la recherche de ce qu'est être présent devant des spectateurs.J'ai même fait une entrevue avec eux pour Hobo-Québec.J'allais voir plusieurs représentations du même spectacle.Ils étaient constamment en train de le transformer: ils avaient chaque fois de nouveaux costumes, de nouveaux accessoires.J'aime les spectacles fondés sur la présence.J'ai vu récemment au Brooklyn Academy of Music, Golden Windows de Robert Wilson qui écrit des textes plus près de la performance que de la structure dramatique.Il fait son propre éclairage, travaille avec ses comédiens; ses spectacles sont presque de l'ordre de la peinture.Je n'aime pas l'idée de l'identification, de l'identité de la représentation.Le théâtre est toujours événementiel.Il doit se transformer.Le jour où je travaillerai en théâtre, je ferai quelque chose de cet ordre-là.Écrire une pièce de théâtre ne m'intéresse pas.V. & I. -Quand tu écris tes performances, tu les fixes aussi, non?Y. Villemaire -Ce n'est pas la même chose.Je suis toujours l'interprète de la performance.Il n'y a pas d'actants en relation.Quand on écrit une pièce de théâtre, comme À toi pour toujours, ta Marie-Lou, on doit penser aux personnages, au décor, aux costumes, au jeu, à la représentation.Dans une performance, il y a aussi une dimension visuelle, mais comme je suis l'animatrice, je peux la transformer.Il y a d'ailleurs très souvent des aspects que je ne fixe qu'au moment de la représentation.Je ne répète pas mes performances.Je construis une structure et ensuite je la présente, une seule fois.Ce n'est pas une méthode très commerciale, mais c'est quelque chose qui m'amuse.Comme la plupart des performants, je ne m'insère dans aucune forme pré-existante.Mais je ne me concentre pas vraiment sur la préparation d'une performance.La première fois que je l'ai fait, c'est au cours de l'été dernier, en préparant Rrose Sélavy, New York 1921, la performance que j'ai présentée en août dernier au Studio du Québec à New York.V. & I. -Qu'est-ce que c'était comme performance?Y. Villemaire -Je suis allée chercher la source de Rrose Sélavy comme concept.Marcel Duchamp n'a pas produit beaucoup de matière, mais c'est un artiste important au niveau de la réflexion sur l'art.Il a produit ce que Louis-Philippe Hébert appellerait des machines molles, des concepts sur
Referência(s)