Artigo Revisado por pares

<i>La Malédiction paternelle (1779)</i> (review)

2008; University of Toronto Press; Volume: 20; Issue: 4 Linguagem: Francês

10.1353/ecf.0.0011

ISSN

1911-0243

Autores

Jacqueline Chammas,

Tópico(s)

French Literature and Criticism

Resumo

Reviewed by: La Malédiction paternelle (1779) Jacqueline Chammas (bio) Rétif de la Bretonne. La Malédiction paternelle (1779), éd. Pierre Testud. Paris: Honoré Champion, 2006. 507pp. €75. ISBN 978-2-7453-1297-6. La Malédiction paternelle est un roman épistolaire qui relate, en 205 lettres sincères et véritables de N*** à ses parents, ses amis, ses maîtresses (sous-titre), vingt années d’amours malheureuses. Deux grands thèmes se partagent l’ouvrage; ils sont cités à maintes reprises par l’épistolier lui-même: les femmes occupent son temps et ses esprits; il se peint comme un amoureux invétéré: « L’amour est une maladie chez moi » (256); mais toutes ses passions s’achèvent mal, et il en attribue la défection à sa relation tumultueuse avec son père: « La malédiction de mon père a tout empoisonné pour moi » (256). [End Page 594] En effet, N*** Dulis ne trouvera jamais le bonheur dans ses relations amoureuses à cause d’une malédiction paternelle émise après son mariage avec l’Anglaise Henriette, alors que la France et l’Angleterre sont en guerre en 1756. La fuite d’Henriette à Londres, quelque temps après, est suivie d’une succession d’aventures passionnées, souvent pathétiques mais qui ne manquent pas d’être cocasses quand la scène s’y prête: Eulalie, Victoire, Louise, la Desrays, Virginie, Élisabeth, Lisette et finalement une correspondance collective avec des filles d’une boutique de modes, qui se solde par un projet de mariage entre un Dulis âgé de 40 ans et la jeune Amélie, 17 ans, projet voué lui aussi à l’échec. Le récit de ces amours malencontreuses serait, somme toute, assez commun si le roman ne liait pas les lettres avec ce fil conducteur qui en change la donne et qui est la malédiction du père, « facteur de cohésion narrative » (15). Les lettres de Dulis sont non seulement imprégnées de son infortune; toute la correspondance est hantée par l’ombre de son défunt père qui le pourchasse sans arrêt dans les douleurs anodines comme dans les grands maux. D’autres sujets découlent directement de cet état et permettent à Rétif d’en développer le point de vue. D’abord, le statut du père, figure emblématique de l’autorité suprême, source de respect. Sa malédiction équivaut à une disgrâce royale, voire à la colère divine. Les conséquences en sont catastrophiques puisque Rétif laisse entendre dans sa lettre 24 (60) qu’en fin de compte, « l’insubordination filiale menace tout l’édifice social » (15). Malgré cela, le fils maudit opte pour le tandem « désobéissance/malheur » au détriment du duo « soumission/bonheur », et décide de jouer cette carte jusqu’à s’en soûler: « Vous m’avez souhaité tous les maux, […] je veux m’enivrer de tous les maux » (61). Cette insoumission du fils débouche sur l’affirmation d’une liberté source de vie, un bien que Dulis préfère à tous les autres (« Qu’est-ce que la vie, sans la liberté? » [36]), même si cet affranchissement devait le conduire à la solitude de l’incognito: prénom occulté—N***—; nouvelle identité—Dulis—; nouveau lieu de vie—Paris—; choix d’une profession qui coupe les liens avec la famille et les travaux de la campagne auxquels il était destiné—écrivain. C’est pourquoi, le thème de l’écriture se taille une large place dans le roman. L’épistolier cite sans cesse ses ouvrages en cours, en fait part à ses destinataires et leur envoie ses textes pour lecture. L’intérêt ici réside dans le paradoxe qui entoure cette écriture; Dulis, qui a rompu avec son passé par désir de liberté, revient sur ce même passé, s’y attarde et s’y délecte. Certaines de ses phrases exhibent une jouissance dans la mémoire de soi, aux parfums proustiens avant l’heure: « J’ai toujours aimé à écrire ce qui m’arrive; bonheur ou malheur je n’y ai [End Page 595] jamais manqué; […] non content d’exister...

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