V. Y. Mudimbe: Undisciplined Africanism
2014; Oxford University Press; Volume: 68; Issue: 3 Linguagem: Francês
10.1093/fs/knu133
ISSN1468-2931
Autores Tópico(s)African history and culture studies
ResumoPremier ouvrage anglophone à couvrir toute l'œuvre de l'universitaire d'origine congolaise V. Y. Mudimbe, y compris On African Fault Lines (2013), ce livre se veut ambitieux. Pierre-Philippe Fraiture soutient que, bien qu'ayant critiqué les africanistes (terme péjoratif alors), Mudimbe peut être à son tour vu/lu comme un africaniste d'une autre dimension, lui dont le travail vise l'évaluation des discours sur l'Afrique en leur appliquant plusieurs disciplines, montrant en cela que lui-même pratique l'indiscipline. L'auteur souligne aussi le paradoxe de Mudimbe, qui, bien que jouissant d'une solide renommée dans les études africaines, est marginalisé dans les postcolonial studies. Selon Fraiture, Mudimbe se réapproprie le corpus occidental (antique et colonial) pour l'interroger sur sa validité et son importance actuelle pour l'Afrique. L'ouvrage révèle également les failles et faussetés sous-jacentes dans les corpus africanistes coloniaux et post-indépendances. Fraiture fait une lecture attentive de Entre les eaux (1973) et Shaba deux (1989), dans lesquels il voit des métaphores de la nation congolaise. Il revient à la lecture d'un texte de Mudimbe qui a été très peu étudié par la critique: Autour de ‘La Nation’ (1972). Selon lui, les premiers écrits de Mudimbe étaient empreints de dichotomie parce que leur auteur a été influencé par la dualité de la Guerre froide avec ses deux blocs politiques. Pour Fraiture, même si Mudimbe était marxiste, son utilisation du marxisme était sélective et indisciplinée (non conforme). Il affirme aussi que Mudimbe, au même titre que Frantz Fanon, est un utopiste. Mais Mudimbe exprime son désaccord avec Fanon en voyant une continuité plutôt qu'une rupture entre son travail intellectuel et la négritude (en référence à Fanon, qui avait critiqué la négritude essentialiste et qui invitait à une révolution visant à se défaire de tout lien avec l'Europe). Fraiture expose le désaccord entre Léopold Sédar Senghor et Mudimbe autour d'Edward Blyden: alors que le premier le présente comme un précurseur de la négritude, Mudimbe voit plutôt en lui un romantique de l'Afrique qui promeut des notions confuses de race et tradition. Selon Fraiture, la plupart des ouvrages critiques (surtout en anglais) de Mudimbe sont profondément marqués du sceau de la méthodologie archéologique du savoir de Foucault. Malgré cette influence, Mudimbe prend quelquefois ses distances d'avec Foucault. Le dernier chapitre du livre est comme un appendice et cherche à établir à la fois une filiation, un dialogue et une critique de ce dialogue. Fraiture montre que les critiques Achille Mbembe et Patrice Nganang sont des héritiers de la pensée de Mudimbe tout en demeurant critiques de leur aîné. L'auteur joue ainsi le rôle de l'arbitre en faisant une relecture de Entre les eaux, Le Bel Immonde (1976) et The Idea of Africa (1994), montrant que, de façon rétroactive, ces ouvrages de Mudimbe le défendent contre ses pourfendeurs. Fraiture avait pour ambition de montrer l'insoumission de Mudimbe aux disciplines et à une version de l'africanisme, mais s'il souligne la part autobiographique dans cette insoumission, il néglige d'en faire un développement qui aurait pu enrichir la portée critique de son ouvrage.
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