<i>Abdeker, ou l’art de conserver la beauté</i> (review)
2009; University of Toronto Press; Volume: 22; Issue: 1 Linguagem: Francês
10.1353/ecf.0.0111
ISSN1911-0243
Autores Tópico(s)Historical Studies and Socio-cultural Analysis
ResumoReviewed by: Abdeker, ou l’art de conserver la beauté Stéphanie Massé (bio) Antoine Le Camus. Abdeker, ou l’art de conserver la beauté, éd. Alexandre Wenger. Grenoble: Éditions Jérôme Millon, 2008. 278pp. €20. ISBN 978-2-84137-238-6. D’aucuns se souviennent sans doute de ces six soirées au clair de lune où l’exploration de la grande voûte céleste et de ses phénomènes servait de prétexte à un philosophe particulièrement galant pour séduire une belle marquise, dans les Entretiens sur la pluralité des mondes (1686) de Fontenelle. Si la physionomie de la marquise annonçait les meilleures dispositions pour le raisonnement, le savoir dispensé par le philosophe se voulait tout de même adapté au « beau sexe ». Savoir et mondanité, science et galanterie: le mélange des disciplines propre à la République des Lettres a donné, après les Entretiens de Fontenelle, un nombre impressionnant de romans. Paru en deux volumes en 1753 et 1754, Abdeker, ou l’art de conserver la beauté d’Antoine Le Camus participe de cette tradition en proposant une conversation sur la cosmétique introduite par des propos galants. Mais l’originalité du roman ne s’arrête guère là et Le Camus n’aurait pu faire mieux pour assurer à son œuvre une place de choix dans la « Bibliothèque des Dames ». Tout ce qui passionnait les lectrices d’Ancien Régime se donne en effet à lire dans Abdeker : décor oriental, histoire d’amour, réflexion sur le corps, la beauté et l’« ambiguïté morale du maquillage » (30), intérêt pour le visage où les signes des passions se lisent « à fleur de peau » (30). Le médecin Abdeker arrive à Constantinople alors que le sultan Mahomet ii est gravement malade. Il le soigne, sa fièvre disparaît et, infiniment reconnaissant, Mahomet ne se contente pas uniquement de le nommer Lecchin Bachi, « c’est-à-dire, Premier Médecin de Sa Hautesse » (48), mais encore le fait-il surtout « Médecin des femmes de son Sérail, sans l’avoir auparavant privé de tout ce qui peut exciter la jalousie d’un Turc » (48). Il n’en faudra pas davantage pour qu’une histoire d’amour interdite se développe et qu’Abdeker s’éprenne de la plus belle des Odalisques, la délicieuse Fatmé. Les louanges répétées faites à sa beauté finissent par attiser sa curiosité au point de demander au médecin « d’apprendre de [sa] bouche quelques-uns [des] secrets » pour conserver la beauté (53). C’est ainsi qu’Abdeker multiplie ses visites au sérail et se fait Pygmalion cosmétologue. Mais l’élève est précoce et ses questions entraînent parfois Abdeker plus loin qu’il ne l’avait prévu: « vous me dispenserez de vous faire mention de la cure de pareils maux; ce serait pénétrer dans le sanctuaire même de la Médecine, et je vous ai seulement promis que nous nous promènerions dans ses jardins » (98). Cette promenade dans les jardins de la médecine est ponctuée, à la fin de chaque volume et sous forme d’observations, d’une liste impressionnante de trucs et recettes de toutes sortes pour préserver la beauté. Poudres, huiles, pommades, vernis, bains, soins de la peau, [End Page 164] des dents et du visage, tout y passe, de la façon d’enlever les taches de rousseur (« Calcinez au feu les os longs des pieds de moutons, réduisezles en poudre; laissez cette poudre infuser pendant vingt-quatre heures dans du vin blanc, et frottez-vous en le visage » [215]) à la prévention de la petite vérole au moyen d’un expédient assez peu orthodoxe: « Prenez un poulet, coupez-lui la tête, après lui avoir plumé le col, mettez le col qui tient au corps dans l’anus de la personne qui est menacée de la petite vérole. On prétend que l’animal enfle extraordinairement, et qu’il faut prendre garde de ne pas le laisser trop longtemps, parce qu’il tire le venin avec tant de violence, que le...
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