« Digne d'être peint » : l'invention d'un pittoresque nordique dans les récits de voyage de l'époque romantique
2005; Lille University of Science and Technology; Volume: n° 360 - 361; Issue: 2 Linguagem: Francês
10.3917/rdn.360.0529
ISSN2271-7005
Autores Tópico(s)French Urban and Social Studies
ResumoRésumé La première moitié du xix e siècle a été fertile en productions écrites se réclamant explicitement du Voyage pittoresque ou empruntant au genre tout ou partie de ses caractéristiques propres. Un genre que sa proximité avec la statistique départementale inscrit à la croisée des contradictions d’une époque tiraillée entre le regret obsédant des choses passées et l’attente fébrile des promesses de l’avenir. L’étude des modalités de l’inscription d’un Nord pittoresque dans l’imaginaire romantique repose sur la prise en compte de deux types d’écrits. Les premiers, figés dans l’étiquetage des Voyages pittoresques produits par l’érudition locale et régionale, inscrivent l’inventaire des curiosités dans les figures convenues de la littérature descriptive du temps : le pittoresque nordique n’y apparaît que comme l’une des versions d’un pittoresque départemental indéfiniment déclinable d’un bout à l’autre de l’hexagone, mis en scène selon des procédés identiques, renvoyant au lecteur installé dans la posture de l’homme cultivé les mêmes signaux. Les seconds, qui ressortissent plus directement au récit de voyage proprement dit — notes contenues dans la correspondance familiale comme c’est le cas pour le voyage en France du Nord et en Belgique de Victor Hugo en 1837, ou extraites du Journal comme pour celles de Michelet — rendent possible une toute autre approche de la notion : les parcours qui, dans ces cas précis, structurent la construction de l’image régionale autorisent l’évaluation graduée d’un pittoresque mesuré à l’aune de ce qui, dans la décennie 1830-1840, s’impose comme point focal de l’imaginaire historien : la référence à la Flandre. Dans le jeu d’un Michelet qui regarde les campagnes du Nord au miroir des paysagistes anversois comme dans celui d’un Hugo qui, après l’éblouissement bruxellois de 1837, se forge un modèle esthétique de la ville septentrionale, se lisent les processus de construction de l’image d’un « Nord » dont le pittoresque serait quelque chose comme l’avatar ultime de la couleur locale, notion qui, en ce xix e siècle commençant, prend corps sous la plume d’Augustin Thierry. C’est donc dans cette tension entre un pittoresque de convention et un pittoresque inscrit dans la particularité régionale que s’inscrit cette analyse du système de représentations du Nord qu’induisent, à l’époque romantique, les pratiques savantes du voyage.
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