Candide : sens d'une histoire, sens d'une vie
2009; Routledge; Volume: 81; Issue: 2 Linguagem: Francês
10.1080/00393270903356479
ISSN1651-2308
Autores Tópico(s)French Literature and Poetry
ResumoAbstract Notes 1 Jacques Van den Heuvel, Voltaire dans ses contes, (Paris, 1967), Genève, Slatkine Reprints, 1998, p. 239. 2 Telle est dans une certaine mesure aussi la perspective adoptée par Roger Pearson dans sa récente biographie Voltaire Almighty : « Begun at Le Grand-Chêne at the turn of the year 1757–8, Candide was composed intermittently over the following months, and largely at Les Délices […]. Its final chapter (“Conclusion”) owed much to Voltaire's current circumstances. Like “the little society” living just outside Constantinople, he had located himself on the outskirts of a major city, poised between west and east (Louis and Frederick). » Roger Pearson, Voltaire Almighty, Londres, Bloomsbury, 2005, p. 261. 3 Ibid., p. 275–276. 4 Dans son grand ouvrage Voltaire and Candide, A Study in the Fusion of History, Art, and Philosophy, (Princeton, New Jersey, Princeton University Press, 1959), Ira O. Wade n'a pas évoqué ce thème ; ni Robin Howells dans son livre Disabled power : A Reading of Voltaires Contes (Amsterdam-Atlanta, Rodopi, 1993). Dans Voltaire and Camus : the limits of reason and the awareness of absurdity, publié dans la série Studies on Voltaire and the 18th Century, vol. CXXXVIII (Oxfordshire, The Voltaire Foundation, 1975), Patrick Henry aborde le problème de l'absurde chez Voltaire et notamment dans Candide – le comparant donc à l'absurde chez Albert Camus –, ce qui dans une large mesure revient à aborder le problème de l'absence du sens dans la vie humaine. Même si Henry nomme le problème du sens dans un paragraphe conclusif de sa discussion (comme nous le verrons), il demeure que l'auteur ne s'attarde jamais sur la question du sens en tant que telle. 5 Nos citations de Candide sont tirées de Les Œuvres complètes de Voltaire/Complete Works of Voltaire, vol. 48 : Candide ou l'optimisme, édition critique par René Pomeau, Oxford, The Voltaire Foundation and the Taylor Institution, 1980. Dans cette édition, on trouvera une introduction fort informative sur la genèse, la réception et les variantes du texte, ainsi qu'une bibliographie étendue des œuvres critiques relatives à Candide. 6 Robin Howells parle d'une perspective « joyeuse » (« Joyful ») dans le premier chapitre mais pas infantile. Voir Robin Howells, op. cit., p. 81–82. 7 Voir Voltaire, Candide, éd. Jean Goldzink, Paris, Classiques Larousse, 1997 (1989), p. 26. 8 On a souvent dit que le premier chapitre doit être lu comme une parodie de la Genèse. Une telle lecture est bien sÛr possible et assurément pertinente, surtout, dirons-nous dans notre perspective, si on met l'idée de la description d'un paradis terrestre en rapport avec l'ordre qui y règne, comme le fait par exemple Patrick Henry quand il affirme : « Chapter I is essentially a representation of the order and harmony of the terrestrial paradise of pre-lapsarian man. Although presented in burlesque fashion, the key elements are all included: solidity, harmony, order and structure. The château symbolizes the ordered universe; baron Thunder-ten-tronckh, who rules it, represents the Old testament god of thunder and lightning who created the world and structured it. Candide represents Adam before the fall and Cunégonde, the temptress, is Eve herself. Pangloss is there to spread the gospel of order and harmony in the best of all possible worlds. » Patrick Henry, op. cit., p. 207. 9 Voir Jean Grondin, « Le sens de la vie. Une question assez récente mais pleine de saveur », in Théologiques 9/2 (2001), p. 7–15. Accessible en ligne : http://www.philo.umontreal.ca/prof/documents/Lesensdelavie2001.doc. 10 Jean Grondin, op. cit., p. 11–12. 11 Ibid., p. 12. 12 Ce qui n'empêche pas que la course peut apparaître comme la raison principale pour laquelle on vit du moment que l'on considère que la vie n'a pas de destination connaissable. Peut-être la destination devient-elle alors le fait même d'avoir réalisé la course. 13 Dans Le Robert historique, on écrit à ce propos : « Le mot [le sens germanique], d'abord écrit sen a été influencé dans son orthographe par [le sens latin], proche sémantiquement pour certains emplois. » Le Dictionnaire historique de la langue française, op. cit., t. II, p. 1919. 14 C'est dans cette perspective que l'on peut d'ailleurs réviser le problème de savoir si le sens de la vie peut être la mort. En fait, dire que « le sens de la vie est la mort » comme on le fait parfois à la suite de Heidegger – explicitement évoqué par Grondin –, c'est confondre, dirons-nous, l'objectif de la vie avec son terme. L'homme heideggérien est un « être-pour-la-mort », et il est vrai que l'existence humaine finit inéluctablement par la mort, mais cela ne veut pas dire que l'homme vit, agit, s'engage, travaille, etc. avec l'intention de mourir aussi vite que possible. L'homme est un être-pour-la-mort dans la mesure o[ugrave] il doit mourir, mais non pas parce qu'il vit pour faire advenir sa propre mort. 15 John Leigh, Voltaire: a Sense of History, Oxford, Voltaire Foundation, 2004, p. 91. Précisons que l'auteur de ce travail ne s'engage pas dans une discussion comparable à la nôtre. 16 Nous ne sommes pas le premier à vouloir repérer des analogies entre l'historiographie de Voltaire et l'écriture purement fictionnelle des contes philosophiques. Par exemple, citant un passage de Charles XII o[ugrave] Voltaire écrit : « Dans ses maléfiques inventions, la fortune se joue toujours des têtes couronnées », Jacques Van den Heuvel trouve pertinent de comparer la vie romanesque du roi guerrier à celle des héros aux destinées extraordinaires des contes : « Lorsque Voltaire, créateur de destinées, prendra dans ses Contes la relève de l'histoire, il conservera bien souvent ce style de vie à ses héros. Aussi bien, le passage d'un genre à l'autre s'effectue sans encombre, tant est mince la cloison qui sépare la réalité de la fiction. » Jacques Van den Heuvel, op. cit., p. 39. 17 « Il y avait en Westphalie… Il avait le jugement assez droit… Ils l'appelaient tous monseigneur… Pangloss enseignait… Candide écoutait attentivement ». C'est dans le septième paragraphe que le passé simple est introduit et que le drame du conte commence : « Un jour Cunégonde […] vit entre des broussailles le docteur Pangloss qui donnait une leçon de physique expérimentale à la femme de chambre de sa mère […]. » 18 Saint Augustin, Confessions (XI, 14), Paris, Garnier, 1960, t. 2., p. 195. 19 Ou comme un monde o[ugrave] l'on cherche à tout prix à évacuer le temps et l'histoire. Rappelons que le temps est nommé, dans le premier paragraphe, d'une manière en apparence immotivée lorsque le narrateur fait savoir que l'arbre généalogique du gentilhomme du voisinage « avait été perdu par l'injure du temps. » On peut constater à ce propos que l'emploi des temps verbaux dans le premier chapitre ne semble pas avoir retenu l'intérêt des commentateurs. Par exemple, bien que consacrant un sous-chapitre dans son livre sur le thème du temps dans Candide, Patrick Henry ne dit rien sur l'emploi de l'imparfait dans le chapitre initial (voir Patrick Henry, op. cit., p. 219–221). 20 Patrick Henry, op. cit., p. 216. Nous soulignons. 21 D'o[ugrave] le fait que les romans inachevés peuvent apparaître comme particulièrement mystérieux et difficiles à déchiffrer. Le Chevalier de la Charrette et Le Conte du Graal de Chrétien de Troyes offrent à cet égard deux exemples illustratifs. [Agrave] en croire Henri Rey-Flaud, il y a même une leçon à retenir de l'inachèvement de ces derniers romans de Chrétien de Troyes : « Qu'en retenir ? Sinon que l'écriture médiévale se déploie à l'envers de l'esthétique classique et moderne qui considère que chaque histoire individuelle trouve son accomplissement dans l'effet de rétroaction par lequel le dernier mot prononcé par un homme donne en feed-back le sens de sa vie. L'esthétique médiévale ignore la thèse qui fait du Mehr Licht goethéenne ou du Rosebud de Kane la clef signifiante qui transforme l'existence en destin. [Agrave] l'encontre de cette conception, elle énonce par la plume de Chrétien de Troyes que toute vie est un roman inachevé. » Henri Rey-Flaud, Le Chevalier, l'Autre et la Mort, Paris, Payot, 1999, p. 190. 22 Discutant quelques problèmes liés à la critique littéraire d'inspiration biographique, Pierre Bourdieu se livre, dans Raisons pratiques, à une critique sévère de ce qu'il appelle « l'illusion biographique » et de toute forme d'« histoire de vie » supposant la croyance dans une vie unitaire dotée de sens univoque. Il aborde à ce propos le problème du roman comme histoire d'une vie en affirmant : « Il est significatif que l'abandon de la structure du roman comme récit linéaire ait coïncidé avec la mise en question de la vision de la vie comme existence dotée de sens, au double sens de signification et de direction. Cette double rupture, symbolisée par le roman de Faulkner, Le Bruit et la Fureur, s'exprime en toute clarté dans la définition de la vie comme anti-histoire que propose Shakespeare à la fin de Macbeth : ”C'est une histoire que conte un idiot, une histoire pleine de bruit et de fureur, mais vide de signification”. Produire une histoire de vie, traiter la vie comme une histoire, c'est-à-dire comme le récit cohérent d'une séquence signifiante et orientée d'événements, c'est peut-être sacrifier à une illusion rhétorique, à une représentation commune de l'existence, que toute une tradition littéraire n'a cessé et ne cesse de renforcer. » Pierre Bourdieu, Raisons pratiques. Sur la théorie de l'action, Paris, Le Seuil, 1994, p. 82–83. 23 « Ironie de la destinée », écrit René Pomeau dans son « introduction » à Candide (op. cit., p. 24) en constatant que la patrie de Leibniz, l'Allemagne, fut la scène principale, dans les années 1750, des hostilités sanglantes entre la France et la Prusse. 24 Patrick Henry, op. cit., p. 206. 25 Roland Barthes, « postface », dans Voltaire, Candide et autres contes, Paris, Gallimard (folio classique), 1992. (Le Seuil, 1964, pour la postface de Roland Barthes.), p. 383. 26 Jean Grondin, op. cit., p. 10. Grondin se réfère ici dans une note à l'ouvrage de Rémy Brague : La Sagesse du monde. Histoire de l'expérience humaine de l'univers, Paris, Fayard, 1999. 27 René Pomeau, Voltaire, Paris, Le Seuil, (1955) 1994 (éd. mise à jour), p. 102. 28 [Agrave] propos de l'influence exercée par Locke et Newton sur la pensée européenne du XVIIIe siècle, voir par exemple la troisième partie (« Essai de reconstruction ») du livre classique de Paul Hazard: La Crise de la conscience européenne (1680–1715), 2 vol., Paris, Boivin et Cie, 1935. 29 Dictionnaire Voltaire, publié sous la direction de Raymond Trousson, Jeroom Vercruysse et Jacques Lemaire, Bruxelles, Hachette, 1994, p. 98 (« histoire »).
Referência(s)