Artigo Acesso aberto Revisado por pares

Des éditeurs sans édition

1999; Éditions du Seuil; Volume: 130; Issue: 1 Linguagem: Francês

10.3406/arss.1999.3311

ISSN

1955-2564

Autores

Pascal Durand, Yves Winkin,

Tópico(s)

Historical and Literary Analyses

Resumo

Des éditeurs sans édition. Genèse et structure de l'espace éditorial en Belgique francophone L'édition n'est pas seulement un objet à étudier : elle est aussi un observatoire des pratiques culturelles. En prenant pour terrain d'analyse le marché de la production du livre en Belgique francophone, on se donne le moyen de saisir au concret le rapport d'implication réciproque entretenu par les œuvres avec les vecteurs de leur production et de leur diffusion. Ce rapport, comme ces vecteurs, ont une histoire, particulièrement déterminante et complexe, mais aussi répétitive, dans les territoires belges. Il est frappant de constater l'impossibilité, de déterminer le moment de naissance à partir duquel l'édition belge se serait continûment développée. C'est, à différents moments, de naissances à répétition qu'il s'agit et donc, aussi bien, d'extinctions successives. D'où le fait qu'aucune culture éditoriale, au sens le plus littéraire de l'expression, ne s'est véritablement développée en Belgique francophone. Plantin au XVIe siècle édifie certes une maison de rayonnement international, mais fait figure d'isolé, mal relayé de surcroît par ses descendants. Première fin de l'histoire. Les contrefacteurs bruxellois et liégeois, du XVIIIe siècle aux années 1850, inondent l'Europe d'ouvrages contrefaits : ils bloquent pour longtemps le système éditorial dans des routines de reproduction. Deuxième naissance, deuxième fin. Casterman, au XIXe siècle, fait tourner ses presses au profit des ouvrages de dévotion : les convoyeurs de la haute littérature attendront. Troisième naissance, troisième fin. Dans les années 1890, quelques petits éditeurs parviennent à esquisser les contours d'une édition spécifiquement littéraire. Tous font très vite faillite quand ils ne s'écroulent pas sous le poids de la censure. Quatrième naissance et fin. Il faudra attendre le nouveau Casterman et surtout Marabout pour que se déploient, en Belgique, des maisons de rayonnement international (mais dans un secteur littéraire marginal). Des attitudes toutefois se maintiennent, qui se transmettent peut-être d'une génération à l'autre. D'où cette hypothèse conductrice : de Plantin aux éditeurs littéraires contemporains se constitue un habitus techniciste, autrement dit une représentation de l'activité éditoriale comme fabrication de livres plutôt que comme production de biens aptes à circuler sur le marché littéraire à force égale avec ceux que la France, ayant mieux négocié le passage de l'imprimerie à l'édition, produit de son côté. Toutefois, à l'heure des mouvements de concentration internationaux, les éditeurs de Belgique (et d'autres zones marginalisées) représentent peut-être bien, du fait de leur fonctionnement archaïque, la possibilité de voir se maintenir une édition indépendante.

Referência(s)