Élémentaire mon cher Watson !
2009; EDP Sciences; Volume: 25; Linguagem: Francês
10.1051/medsci/2009252s3
ISSN1958-5381
Autores Tópico(s)Genetics, Bioinformatics, and Biomedical Research
Resumo> « Elementaire mon cher Watson ! », tel etait le theme d’une apres-midi recreative a laquelle venaient de participer, dans un centre de culture scientifique grand public, deux de mes petites filles de 10 et 11 ans, en vacances pour quelques jours chez leurs grands-parents. Je m’attendais, a leur retour, au compte rendu de quelque jeu de piste policier, mais quelle ne fut pas ma surprise de les voir me tendre fierement deux petits tubes ou quelques filaments blancs flottaient dans un liquide et me crier : « papy, regarde notre ADN ! ». Ces petites filles ont l’âge de Genopole® et une empreinte genetique ne les etonne pas plus qu’une empreinte digitale, mais nous reviendrons a la fin sur les questions de formation et d’education. Ce numero hors serie de Medecine/Sciences est consacre au dixieme anniversaire de la creation de Genopole® a Evry et c’est un redoutable honneur qui m’echoit d’en ecrire les premieres lignes. Plutot que m’exercer a une introduction conventionnelle, je profite de la carte blanche qui m’a ete donnee pour evoquer quelques souvenirs personnels a ce propos. Physicien specialiste du magnetisme, je ne connaissais du vivant que ce que j’en avais appris au cours de mes etudes et en construisant des machines d’imagerie par resonance magnetique nucleaire. En arrivant a la direction generale du CNRS en 1994, le departement des sciences de la vie que dirigeait Pierre Tambourin m’a immediatement fascine car il etait en pleine evolution pour ne pas dire revolution. La biologie etait devenu moleculaire, pas encore systemique ni synthetique, et je disais alors naivement a Pierre que l’on commencait a apprehender et a comprendre les choses en biologie, comme en physique ! Nous etions souvent seuls, tres tot le matin, dans nos bureaux du siege du CNRS. Je pouvais le voir de l’autre cote de la cour et quand je constatais qu’il avait termine la breve lecture de son quotidien sportif prefere, je le pressais de questions comme celles-ci : comment les proteines, se replient-elles ? pendant leur processus de fabrication ou apres ? est-ce reversible ? peut-on imaginer « debobiner » et « rembobiner » les prions de la vache folle ? est-on vraiment certain que ces morceaux d’ADN qui ne servent apparemment a rien sont des restes inutiles de l’evolution que la Nature n’a pas pris la peine d’eliminer ? je viens de lire un article dans Science sur les « stem cells », c’est quoi exactement et que peut-on faire avec ? ... Nous etions alors persuades qu’il fallait que le CNRS s’engage de toutes ses forces pluridisciplinaires, et surtout avec des methodes de management inedites pour lui, dans cette nouvelle ere de la biologie. Nos discussions avec Bernard Barataud, infatigable et bouillant promoteur de l’Association francaise contre les myopathies (AFM), ne pouvaient que renforcer cette conviction mais le temps nous a manque et la « viscosite » du systeme, chere a Claude Allegre, n’y est pas etrangere. Ce dernier devient ministre en 1997 et ses premieres decisions n’augurent rien de bon pour l’avenir de la biologie : il decrete l’arret de la construction du centre de rayonnement synchrotron Soleil, dont les etudes etaient terminees et le financement pourtant assure, la structure des proteines, entre autres themes de recherche, pouvait attendre. S’agissait-il du syndrome classique dit NIH, « not invented here » ? Il se rattrapera, si l’on peut ainsi le dire, l’annee suivante en decidant la creation de Genopole® a Evry et en confiant sa direction a Pierre Tambourin, puis en menant a leur terme, avec la loi du 12 juillet 1999, les modifications legislatives necessaires pour favoriser l’innovation et la creation d’entreprises par les chercheurs, modifications dont l’elaboration etait en discussion avant son arrivee, mais s’etait enlisee, precisement victime de la viscosite. J’ai accepte avec enthousiasme la presidence du Comite d’orientation de Genopole®, ce qui m’a permis d’en suivre l’essor de tres pres et d’apprecier les succes exemplaires de cette « genetic valley » qui en ont fait un acteur de dimension et de reputation internationales. Tout n’a pas ete et ne sera jamais facile pour Genopole® qui a reussi a echapper aux standards de l’organisation etatique de la recherche francaise et a resister a toutes les tentatives de normalisation. L’une de ces tentatives, typiquement dans notre tradition, fut un plan de generalisation : on allait creer une dizaine de « genopoles » sur le territoire. Malheureusement pour un tel plan, le modele elabore a Evry n’est pas si facile a copier que cela, car ce sont surtout les hommes qui comptent.
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