Nourricières d'immortalité: Déméter, Héra et autres déesses en pays grec
2010; Taylor & Francis; Volume: 46; Issue: 6 Linguagem: Francês
10.1080/00309230.2010.526328
ISSN1477-674X
Autores Tópico(s)Ancient Egypt and Archaeology
ResumoAbstract In ancient Greece, the representation of the divine and heroic world is characterised by a very sophisticated anthropomorphism. However, the supra‐human world is more than the lifelike projection of a human society into a higher sphere. In the discrepancies between socio‐history and representation, some aspects of a divine specificity can be discerned. Accordingly, the respective roles of mother and wet nurse are not human types transported as such in the society of Greek gods. These types of human experience are “translated” at a higher level to suggest some aspects of the relationship that men want to establish with their gods. In return – and taking into account the discrepancies mentioned above – the narrative plots that feature such roles among the gods and heroes can reflect on their human counterparts and some current practices within Greek society. This paper addresses the role of the wet nurse respectively endorsed by the goddess Demeter taking care of a human baby and by the goddess Hera suckling the hero Heracles. Keywords: Ancient Greek religionDemeterHeraHeraclessuckling in Greek mythology Notes 1Pour l'arrière‐plan général du profil des nourrices dans la Grèce historique, voir Sylvie Vilatte, “La nourrice grecque: une question d'histoire sociale et religieuse,” L'Antiquité classique 60 (1991): 5–28. Pour un autre processus de prise en charge des enfants, voir Jan Bremmer, “Fosterage, kinship and the circulation of children in ancient Greece,” Dialogos. Hellenic Studies Review 6 (1999): 1–20. 2Il existe de nombreuses introductions à ces questions générales. Qu'on me permette de renvoyer aux modules d'e‐learning sur les religions grecque et romaine que j'ai mis au point avec ma collègue Francesca Prescendi de Genève, dans la mesure où le projet Antiquit@s émane des Universités suisses et que l'Université de Fribourg en a été le moteur. Voir http://elearning.unifr.ch/antiquitas/. Une manière, donc, de rendre hommage à cette initiative. 3Sur ces vastes problèmes, voir surtout les travaux de Marcel Detienne, L'invention de la mythologie (Paris, 1981); Claude Calame, “‘Mythe’ et ‘rite’, des catégories indigènes?,” Kernos 4 (1991): 179–204 [= Sentiers transversaux. Entre poétiques grecques et politiques contemporaines, éd. David Bouvier, Martin Steinrück et Pierre Voelke (Grenoble, 2008), 43–62]; Fritz Graf, Greek Mythology: An Introduction (Baltimore, 1993); Richard Buxton, Imaginary Greece: The Contexts of Mythology (Cambridge, 1994). La limitation du “mythe” à une catégorie précise de récit est d'autant moins pertinente que la récitation elle‐même faisait de bon nombre de “mythes” des actes cultuels. Sur ce point, voir les réflexions récentes de Claude Calame, “Greek Myth and Greek Religion,” in The Cambridge Companion to Greek Mythology, éd. Roger D. Woodard (Cambridge, 2007), 259–85. 4Les traductions qui apparaissent dans la suite sont largement redevables au travail de Jean Humbert dans la Collection des Universités de France (Paris, 19766 [1936]). 5Sur ces questions, voir Pierre Chantraine, Dictionnaire étymologique de la langue grecque (Paris, 1968), 436 (s.v. thêsthai), 1113 (s.v. téthe ), 1117–118 (s.v. tithéne ). 6Cité par Paul Demont, “Remarques sur le sens de trépho ,” Revue des Études Grecques 91 (1978): 358–84, citation à la page 359. 7Sur ces deux vers, voir l'interprétation de Marie‐Christine Leclerc, que je suis: “Un traitement contre la mort. Notes sur l'Hymne homérique à Déméter, 227–230,” Pallas 72 (2006): 299–313. 9Sur cette mise en perspective, voir Pirenne‐Delforge, “Maternité et divinité…”. 10Cf. aussi la manière dont Hermès décrit Apollon dans l'Hymne pseudo‐homérique à Hermès, 375. Sur cette notion d'ánthos hébés, voir les belles pages de Gabriella Pironti, Entre ciel et guerre. Figures d'Aphrodite en Grèce ancienne (Liège, 2007), 178–208. Cf. André Motte, “Le thème des enfances divines dans le mythe grec,” Les Études Classiques 64 (1996): 109–25, spéc. 119–23, pour la “nativité” d'Apollon dans l'hymne. 8Voir, entre autres, Nicolas J. Richardson, The Homeric Hymn to Demeter (Oxford, 1974); Jean Rudhardt, “À propos de l'Hymne homérique à Déméter,” in Du mythe, de la religion et de la compréhension d'autrui (Genève, 1981), 227–44; André Motte, “L'Expression du sacré dans la religion grecque,” in L'Expression du sacré dans les grandes religions III (Louvain‐la‐Neuve, 1986), 109–256, spéc. 197–204; Jenny Strauss Clay, The Politics of Olympus: Form and Meaning of the Major Homeric Hymns (Princeton, 1989), 202–66; Robert Parker, “The Hymn to Demeter and the Homeric Hymns,” Greece & Rome 38 (1991): 1–17; Kevin Clinton, Myth and Cult: The Iconography of the Eleusinian Mysteries (Stockholm, 1992); Helen Foley (éd.), The Homeric “Hymn to Demeter”. Translation, Commentary, and Interpretive Essays (Princeton, 1994); Claude Calame, “L'hymne homérique à Déméter comme offrande: regard rétrospectif sur quelques catégories de l'anthropologie de la religion grecque,” Kernos 10 (1997): 111–33 [= Sentiers transversaux…, 63–83]; Ann Suter, The Narcissus and the Pomegranate: an Archaeology of the Homeric “Hymn to Demeter” (Ann Arbor, 2002) (avec une abondante bibliographie); Dominique Jaillard, “Mises en place du panthéon dans les Hymnes homériques. L'exemple de l'Hymne à Déméter,” Gaia 8 (2005): 49–62; Vinciane Pirenne‐Delforge, “Maternité et divinité en Grèce antique: l'exemple de Déméter,” in La puissance maternelle en Méditerranée. Mythes et représentations, dir. G. Dermenjian, J. Guilhaumou, M. Lapied (Arles, 2008), 37–54. 11Homère, Iliade XVIII, 122, 339; XXIV, 215. 12 Hymne homérique à Démeter, 5. 13Hésiode, Théogonie, 346–48. 14Sur ces figures, voir Jennifer Larson, Greek Nymphs. Myths, Cult, Lore (Oxford, 2001) et Christiane Sourvinou‐Inwood, Hylas, the Nymphs, Dionysos and Others: Myth, Ritual, Ethnicity. Martin P. Nilsson Lecture on Greek Religion, delivered 1997 at the Swedish Institute at Athens (Stockholm, 2005), 103–16. 15La volonté d'immortaliser un humain et l'impossibilité de faire aboutir le processus forment un arrière‐plan intéressant pour circonscrire le message des mystères d'Éleusis: l'humain reste mortel, mais la sollicitude des deux déesses, Déméter et Perséphone, compensent cette mortalité en autorisant de doux espoirs après la mort. Voir Parker, “The Hymn to Demeter and the Homeric Hymns”, 8–10. 16Le dossier iconographique a été rassemblé et étudié par Marcel Renard, “Hercule allaité par Junon,” in Hommages à Jean Bayet, éd. Marcel Renard, Robert Schilling (Bruxelles, 1964), 611–18. C'est de cet article que proviennent les dessins produits ici. Voir aussi Jean Bayet, Herclé. Étude critique des principaux monuments relatifs à l'Hercule étrusque (Paris, 1926), 150–54. 17John Boardman et al., s.v. Heracles, Lexicon Iconographicum Mythologiae Classicae (LIMC) V (1990): no. 3344. 18Shirley J. Schwarz, s.v. Herakles/Hercle, in LIMC V (1990): nos. 402, 402a, 403. Notre figure 2 est le no 402a du LIMC. 19Ibid., no. 404. 20Cratère falisque à figures rouges, daté du milieu du IVe s. av. J.‐C. Villa Giulia. LIMC, s.v. Herakles/Hercle: no. 401. 21Lycophron, Alexandra, 39. Héraclès y est dit avoir frappé d'une flèche sa “deuxième mère”. Le vers peut faire référence à l'adoption par Héra ou au fait qu'elle est devenue sa belle‐mère à l'issue de son mariage avec Hébè. Pour ce dernier point, voir plus loin. 22Voir aussi une épigramme de l'Anthologie palatine (IX, 589) qui pourrait faire référence au type statuaire d'Héra allaitant Héraclès. 23Ératosthène, Catastérismes, 44 [= Carl Robert, Eratosthenis Catasterismorum Reliquiae (Berlin, 1878), 198–99]; Hygin, Astronomie, II, 43. 24Elle a été mise en évidence par Carlo Brillante, “La paideia di Eracle,” in Héraclès, d'une rive à l'autre de la Méditerranée. Bilan et perspectives, éd. Corinne Bonnet et Colette Jourdain‐Annequin (Bruxelles/Rome, 1992), 199–222, spéc. 202–04, 219–20. 25 LIMC, s.v. Herakles/Hercle: no. 404. Voir Bayet, Herclé…, 151–52. 26Brillante, “La paideia di Eracle,” 202. 27Sur la geste d'Héraclès, voir le beau parcours raisonné de Pierre Chuvin, La Mythologie grecque, du premier homme à l'apothéose d'Héraclès (Paris, 1992): 147–369. Cf. Brillante, “La paideia di Eracle”. 28Sur la déesse, voir la mise au point littéraire et iconographique faite par Annie‐France Laurens, s.v. Hebe I, LIMC IV (1988): 458–64, avec la bibliographie antérieure. 29Dans son nom même, Héraclès est devenu “la gloire d'Héra”. Le changement de nom d'Héraclès était intervenu, selon Diodore (IV, 10, 1) et le pseudo‐Apollodore (II, 4, 12), dès le moment où le héros encore bébé avait tué les deux serpents envoyés par Héra. Ce motif est tout autant une anticipation du statut à venir que ne l'est le motif de l'allaitement du bébé dans les textes. 30La courotrophie est un thème répandu, mais les implications concrètes de la maternité ou de l'allaitement ne sont guère fréquentes. Voir Sandrine Ducaté‐Paarmann, “Images de la grossesse en Grèce ancienne: réflexions sur les modes de pensées et de comportements à l'égard du corps enceint,” Opuscula Atheniensia 30 (2005): 35–54. 31Outre l'article du LIMC cité à la note 26, on lira aussi, d'Annie‐France Laurens, “Héraclès et Hébé dans la céramique grecque ou les noces entre terre et ciel,” in IIe Rencontre héracléenne: Héraclès, les femmes et le féminin, éd. Colette Jourdain‐Annequin et Corinne Bonnet (Bruxelles/Rome, 1996), 235–58. 32Rebecca Miller Ammermann, “Children at Risks: Votive Terracottas and the Welfare of Infants at Paestum,” in Constructions of Childhood in Ancient Greece and Italy (Hesperia supplement 41), éd. Ada Cohen et Jeremy B. Rutter (Princeton, 2007), 131–51; Sandrine Ducaté‐Paarmann, Images de la femme à l'enfant. Offrandes et cultes des divinités courotrophes dans les sanctuaires d'Italie centrale et méridionale de la fin du VIIe à la fin du IIe s. avant J.‐C. (Bruxelles/Rome, à paraître). 33Bayet, Herclé…, 152–54; Renard, “Hercule allaité par Junon,” 616–18. Voir aussi Waldemar Deonna, Deux études de symbolisme religieux (Bruxelles, 1955), 5–50 (“La légende de Pero et de Micon et l'allaitement symbolique”), spéc. 31–8. Les analyses de Brillante, “La paideia di Eracle,” 220, no. 71, sont davantage nuancées: “Almeno in ambito greco sembra di riconoscere un rapporto significativo tra allattamento dopo la nascita e adozione divina dopo la morte.” 34Les passages traduits sont de Philippe‐E. Legrand, dans la Collection des Universités de France (Paris, 1963). 35Sur Hélène de Sparte, voir notamment Claude Calame, “Hélène et les desseins de l'historiographie,” in id., Poétique des mythes dans la Grèce antique (Paris, 2000), 145–67. 36Pierre Brulé, La fille d'Athènes. La religion des filles à Athènes à l'époque classique. Mythes, cultes et société (Paris, 1987), 301–05.
Referência(s)