Les Bienveillantes de Jonathan Littell
2007; Presses Universitaires De France; Volume: Vol. 71; Issue: 3 Linguagem: Francês
10.3917/rfp.713.0907
ISSN2105-2964
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Resumosuccès qui lui valu plusieurs grands prix littéraires, traduction, parution en «Poche» a été abordée ainsi que les éléments du grotesque que certains n'ont pas manqué de remarquer «ainsi les commissaires Weser et Clemens, constamment à ses trousses, font preuve d'une quasi ubiquité, rencontrant et traquant Aue même dans les moments les plus absurdes.Autre détail burlesque: à la fin du roman, Aue pince le nez du Führer dans le bunker».Comme indiqué plus haut, dans Les Bienveillantes, Jonathan Littell donne la parole à un bourreau nazi ce qui a ouvert les écluses à une profusion d'articles tant dithyrambiques voire thuriféraires que caustiques et détracteurs condamnant le romancier dans un réquisitoire d'une virulence inouïe.Tout et son contraire a été écrit sur ce roman, ravivant un débat jamais fini sur les responsabilités humaines en temps de guerre.Subséquemment, rédigée par Thierry Laurent, une rétrospective de la réception des Bienveillantes, à sa sortie, par l'intelligentsia parisienne commence cet ouvrage.Wladimir Troubetzkoy lance deux interrogations primordiales.Pourquoi a priori appliquer la grille eschyléenne au roman de Littell sous prétexte qu'il s'intitule Les Bienveillantes, mais ne reflète qu'une infime partie de la tragédie grecque.La seconde, concerne la somatisation insistante du héros, Aue.Troubetzkoy trace un parallèle précis entre les tragédies grecques et le roman.Oreste, OEdipe d'un côté et Max Aue de l'autre démontrent les différences et les similitudes entre ces héros ayant moins en commun qu'une grande portion de la critique l'aurait laissé croire.Les Bienveillantes, à l'encontre de plusieurs ouvrages sur l'expérience des camps de concentration donne la voix au bourreau.Cette position, jusqu'à présent tabouisée de l'univers concentrationnaire est commentée par Julie Delorme.Max Aue raconte ce qu'il a vu et entendu; il exprime ses opinions sur les événements entourant le génocide.Son discours fait appel au procédé rhétorique de la captatio benevolentiae car en principe le lecteur n'est pas d'emblée prêt à entendre la voix d'un bourreau, ce dernier étant affublé d'étiquettes négatives.Max Aue s'adresse à ses «Frères humains» implorant non seulement la pitié de ses lecteurs, mais autre chose encore de l'ordre d'une faveur, comme s'il voulait démontrer que les déportés dans les camps de concentration n'avaient pas été les seules victimes du régime hitlérien.Selon Delorme, la bienveillance -au-delà du titre renvoyant à la tragédie grecque -s'avère une stratégie discursive grâce à laquelle Aue parvient à franchir le seuil du stéréotype dont le bourreau est l'objet.Le bourreau est soumis à un processus d'anamorphose où la perte de sa capacité à ressentir chemins, progression de son engagement irrémédiable dans le mal, qu'une redoutable maîtrise rhétorique et cultivée essaie de rendre théoriquement et intellectuellement recevable pour sa conscience.Dominique Bocage-Lefebvre interroge le rôle de Aue dans l'appréciation de cette période difficile de l'histoire dans la mesure où intimité, vie personnelle et histoire collective s'y mêlent étroitement.Aue, homme de regard, observe sa vie à travers autrui selon Bocage-Lefebvre.Regard exempt de vulgarité car non celui d'un voyeur, ce qui lui confère valeur et crédibilité.Tout comme Rousseau dans Les Confessions, Max Aue s'attarde sur les personnes et les paysages qui traversent sa vie.Tous sont imprimés en sa mémoire.Tantôt par l'intérêt de leurs conversations, tantôt par la qualité humaine qu'il leur reconnaît, les échanges avec les personnes croisées permettent au narrateur d'affronter des questions de conscience douloureuses.Édith Perry analyse l'univers onirique de Maximilien Aue où se rejoignent la vraisemblance et son contraire en des fragments aux thèmes récurrents.Se pencher sur les rêves de Aue ne peut le guérir de sa pathologie puisqu'il est un être de papier.Mais, les scénarios oniriques livrés si complaisamment par le narrateur confirment les séquences autobiographiques relatives à sa vie éveillée.À la recherche d'un paradis perdu, celui de l'enfance, Aue se souille au quotidien autant que dans ses rêves.L'excrémentiel envahit la nostalgie de retrouver ce pays de l'enfance.Selon Perry, les récits de rêves chez Littell établissent avec le texte une relation similaire à celle qu'un récit emboîté entretient avec le récit emboîtant.Fonction dramatiqueprophétique aussi -le rêve met en abyme les scènes de la vie éveillée et permet parfois au lecteur d'en savoir plus que le personnage.L'homosexualité de Aue serait-elle de rigueur s'interroge Eric Levéel.En effet, la figure du nazi homosexuel, sexuellement pervers, fait partie d'une certaine imagerie collective.Littell en créant son personnage sous les traits d'un esthète homosexuel s'est-il contenté de reproduire un schéma déjà développé par Luchino Visconti dans Les Damnés ou bien Pier Paolo Pasolini dans Salo ou les 120 journées de Sodome.Toutefois, l'homosexualité de Aue est marginale dans ce sens qu'elle est profondément ancrée dans le désir d'être autre et plus précisément dans la volonté d'identification avec l'être aimé, sa soeur et non pas dans un choix érotique de passivité ou d'une attraction réelle pour un autre homme.Mais son homosexualité est aussi sa part d'humanité, sa seule attache à la décence incarnée par sa soeur.La flânerie littellienne est amplement analysée par J.
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