Adolescence et évolution schizophrénique de psychoses infantiles : particularités cliniques en comparaison de schizophrénies « de novo »
2003; Presses Universitaires De France; Volume: Vol. 46; Issue: 1 Linguagem: Francês
10.3917/psye.461.0257
ISSN2102-5320
AutoresJean-Louis Goëb, Michel Botbol, Bernard Golse,
Tópico(s)Psychoanalysis and Psychopathology Research
ResumoAdolescence et évolution schizophrénique de psychoses infantiles : particularités cliniques en comparaison de schizophrénies “ de novo ” Le devenir schizophrénique de certains enfants psychotiques est un sujet de débats passionnés. Si cette évolution ne semble pas plus fréquente chez ces enfants psychotiques que dans la population générale, elle survient de préférence chez ceux d’entre eux dont le QI est normal ou élevé et qui possèdent un langage qui leur permet d’exprimer les symptômes requis par les classifications internationales pour établir le diagnostic de schizophrénie. Rare dans l’autisme pur de Kanner, cette évolution semble plus fréquente dans les psychoses infantiles “ à la frontière de l’autisme ”. Dans une démarche rétrospective, nous nous intéressons ici à quatre adolescents schizophrènes, pris en charge à la clinique Dupré (Fondation Santé des étudiants de France, Sceaux), afin de distinguer ceux dont le processus schizophrénique serait apparu brutalement ( “ de novo ” ), de ceux dont l’adolescence vient décompenser, sur un mode schizophrénique, un aménagement compensatoire antérieur fragile, cicatrice imparfaite d’un trouble grave du développement précoce. Certaines différences apparaissent, relatives à l’écart entre les processus psychopathologiques présentés par ces deux types de patients, tout particulièrement l’investissement de la sexualité, des processus de séparation et d’acquisition des savoirs ou les modalités de représentation. Dans ces deux situations, nous discuterons le rôle de l’adolescence conçue comme un deuxième temps traumatique du développement de la sexualité humaine, dans la mesure où, en accord avec la théorie freudienne de l’après-coup, elle constitue un afflux pulsionnel inélaborable selon les voies ordinaires et renvoie le sujet à l’effroi d’un événement sexuel précoce hautement significatif. Avec la sexualisation des liens et le nouveau travail de séparation et d’ouverture au monde qu’elle exige, l’adolescence vient en effet expliciter et réactiver la sexualité première, celle vécue par le bébé auprès de sa mère. Dans ce travail, nous tentons de montrer comment des symptomatologies communes au regard des critères descriptifs adoptés par les classifications internationales pour le diagnostic de schizophrénie recouvrent en fait des différences psychopathologiques fondamentales qui déterminent des organisations dynamiques radicalement distinctes. Ainsi, par exemple, les manifestations délirantes semblent bien occuper une place différente et avoir des fonctions distinctes dans les deux types de tableaux que nous présentons. Chez l’enfant psychotique devenu schizophrène, le délire vient participer aux processus défensifs qu’il a mis en place précocement en colmatant l’espace intersubjectif : il tente ainsi de combler la béance psychique intersubjective, en tentant activement d’en masquer la cause, c’est-à-dire la séparabilité de l’objet ; la réactivation de cette question par le processus adolescent oblige certains patients de ce type à de nouvelles constructions défensives qui renforcent ce déni. Chez le schizophrène “ de novo ”, le délire apparaît au contraire comme un moyen efficace de mise à distance de l’autre : distance réelle et symbolique aussi par la création d’une néo-réalité. Ici, le délire éloigne l’autre et prévient la réalisation du fantasme incestueux, là où il avait, chez l’enfant psychotique devenu schizophrène, précisément vocation à rapprocher, à abolir les distances dans un mouvement de déni de la séparabilité de l’objet. Ces distinctions ne sont pas sans conséquences sur certains fonctionnements psychiques complexes qui paraissent différencier les schizophrènes “ de novo ” et les enfants psychotiques devenus schizophrènes : c’est notamment le cas des procédures d’acquisition des savoirs qui pourraient constituer un marqueur clinique de différenciation entre ces deux groupes. Pour autant, la métamorphose du mode d’expression symptomatique entre la prime enfance et l’adolescence nous semble insuffisante pour écarter toute idée de continuité psychopathologique entre psychoses de l’enfant et certaines manifestations d’allure schizophrénique à l’adolescence, posant la question du diagnostic de ces manifestations ou de l’existence de sous-groupes hautement significatifs au sein de l’entité nosographique constituée par la schizophrénie des classifications internationales. D’autre part, les ressemblances symptomatiques à l’adolescence ( “ la voie finale commune ” ) ne doivent pas faire ignorer les différences d’organisation psychopathologique sous-jacentes dont on trouve la trace lorsqu’on ne se contente pas d’un diagnostic basé sur des critères étroitement descriptifs et que l’on s’attache aux détails de la dynamique des patients. Ces considérations sont susceptibles de modifier notre point de vue sur la notion de vulnérabilité, celle-ci pouvant avoir, elle aussi, une valeur différente dans chacun des deux types psychopathologiques que nous avons dégagés
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