Miracles, magie et guérison dans les Actes apocryphes des apôtres
1995; Johns Hopkins University Press; Volume: 3; Issue: 3 Linguagem: Francês
10.1353/earl.0.0028
ISSN1086-3184
Autores Tópico(s)Biblical Studies and Interpretation
ResumoMiracles, magie et guérison dans les Actes apocryphes des apôtres François Bovon (bio) Depuis une génération, les savants réclament à juste titre un traitement spécifique pour chacun des Actes apocryphes des apôtres.1 Conscient d'avoir enfreint cette règle par l'approche globale qui caractérise cette étude, j'implore l'indulgence des lecteurs en invoquant la même épistémé, au sens que Michel Foucault a donné à ce mot,2 qui conditionne ces écrits et une même conception de la vie éternelle par delà les divergences doctrinales et éthiques. Dans les pages qui suivent, je chercherai à déterminer la place qu'occupent les récits de miracle dans les Actes apocryphes des apôtres. Je défendrai la thèse selon laquelle seule l'interaction d'autres pôles, la parole des apôtres, les sacrements et le martyre, permet de définir correctement la fonction des miracles dans ces documents. Ces quatre pôles, miracle, proclamation, sacrement et martyre, forment un système et ne doivent pas être isolés. Ce qu'ils expriment tous ensemble, c'est la conviction qu'il y a derrière notre monde, un monde divin qui seul compte vraiment.3 Nos textes sont des invitations, adressées aux lecteurs, à s'avancer de toute leur âme vers ce domaine spirituel. Face à ce règne seul vraiment réel et décisif, le miracle remplit une fonction sémantique, finalement limitée; la parole apostolique, une fonction herméneutique, kérygmatique ou liturgique; le sacrement, une fonction initiatique et mystérique; le martyre enfin, une fonction probante, voire glorifiante. [End Page 245] I. Les Miracles des Apôtres La victoire sur le mal Les Actes apocryphes des apôtres communiquent de façon narrative la conviction que ce monde-ci doit être abandonné, car il est livré à la merci des forces démoniaques. De nombreux exorcismes sont ainsi racontés à titre de test et de signe. Ainsi le cinquième Acte de Thomas conte-t-il les déboires d'une très belle femme assaillie par un démon lubrique.4 Libérée, elle retrouve sa nature originelle et reçoit la grâce et la paix. L'apôtre utilise volontiers la prière pour attester que seul Dieu, source de toute puissance, permet au thaumaturge d'expulser le démon et de faire accéder le démoniaque libéré au monde divin. Ainsi, dans les Actes de Jean, le disciple bien-aimé guérit-il les vieilles femmes malades d'Ephèse, en évitant toute confusion avec un acte de magie. L'apôtre prend soin aussi d'encourager la population d'Ephèse à se soucier de son âme et à ne pas se contenter d'admirer un miracle.5 Dans les Actes de Philippe, ce sont des dragons, mâles et femelles, que le cortège apostolique croise sur son chemin. Les victoires obtenues disent aux lecteurs que le domaine de Dieu n'est pas de ce monde et que le mal et la violence jugulent encore l'humanité. La réconciliation des animaux que Philippe opère au cours de ce même voyage,6 ainsi que l'humanisation progressive à laquelle ils accèdent, disent à leur façon et par anticipation la nature du règne de Dieu.7 Ce monde à venir surmontera les forces du mal et les vices humains, celles-ci offrant à ceux-là un point d'accrochage. La sexualité, et non pas simplement la luxure, ainsi que la voracité et la loi de la jungle, sont les expressions les plus dangereuses du péché. La littérature apocryphe ne partage pas la même réserve que le Nouveau Testament. Les miracles de châtiment sont fréquents dans les apocryphes. L'enfant Jésus de l'Evangile apocryphe du Pseudo-Thomas sévit et châtie à tour de bras.8 Il sera imité par les apôtres, Paul en particulier qui, au début des Actes de Pierre, condamne une femme adultère à la paralysie.9 Il ne fait donc pas bon se frotter aux apôtres, ces lieutenants de Dieu sur terre. Simon le...
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