L'éducation nouvelle après l'Education nouvelle
2006; Taylor & Francis; Volume: 42; Issue: 1-2 Linguagem: Francês
10.1080/00309230600552179
ISSN1477-674X
Autores Tópico(s)Historical Education Studies Worldwide
ResumoAbstract When it happens that a historian has been one of the actors – and a militant actor – of the period he or she is studying, should he or she decline to give an opinion for probable lack of objectivity? Or, on the contrary, should the historian seize the opportunity to bring together and allow a mutual confrontation between history through personal testimony and history through documentary evidence? The author has chosen the second option, not to talk about himself but to question his memories and, even more, those he has forgotten. When, in 1963, he carried out one of the first attempts at non‐directive teaching in France, he did not make the connection between that pedagogical approach, stemming from Carl Rogers's work, and the trend of New Education. Yet that link existed at that time, in the field of social psychology, which the author was familiar with. And, in his own personal experience of childhood and adolescence (1943–1950), he encountered New Education in the form of the child‐centred pedagogy (pédagogie active) advocated by the youth movement in which he was an activist. But 10 years later (1959), having become a professor, he had somehow ‘forgotten’ this past. The re‐reading of these two periods undertaken by the elderly author in 2004 brings out two hypotheses that comprise and go beyond the account of his personal history: the Christian convictions of the author can explain the continuity between these two periods, although it may not easily be perceived at first, and changes in these convictions reveal certain ‘whys’ behind the ‘forgetfulness’. Reflecting on this past of his, one observation stands out to the author: the extreme rarity of the experience of a relationship of equality between human beings (Merleau‐Ponty). And for him one question remains unanswered: how do you touch someone's life without interfering in it? (Ricœur) (How do you educate someone without doing them harm?). These challenges seem to the author to be a common legacy of Christianity and of New Education. Both have always aimed at these ideals. And always missed. But Utopia and the impossible are linked, as everyone knows…. 1 Cet article est la présentation textuelle de la conférence de clôture de l'ISCHE XXVI à Genève. Notes 1 Cet article est la présentation textuelle de la conférence de clôture de l'ISCHE XXVI à Genève. 2 Texte reproduit dans Hameline, D., et M.‐J. Dardelin. La Liberté d'apprendre. Situation II. Rétrospection sur un enseignement non‐directif. Paris, 1977: 98–99. 3 Steward, W. C. Progressives and Radicals in English Education 1750–1970. London, 1972: 377. 4 Boyd, W., et W. Rawson. The Story of the New Education. London, 1965. 5 A. Nóvoa, Histoire et comparaison (essais sur l'éducation). Lisbonne, 1998: 51sqq. 6 Steward, Progressives and Radicals in English Education 1750–1970. 7 Il serait particulièrement instructif de porter attention à la littérature pédagogique des pays de l'ex‐‘Bloc de l'Est’ avant la chute du Mur de Berlin. Ainsi une histoire de l'éducation comme celle de l'Académie des sciences pédagogiques de Moscou (1955; trad. italienne Storia della pedagogica prima e dopo Marx. 1960), si elle accorde d'importants développements aux oeuvres de Tolstoï, de Kroupskaïa et de Makarenko, n'évoque à aucun moment l'existence ni le rôle de la Ligue, ne connaît pas Dewey, de même qu'à part Lounatcharski, ne désigne nommément aucun des pédagogues du temps du ‘communisme de guerre’ (1918–1921): Lepechinski, Blonski, Chatski, Pistrak, etc., qui furent de bons connaisseurs de Dewey et de la pédagogie nouvelle occidentale, comme l'ont montré C. et N. Thollon‐Pommerol, dans “La pédagogie du ‘Communisme de Guerre’ et l'Ecole de Genève.” Dans Autour d'Adolphe Ferrière et de l'Education nouvelle, édité par D. Hameline. Genève, 1982: 77–104. La pédagogie par les ‘complexes’, que préconisent ces pédagogues, est évoquée rapidement (p. 319) avant que ne soit souligné son ‘caractère erroné’, et justifié, son abandon. Par comparaison, Geschichte der Erziehung, publiée en 1966, accorde un développement important à la ‘pédagogie bourgeoise sous l'influence de l'impérialisme’ dont les principaux représentants sont les habituelles figures de l'Education nouvelle ou de la Reformpädagogik: Demolins, Ligthart, Montessori, Ferrière, Claparède, Dewey, Kilpatrick, Key, Lietz, Wyneken, et principalement Kerschensteiner (pp. 423–68). Le volume des Quellen zur Geschichte der Erziehung (1968) propose des extraits de Kerschensteiner, Ellen Key, Lietz et Wyneken (pp. 337–46). 8 Utilisant un corpus de revues, de conférences, de débats publics, une étude longitudinale comme celle menée par Depaepe M. et al. Order in Progress : Everyday Educational Practice in Primary Schools Belgium, 1880–1970. Leuven, 2000, sur les écoles primaires belges de 1880 à 1970 permet de prendre la mesure du flux et du reflux des thèmes de l'éducation nouvelle dans le discours éducatif officiel et dans les propos des divers protagonistes ou adversaires de la rénovation. 9 Avec des nuances, bien sûr, et des mises au point récurrentes. Déjà A. Ferrière, dans “Ecole active et méthodes actives” (Schweizer Erziehungs‐Rundschau, 9, (1928): 207–12), exhortait ses contemporains à ne pas confondre ‘école active’ et ‘méthodes actives’. De même Pour l'Ere nouvelle publie des mises en garde régulièrement (1948: “Méthodes d'éducation active et réformes de l'enseignement. Les contrefaçons des Méthodes actives” par Lucien Boes; 1948 et 1949: deux conférences de Marthe Chenon‐Thivet: “Méthodes actives et éducation nouvelle”). Dans sa contribution à l'ouvrage dirigé par G. Mialaret, Education nouvelle et monde moderne (Paris, 1966/1969), reprenant les propos de ses conférences, cette même pédagogue écrit: ‘il semble bien que de plus en plus les postulats des méthodes actives s'identifient avec ceux de l'Education nouvelle’ (p. 103). 10 Sur le militant qui se fait historien, j'ai eu l'occasion d'écrire deux ou trois choses en préfaçant la thèse magistrale d'António Nóvoa. Le Temps des professeurs. Lisbonne, 1987: XIX–XXV. 11 Je n'ai pris connaissance qu'après la rédaction de cette conférence, de la contribution d'Antoine Savoye à l'ouvrage collectif sur l'Education nouvelle paru à l'occasion du Congrès. En homme qui sait poser les bonnes questions, il s'interroge – il m'interroge – sur la rupture et la continuité entre les entreprises ‘groupistes’ non‐directives et l'éducation nouvelle. Savoye, A. “L'Education nouvelle en France. De son irrésistible ascension à son impossible pérennisation (1944–1970).” Dans L'Education nouvelle, histoire, présence et devenir, par A. Ohayon, D. Ottavi et A. Savoye. Berne, 2004: 235–69. 12 Hameline et Dardelin, La Liberté d'apprendre; Id. La Liberté … Situation II. 13 Mais déjà un ouvrage collectif comme La pédagogie au XXe siècle, sous la direction de Avanzini (Toulouse, 1975), tente une première prise de distance en même temps qu'une saisie du phénomène Education nouvelle sur une durée où ce syntagme de référence s'articule avec d'autres, s'efface ou se trouve réanimé pour désigner des réalités dont les auteurs du livre montrent combien elles sont flottantes. 14 Comme on parle d'un ‘acte manqué’ peut‐être… 15 Arbousse‐Bastide, P. “L'expérience de Samois. Impressions et réflexions d'un participant à un T‐group.” Bulletin de psychologie 6–9/XII (1959): 377–85. 16 Favez‐Boutonier, J. “L'expérience d'Utrecht dans la perspective de l'utilisation pédagogique des petits groupes.” Bulletin de psychologie 6 à 9/XII (1959): 259–63. 17 Boyd et Rawson, The Story of the New Education, 146. 18 Steward, Progressives and Radicals, 373 (souligné par DH). 19 Ce texte de Rogers (Rogers, C. Le Développement de la personne (trad. de l'américain). Paris, 1952/1966) m'a paru si important comme étape‐tournant dans l'histoire de l'éducation au XXe siècle, que je l'ai repris dans mon recueil Maîtres et élèves. Paris, 1974. Et je l'ai fait travailler depuis assez régulièrement. Je relève, en passant, que ce recueil ne comporte aucun texte émanant du courant de l'Education nouvelle et que l'expression elle‐même n'y figure pas. 20 Contrairement à ce que nous affirmons dans La Liberté d'apprendre. Situation II, 21, M.‐L. Fanchon n'omit pas de nous parler de Rogers. Mais, alors que son cours sur Lewin et les TP correspondants nous ‘emballèrent’ au point de provoquer l'envie de prolonger notre formation et de renforcer notre expérience, ce n'est pas à cette occasion que je saisis la portée de la pensée de Rogers. De même, je retrouve mes notes prises au cours d'Histoire de la pédagogie et de l'éducation, donné par René Cailleau (1958–1959). Elles comportent un assez long développement sur ‘Les Ecoles nouvelles et les méthodes actives’, sur la ‘nouvelle vague théorique’ que représentent des pensées comme celle de Montessori, Decroly, Makarenko, l'analyse des ‘Trente points’ de Ferrière, etc. Mais ces connaissances ne s'intègrent pas non plus à mes initiatives quelques années plus tard. 21 Notre rencontre avec André de Peretti a joué un rôle déterminant pour nous confirmer dans cette orientation. Son livre Pensée et vérité de Carl Rogers (Toulouse, 1974) demeure la meilleure présentation en français de l'oeuvre du penseur américain. Cet ouvrage est en grande partie reprise dans Présence de Carl Rogers (Ramonville, 1997) qui offre en même temps des développements nouveaux. 22 Publiée sous le titre Du Savoir et des hommes. Contribution à l'intention d'instruire. Paris, 1971. 23 Voir V. Feroldi. “Coeurs Vaillants–Âmes Vaillantes.”. Dans le Dictionnaire historique de l'éducation chrétienne d'expression française, dir. G. Avanzini, R. Cailleau, A.‐M. Audic, P. Pénisson. Paris, 2001. 24 A la réflexion, je me demande si la colonie de vacances nazairienne à laquelle nous avons été envoyés, mes frères et moi, l'été 1941 et l'été 1942, ne fonctionnait pas selon les principes du Mouvement. Les équipes, les devises, les slogans, les jeux à thème, l'appel à l'initiative des colons: tout cela ressemble à des pratiques CV. Mais je ne retrouve aucun document pour le vérifier. 25 En retrouvant cette notion de ‘pleine vie’, qui est plus une valeur qu'un concept, je songe à la notion, développée par le pédagogue Jan Ligthart: Pädagogik des Vollen Lebens (1931). Hemlchen l'a commentée récemment (“L‘Education nouvelle et la ‘vie pleine’.” Dans Science, rhétorique, propagande, édité par M. Cifali et D. Hameline [IIe colloque international des Archives Institut Jean‐Jacques Rousseau]. Genève, 1998 : 83–98). Certes, en français, l'inversion de l'adjectif: vie pleine/pleine vie, entraîne une profonde modification du sens. Mais on peut dire que, dans le Mouvement, les deux formules se rejoignent pour exprimer une postulation pédagogique où se retrouve une conception propre à l'éducation nouvelle: ‘ce n'est qu'en pleine vie que tu vivras ta vie à plein’. Le slogan ‘Pour une vie pleine’ figure littéralement comme titre de l'épreuve de ‘technique pédagogique’ dans la brochure Mieux savoir et mieux valoir pour mieux servir. Paris, 1946: 97. 26 La brochure de présentation du mouvement, dans sa version résumée non datée mais postérieure certainement à 1947, intitulée En quelques mots. Brève information sur le Mouvement Coeurs Vaillants – Ames Vaillantes (résumé du manuel général) (ci‐après Eqm), p. 53, note 1: Le mouvement CV–AV, fidèle à l'esprit général de cette pédagogie (active) a distingué plus particulièrement quatre grands centres d'intérêt permanents: la maison, le milieu social, l'activité humaine, la nature. C'est sur ces centres d'intérêt qu'il axe, d'année en année, ses ‘plans progressifs’ de formation chrétienne et d'éducation générale. La notion de ‘plan progressif’ annuel rappelle les pratiques de la ‘concentration’ préconisée par les Herbartiens. (cf. Hameline, D. “L'implantation d'une doctrine pédagogique et ses aléas: le faux triomphe et le déclin de l'herbartianisme en Suisse romande (1896–1926).” Dans Sciences de l'éducation 19e–20e siècles. Entre champs professionnels et champs disciplinaires, édité par R. Hofstetter et B. Schneuwly. Berne, 2002: 189–222. Mais il n'est pas invraisemblable, aussi paradoxal que cela puisse paraître, d'y trouver tout autant un écho de la pédagogie du Communisme de guerre. P.‐A. Rey‐Herme, l'un des conseillers pédagogiques du Mouvement au moment où je milite, a reçu du P. Fillère, fondateur, avant la guerre, de la Cité des Jeunes, dont le Mouvement Coeurs Vaillants, tout en s'en séparant, s'est beaucoup inspiré, un exemplaire introuvable de la traduction française de Pistrak, M.‐M. Principes fondamentaux de l'Ecole du travail (1924). Pistrak y préconise la méthode des ‘complexes’: programmation sur la durée de travaux tournant autour de ‘centres d'intérêt’ qui doivent d'abord être en lien avec la vie réelle des élèves et le travail productif. A la différence des activités du scoutisme, axées principalement sur la nature, les grands jeux à thème du Mouvement CV–AV qui mettent en oeuvre les plans progressifs, demeurent des activités centrées d'abord sur la vie urbaine et le quotidien des milieux populaires. Rey‐Herme a réédité l'ouvrage de Pistrak en 1973. Sur le P. Marcellin Fillère, voir Bourtot, B. “Marcellin Fillère (1900–1949).” Dans Dictionnaire historique de l'éducation chrétienne. 27 J'ai eu l'occasion de développer récemment ce point à propos de la cr éativité musicale. cf. Hameline, D. “Collectionner les paradoxes.” Dans A portes ouvertes, mélanges offerts à Roland Vuataz. Genève, 2001: 63–74. 28 Par exemple, Eqm, 48–49. 29 La formule exacte est: participation ‘progressive et graduellement plus consciente’ de l'enfant au travail de son éducation. Cet ajout est soigneusement pesé. Il cite textuellement l'Encyclique de Pie XI Divini illius Magistri (Rome, 1929). Celle‐ci comportait une sévère mise en garde contre le spontanéisme présent dans la pensée de l'éducation nouvelle. Cette sévérité était évidemment exploitée par les adversaires de la pédagogie active. Les responsables du Mouvement tirent, autant qu'ils le peuvent, la pensée du Pape de leur côté, en acceptant qu'elle nuance, en retour, leur propre pensée (cf. La formation personnelle dans le Mouvement CV–AV. Paris, 1946: 121 note 1 – ci‐après: FPM). 30 Ex. Fpm. ‘Qu'est‐ce que la pédagogie active?’, 119–128; Mieux savoir et mieux valoir pour mieux servir, Epreuve de ‘technique pédagogique’ (A) Méthode active, 62–63, cf. p. 98. Le Dirigeant en colonie de vacances. Pédagogie passive ou active?, 46–48, etc. 31 Louis Raillon évoque cet épisode de sa carrière de pédagogue dans un entretien avec J. Hassenforder et rappelle le titre de son premier éditorial: “Pour un front commun des éducateurs” (Raillon L. et Hassenforder, J. Une revue en perspective: Education et développement. Paris, 1998: 17–18). 32 Voir Comité universitaire d'information pédagogique. Un pionnier en éducation. Gustave Monod et les classes nouvelles de la libération. Paris, 1981. 33 Le Mouvement mesure cependant les risques de la propagande dont font usage ‘tous les grands Mouvements révolutionnaires contemporains’: ‘il est bien certain que le Christianisme, parce qu'il respecte les Commandements de Dieu et la personne humaine, ne pourra pas employer tous les moyens de propagande, d'agitation et de “prise du pouvoir” utilisés par les susdits Mouvements révolutionnaires’. Néanmoins cette réserve est elle‐même aussitôt compensée par le regret que ce soit seulement ‘après 1936’, c'est‐à‐dire après la victoire du Front populaire, que le Catholicisme français ait tenté de ‘baser scientifiquement son action sur les lois de la propagande populaire’. Mais, ajoute l'auteur, on ne ‘pouvait pratiquement plus rien faire pour empêcher l'épouvantable chaos dans lequel nous avons été ensevelis’ (Le sens de la masse, publié en 1944, ci‐après Sm, 34). 34 De même que l'ouvrage Le sens de la masse a été rédigé pour l'essentiel par Jean Pihan pendant l'Occupation (1eéd. 1943). (Paris, 1946, nouvelle éd. augm., Coeurs Vaillants – Ames Vaillantes). 35 Je lis, par exemple, dans La formation personnelle dans le mouvement CV–AV, 1946, le passage suivant, dont une note signale qu'il a été censuré totalement par Vichy en 1943: ‘les techniques d'information (!) et de propagande … ne permettent plus à l'ensemble des humains que de penser “par masses”, c'est‐à‐dire de ne plus penser du tout. Apocalypse monstrueuse: la Voix tant attendue daigne s'exprimer aux foules; coup de gong; la foule tombe sur sa face et murmure: Amen’ (33–34). Dans le même ouvrage, un peu plus loin: ‘L'humanité se partage en deux catégories aussi dangereuses à l'heure actuelle l'une que l'autre: (a) les jouisseurs, les lâches, les amollis, incapables d'aucun effort, qui nous ont menés à la défaite actuelle; (b) les “durs”, les néo‐païens, qui se moquent du Christianisme comme d'une doctrine de faiblesse et qui nous proposent des solutions de force’ (p. 66). Ces néo‐païens sont bien évidemment les Nazis. Le texte ajoute: ‘il faut présenter le Christianisme comme une doctrine de générosité et de lutte qui seule satisfait (en le “sublimant”) l'instinct combatif et le besoin de domination qui sommeille en nous’. Le lecteur aura relevé la notion d‘instinct combatif qui, sans y faire référence, est le titre même d'un ouvrage de Pierre Bovet (1eéd. Paris, 1917; 2eéd. 1928) et nous replonge dans le courant de l'Education nouvelle. 36 Et comment ne pas rappeler, pour faire contrepoids et en restant ‘du même bord’, la dignité de Roger Cousinet, démis de ses fonctions à la Sorbonne sur les ordres du gouvernement de Vichy. La mesure ne fut pas motivée. Mais le seul fait qu'il préconisait une pédagogie scolaire qui donnait la priorité au travail de groupe sur la parole autorisée du maître pouvait le rendre suspect de sympathie pro‐communiste (cf. Raillon, L. Roger Cousinet. Une pédagogie de la liberté. Paris, 1990 : 151). 37 Un très long développement consacré à la notion de ‘mystique’ se retrouve dans Fpm, 49–58. J'y lis que, à la manière de la ‘mystique du prolétariat construisant la cité communiste’, de la ‘mystique de la race aryenne ou de la nation fasciste’, la mystique chrétienne ne peut pas ne pas comporter un ‘élément de totalitarisme’ (p. 57). ‘Encore faut‐il nuancer ce mot, ajoute une note, pour ne pas tomber dans le théocratisme comme au temps de la Chrétienté au moyen âge….’ On retrouve ce même terme de ‘mystique’ employé dans le même sens par la revue Educateurs 1946/2, p. 115, sous la signature Vigilax. 38 Cette ‘déviation lamentable’ du laïcisme est de nouveau sévèrement présentée dans Fpm, 55–56. ‘Nous sommes tellement intoxiqués par le laïcisme que la formation chrétienne des enfants elle‐même est laïcisée (id. 13). 39 Traduit de l'italien par DH, à partir de la 5eéd. italienne 1968, p. 525. Boyd, W. Storia dell’ educazione occidentale. Roma, 1921/1964/1968. 40 On pourra trouver un peu incongrue cette allusion à la gay pride de la fin du XXe siècle. Le rapprochement est certes anachronique et discutable. Mais quand nous entonnions, en 1947–1950, dans les rues du Pouliguen, un chant intitulé Fierté chrétienne, c'était bien une minorité agissante qui bravait son propre respect humain pour revendiquer au grand jour sa condition. 41 La métaphore de la ‘climatisation’ est officialisée par le Mouvement, dès 1939–1940, par opposition au ‘noyautage’ et à la ‘tâche d'huile’ (cf. FPM, 8. La climatisation, 85ss; Un groupe bien climatisé (Paris, 1943? Coeurs Vaillants et Ames Vaillantes de France, Coll. Témoignages n° 4). 42 Même si mes convictions militantes étaient réelles, il faut en nuancer l'ardeur pour trois raisons. D'abord, il ne nous a pas été facile d'abandonner la mentalité ‘patronage’: le regroupement des garçons pour les après‐midi de loisirs du jeudi demeurait un point fort, et les activités y étaient, en définitive, peu différentes de ce que proposait l'Amicale laïque concurrente. Ensuite, j'ai mis personnellement du temps pour me lancer dans la formation spirituelle des chefs d'équipe dont j'avais la charge. Enfin et surtout, une lecture décisive en cette période de ma vie fut Les Clés du Royaume, de Cronin. Le personnage de Chisholm, un missionnaire atypique, oecuménique et tolérant, lié d'une amitié profonde avec un médecin athée, généreux et aussi désintéressé que lui, était opposé à celui d'un carriériste ecclésiastique aussi répugnant que pieux. Je crois avoir saisi, à cette lecture, et dès ce moment, les limites d'une action de reconquête chrétienne trop assurée de son bon droit. La répugnance de Chisholm à faire de la propagande comme à assurer le triomphe de sa propre ‘boutique’, me paraissait, en dépit de son apparent échec – voire à cause de lui – l'attitude chrétienne la plus imitable. 43 Aiglon, P. Le Rôle du dirigeant en colonie de vacances. Lyon, 1944. 44 Ancienne professeure à l'Ecole des Roches, introductrice de la pédagogie active dans l'enseignement du catéchisme (Les Méthodes actives dans l'Enseignement religieux. Juvisy, 1934). 45 J'ai déjà eu l'occasion (cf. Hocquard, A. Eduquer, à quoi bon? Paris, 1996: 247) de faire usage de ce terme qui, en grec, signifie quelque chose comme un dépouillement. Il est utilisé depuis les premiers siècles de l'Eglise pour désigner ce qui est appelé le plus souvent en français la ‘vie cachée’ du Christ dans l'Evangile: trente ans, dont aucun des textes canoniques ne sait rien ni ne dit rien, contre trois ans de ‘vie publique’. Ces trente années de silence et d'effacement offrent à la méditation un ‘mystère’ particulièrement stimulant pour l'esprit par la puissante portée symbolique de cette sorte de présence d'absence. 46 La formule ‘éducation intégrale’ a servi de référence, voire de slogan, tout au long du XIXe siècle, aussi bien dans le sillage de Proudhon ou de Fourier que dans celui d'Auguste Comte. C'est Paul Robin qui, en France, en a été à la fois le théoricien et le promoteur à la tête de l'orphelinat de Cempuis. Les fondateurs de l'école républicaine (Buisson, Marion, Compayré, etc.) lui ont opposé la doctrine de l'‘enseignement libéral’. Cf. Hameline, D. “Education libérale contre éducation intégrale”. Dans L'Education nouvelle, histoire, présence et devenir, par A. Ohayon, D. Ottavi et A. Savoye. Berne, 2004: 47–65. 47 Ce n'est pas l'un des moindres débats pour les chrétiens, dans le pluralisme religieux et culturel de la société contemporaine, d'aspirer à ‘garder’ l'authenticité de l'Evangile auquel ils croient et qui leur confère le droit d'exister comme tels, tout en sachant qu'ils n'ont pas à le ‘garder’ dans la clôture identitaire d'une ‘communauté’ sociale juxtaposée à d'autres. 48 Sur le choix du mot ‘finalités’ de préférence au mot ‘fins’, c.f. Hameline, D. Les objectifs pedagogiques, 97. 49 Je dis ‘obligés’ et non pas ‘nécessaires’, pour inscrire cette finalité dans l'ordre du devoir que l'on se donne, et non en faire une soumission à l'ordre de la détermination des choses. 50 C'est en 1949 que Merleau‐Ponty est nommé à la Sorbonne. La chaire disponible est celle de ‘psychologie et pédagogie’. Situation paradoxale mais qui n'est pas rare, le philosophe est appelé, comme le sociologue Durkheim avant lui, à enseigner une spécialité qui n'est pas la sienne. Piaget, qui lui succède en 1962, ironisera sur ce singulier prédécesseur qui n'a jamais franchi le seuil d'un laboratoire. Les cours de Merleau‐Ponty à la Sorbonne ont été regroupés dans le Bulletin de psychologie en 1964 (Merleau‐Ponty, M. “Méthode en psychologie de l'enfant.” Bulletin de psychologie XVIII, no. 3–6, 109–140). 51 En rappelant la distinction de Manheim (1929) entre idéologie et utopie, Drouin‐Hans, A.‐M. Education et utopies. Paris, 2004: 26–27 replace le désir de nouveauté, au‐delà d'un simple prurit de changement, dans un rapport dialectique avec la prise en compte de la réalité existante. L'idéal de perfection est ailleurs, dans ce non‐lieu de l'utopie? Raison de plus pour en chercher hic et nunc la mise en oeuvre désirable et impossible, impossible et désirable. Plus loin (p. 245) l'auteure cite un propos de Cioran: ‘nous n'agissons que sous la fascination de l'impossible, autant dire qu'une société incapable d'enfanter une utopie et de s'y vouer est menacée de sclérose et de ruine’. Elle commente: ‘cette belle métaphore de l'impossible conduite programmée renoue avec le paradoxe d'une éducation qui pour être réussie doit échouer dans ses projets initiaux pour laisser place à l'ébranlement du nouveau’. 52 Gauchet, M. Le Désenchantement du monde. Une histoire politique de la religion. Paris, 1985. 53 Je serais tenté de traduire par: un troc étonnant….
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