Artigo Revisado por pares

De L'Etranger à L'homme revolté

1997; Johns Hopkins University Press; Volume: 112; Issue: 4 Linguagem: Francês

10.1353/mln.1997.0057

ISSN

1080-6598

Autores

Claude Imbert,

Tópico(s)

North African History and Literature

Resumo

De L’Etranger à L’homme révolté Claude Imbert (bio) Août 1945. En l’espace de quelques jours, on apprend le bombardement d’Hiroshima et la cessation des hostilités. Albert Camus est alors journaliste à Combat, il s’y exprime sur le champ. Sartre rédigera à l’automne une déclaration courte et provocante dans le premier numéro des Temps Modernes. Les événements, immenses, précipités, graves, liés entre eux, nouaient des sentiments contradictoires. Il était au moins clair pour Camus et pour Sartre que désormais les volontés ne seraient plus tendues vers une fin bien définie, telle la libération ou la fin de la guerre, qu’on était entré dans une histoire où chacun aurait à déterminer ses propres raisons. Et que pas même l’homme le plus cynique ne pourrait invoquer l’ordre simple des moyens et des fins qui était, lui aussi, définitivement brouillé. Pour Camus, c’est l’usage de l’énérgie atomique qui pesait sur l’avenir. Pour Sartre, seule compterait la signification métaphysique de ce nouveau pouvoir. Simone Debout a relevé de manière saisissante comment le désaccord futur prend déjà forme et motif dans ces deux interventions ponctuelles de l’année 1945. S’y montrait, dans une épure imposée par la brutalité des faits, mais aussi sous les contraintes éditoriales que Camus et Sartre acceptaient en toute responsabilité, le sens qu’ils donnaient à la vie et à la liberté. Sartre dresse la scéne de l’histoire, les arcs-boutants en sont ses raisons philosophiques. Camus cherche à dire son essentiel. Il s’approprie le terme, encore tout neuf dans de tels contextes, de chair; il le charge de passer le pas qui va de la morale à la politique—seule cette capacité de souffrance et de joie serait assez puissante et universelle pour réclamer des instances de paix véritablement internationales. Le même motif alimentera quelques années plus tard, et pour des lecteurs partagés entre la [End Page 595] guerrre froide et les camps sibériens, la protestation de L’homme révolté. On croyait savoir l’issue. Si n’était un troisième acteur dans ce débat, dont Simone Debout rappelle l’immense présence, et peut-être le plus grand avenir. Quelques années plus tard, lisant la préface à Aden-Arabie, Merleau-Ponty prenait en posture inattendue d’homme révolté un Sartre qui “dans une belle remémoration de notre jeunesse trouve pour la première fois le ton du désespoir et de la révolte.” 1 Merleau-Ponty travaillait alors à donner force philosophique aux droits et fonctions irrémissibles du sensible, puisque notre conscience y fait nécessairement son premier appentissage. Ainsi avait-il placé, en ouverture du recueil Signes, une étude d’abord publiée dans les Temps modernes en 1953 et alors dédiée à Sartre, Le langage indirect et les voix du silence. Ce long chapitre portait le bilan de l’expérience conduite dans le manuscrit de La prose du monde. En 1960, la dédicace maintenue signait, cette fois, un manifeste philosophique. Merleau-Ponty y récusait l’histoire tragique où Malraux voulait que les individus soient consumés dans les oeuvres, et rappelait la dialectique à ses présomptions de concrétude. Il relevait les propos de Cézanne, discutait ce que montrent effectivement ses toiles, et portait à l’actif du présent tout ce réel d’une histoire moderne de la peinture. Ainsi prenait corps une effectivité du sensible, sa capacité à ourdir tous les ingrédients d’une expérience partagée, et institutionalisée dans des toiles qui avaient déjà changé le regard des hommes. Alors que toute cette intelligence était laissée en jachère, et ce qu’elle met à jour relégué dans l’émotion, sinon anathémisé, par le volontarisme sartrien. Ce paradigme de la peinture aura son développement dans L’oeil et l’esprit (1961) et dans les manuscrits contemporains. 2 Merleau-Ponty avait ainsi emporté le propos de Camus dans sa propre démonstration, y apportant une puissance philosophique qu’il n...

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