Artigo Revisado por pares

Face à la crise, la mobilisation sociale et ses limites. Une analyse des contradictions syndicales

2012; Taylor & Francis; Volume: 20; Issue: 2 Linguagem: Francês

10.1080/09639489.2012.665576

ISSN

1469-9869

Autores

Sophie Béroud, Karel Yon,

Tópico(s)

Multiculturalism, Politics, Migration, Gender

Resumo

Abstract Cet article analyse, en les mettant en relation, les dynamiques de mobilisation mises en œuvre par les syndicats français, à l'occasion des deux grandes séquences de grèves et de manifestations interprofessionnelles qui ont eu lieu en 2009 et en 2010. Il revient sur l'inscription de ces mobilisations sociales dans un ordre juridique en pleine mutation pour les syndicats sous l'effet des nouvelles règles de représentativité et de dialogue social. Il s'agit également de comparer la situation française aux autres mobilisations européennes où de multiples acteurs sociaux, et non exclusivement syndicaux, se sont saisi de l'enjeu de la crise. Cette mise en perspective permet de mettre en question certains lieux communs sur le syndicalisme français, tels sa 'faiblesse structurelle' et sa 'culture protestataire'. Les faiblesses en termes d'effectifs et d'implantation, qui sous-tendent le diagnostic de crise du syndicalisme, ne doivent pas dissimuler la puissance maintenue des syndicats sur le plan de l'action collective. Quant à la radicalité du mouvement syndical français, elle doit être relativisée au regard d'une tendance lourde à la rétraction de son horizon de pensée et d'action que symbolisent bien les usages courants de la notion de 'démocratie sociale'. Working comparatively, this article analyses the strategies employed by French trade unions at the time of two major sequences of inter-professional strikes and demonstrations that took place in 2009 and 2010. It analyses how these social mobilisations took place in a juridical context that had been fundamentally changed by new rules governing representativeness and social dialogue. It also compares what happened in France with mobilisations elsewhere in Europe where multiple social actors, not only unions, grappled with the impact of the crisis. This comparative perspective allows us to question certain commonplace understandings regarding French trade unionism, such as its 'structural weakness' and its 'culture of protest'. French trade unions' weakness both numerically and in terms of workplace coverage, factors which underpin the diagnosis of a crisis in trade unionism, should not be allowed to hide the continued strength of the unions in the field of collective action. The radicalism of the French trade union movement needs to be seen as relative when placed in the context of a dominant tendency for a shrinking of its horizon of thought and of action within conventional framings of the notion of 'social democracy'. Notes [1] Les principales organisations syndicales françaises sont au nombre de huit. Cinq confédérations sont à ce jour considérées comme représentatives au plan national interprofessionnel: la Confédération Générale du Travail (CGT), la Confédération Française Démocratique du Travail (CFDT), la CGT-Force Ouvrière (FO), la Confédération Française des Travailleurs Chrétiens (CFTC) et la Confédération Française de l'Encadrement-Confédération Générale des Cadres (CFE-CGC). Deux organisations interprofessionnelles de création plus récente sont jugées représentatives dans certains secteurs du salariat uniquement: l'Union Nationale des Syndicats Autonomes (UNSA) et l'Union syndicale Solidaires. Enfin, la Fédération Syndicale Unitaire (FSU), majoritaire dans le monde éducatif, est implantée pour l'essentiel dans la fonction publique. [2] Ces élections concernent l'ensemble des salariés hors fonctions publiques. Elles eurent lieu le 3 décembre 2008. Malgré un taux d'abstention important (74,5%), leurs résultats donnent une idée des rapports de forces entre organisations: CGT 33,8 %, CFDT 22,1 %, FO 15,9 %, CFTC 8,9 %, CFE-CGC 8,2 %, UNSA 6,6 %, Solidaires 3,8 %. Le poids global de l'UNSA et de Solidaires est minimisé dans la mesure où ces organisations sont surtout implantées dans le secteur public. De même, la FSU est ignorée. [3] Le CPE était un type de contrat de travail réservé aux jeunes de moins de 26 ans, qui prévoyait une 'période de consolidation' de deux ans durant laquelle l'employeur pouvait congédier le salarié sans en donner le motif. Cette disposition fut dénoncée comme un vecteur supplémentaire de précarisation de l'emploi. À l'issue de plusieurs semaines de mobilisations sociales et syndicales, de blocages d'universités et de lycées, et malgré le vote du texte, celui-ci ne fut jamais appliqué. [4] Entre décembre 2008 et février 2009, une mobilisation contre la vie chère impulsée par l'Union générale des travailleurs de Guadeloupe débouche sur une grève générale soutenue par plusieurs dizaines d'organisations syndicales, politiques, associatives et culturelles rassemblées autour de la plateforme 'Lyannaj Kont Pwofitasyon'. [5] Cette donnée globale (soit 2,2% d'entreprises de 10 salariés et plus ayant connu une grève en 2009) masque une répartition très clivée de la conflictualité selon la taille des entreprises: le pourcentage augmente à 17,6% pour les entreprises comptant entre 200 et 499 salariés et à 38,9% dans les plus de 500. [6] Les plus grosses fédérations professionnelles de la CGT sont aujourd'hui des fédérations du secteur public (fonctionnaires territoriaux, cheminots, énergie); ce qui est posé comme un problème en interne et se traduit par la volonté de développer les implantations de la centrale dans le secteur privé et notamment dans le secteur des Petites et Moyennes Entreprises (PME). [7] 'L'image des syndicats à l'automne 2010', baromètre TNS SOFRES pour l'association Dialogues. [8] C'est encore ce qu'exprimait récemment l'un des candidats à la primaire socialiste en vue de l'élection présidentielle de 2012 ('Il faut avoir confiance en la démocratie sociale', tribune de François Hollande, Le Monde, 14 juin 2011). [9] Il faut remonter à la séquence 1986-1995, marquée par l'existence de 'coordinations' lors de grands mouvements professionnels (cheminots, instituteurs, etc.) pour trouver des pratiques de débordement des syndicats (Denis 1996 Denis, J.-M. 1996. Les coordinations: recherche désespérée d'une citoyenneté, Paris: Syllepse. [Google Scholar]). [10] Dans l'histoire du mouvement syndical français, le seul épisode équivalent remonte au pacte d'unité d'action conclu entre la CGT et la CFDT en 1966. Cette unité était cependant limitée à deux organisations, alors même que le champ syndical était moins divisé. [11] On doit cependant mentionner une déclaration commune signée par la CGT, la CFDT, FO, l'UNSA, la CFTC et la centrale syndicale allemande Deutscher Gewerkshafts, associés à la Confédération européenne des syndicats, dans laquelle ces organisations expriment leur 'critique fondamentale du pacte de compétitivité Merkel-Sarkozy'. Mais cette déclaration est passée relativement inaperçue (Derek Perotte, 'Les syndicats français et allemands unis contre le pacte de compétitivité "Merkel-Sarkozy"', Les Échos, 23 mars 2011). [12] Ces élections se sont tenues en octobre 2011. Elles concernaient plus de trois millions d'agents des fonctions publiques d'État et hospitalière et déterminaient la représentativité des syndicats dans la fonction publique (cf. note 14). [13] D'après Raymond Soubie, qui était le conseiller social de Nicolas Sarkozy au moment des mobilisations de 2009 et 2010, une telle option était la plus dangereuse: 'Les craintes que nous pouvions avoir initialement sur les grèves dans le secteur public ne se sont pas réalisées, en particulier à la SNCF et à la RATP, qui n'ont jamais été paralysées, en particulier grâce au service minimum. Or, ce qui a pu faire reculer les gouvernements par le passé, c'était toujours de tels mouvements' (Étienne Lefebvre, 'Nicolas Sarkozy a toutes ses chances en 2012 face à une gauche peu lisible', entretien avec Raymond Soubie, Les Échos, 6 décembre 2010). [14] La loi 'portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail' a été adoptée le 20 août 2008. Pour être reconnu représentatif dans une entreprise, un syndicat doit désormais recueillir 10% des suffrages exprimés aux élections professionnelles. La représentativité dans les branches et au niveau national interprofessionnel est calculée en agrégeant ces résultats électoraux. Auparavant, certains syndicats étaient considérés comme représentatifs de droit, tandis que d'autres devaient en fournir la preuve devant le juge. Un dispositif à peu près équivalent (le seuil de représentativité est moins élevé) a été mis en place dans la fonction publique à l'issue du vote de la loi du 5 juillet 2010. [15] Derek Perotte, 'Quatre ans après, le chef de l'État redécouvre l'enjeu du pouvoir d'achat', entretien avec Bernard Thibault, Les Échos, 15 avril 2011. [16] 'Les élus politiques devraient aussi faire respecter le droit constitutionnel qui protège la liberté syndicale dans les entreprises. Les atteintes à ce droit restent un fléau récurrent' ('La France aussi est dans l'austérité', entretien avec Bernard Thibault, Le Monde, 23 juillet 2011). [17] 'La France est un des pays européens où la mobilisation sociale a été la plus imposante avec des millions de manifestants. Cela a laissé des traces. De nombreux électeurs se détermineront en 2012 en fonction du bilan et des propositions sur le terrain économique et social. […] – Qu'est-ce qui marquerait une rupture avec le sarkozysme? – La manière d'exercer le pouvoir. J'ai tout de suite compris qu'il y aurait un problème récurrent avec le chef de l'État dès qu'il a expliqué que c'était un job, autrement dit qu'il avait les pleins pouvoirs. Une élection ne confère pas les pleins pouvoirs. Il faut gouverner autrement, notamment en instaurant d'autres rapports avec les représentants des salariés. Une majorité de gauche peut être plus sensible à cette nécessité. Même si je sais par expérience que les partis de gauche pensent intégrer le point de vue syndical, alors que cela n'a rien d'automatique. […] – La CGT va-t-elle donner des consignes de vote pour la présidentielle? – Nous n'avons pas décidé ce que nous ferons. Mais il est peu probable que M. Sarkozy trouve la masse de ses voix parmi nos adhérents' ('La France aussi est dans l'austérité', entretien avec Bernard Thibault, Le Monde, 23 juillet 2011). [18] 'Pour des syndicats forts', Tribune de Nicolas Sarkozy, Le Monde, 19 avril 2008; 'La France a besoin d'un syndicalisme fort et reconnu', entretien avec Raymond Soubie, La Tribune, 7 mars 2011. [19] Pierre Dardot et Christian Laval rappellent que le dispositif de réquisition sous autorité préfectorale, appliqué à l'automne 2010 contre les salariés des raffineries, avait été mis au point en 2003 lorsque Nicolas Sarkozy était ministre de l'Intérieur (Dardot et Laval 2011 Dardot, P. and Laval, C. 2011. "Le retour de la guerre sociale". In Tous dans la rue: le mouvement social de l'automne 2010, 147–163. Paris: Seuil. [Google Scholar], 161).

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