Les effets de la centrifugation sur la blastula et la jeune gastrula des Amphibiens: I. Mécanisme de la formation des organes secondaires aux dépens de l’ectoblaste
1953; The Company of Biologists; Volume: 1; Issue: 1 Linguagem: Francês
10.1242/dev.1.1.5
ISSN1477-9129
Autores Tópico(s)Freshwater macroinvertebrate diversity and ecology
ResumoLA centrifugation a été utilisée souvent comme moyen d’investigation de la morphogenèse chez les Amphibiens, mais ses effets aux divers stades n’avaient jamais été comparés de façon systématique.Quand, en 1937, nous avons étudié les effets de la centrifugation sur les œufs insegmentés de la Grenouille, nous avons ensuite été entraînés à confronter les résultats obtenus avec les anomalies éventuelles provoquées par ce traitement à d’autres stades. Contrastant avec la forte sensibilité des œufs insegmentés, la période de la segmentation, jusqu’à la jeune blastula y comprise, se caractérise par une indifférence relative; en aucun cas on n’y peut provoquer la formation d’anomalies. En revanche, peu avant et peu après le début de la gastrulation survient une nouvelle phase de sensibilité, plus ou moins nette suivant les espèces. Toutefois, les troubles du développement produits à ce stade prennent une tout autre allure que les hypomorphoses produites par la centrifugation de l’œuf insegmenté.En réalité, ces anomalies étaient connues depuis longtemps et on trouve dans la littérature d’assez nombreuses indications au sujet ‘d’embryons secondaires’, ou de ‘queues surnuméraires’ produites par la centrifugation du germe des Amphibiens peu avant, ou pendant la gastrulation. Citons A. M. Banta & R. A. Gortner (1915), M. Bagini (1925), P. Pasquini & G. Reverberi (1929), H. W. Beams, R. L. King & P. L. Risley (1934), enfin A. M. Schechtman (1937).Cependant il nous est apparu que le mécanisme de ces curieuses déformations n’avait jamais été expliqué de façon satisfaisante. Même l’hypothèse de Schechtman, la plus plausible de celles qui aient été avancées, ne peut être retenue. D’après cet auteur, il s’agit d’une action de l’organisateur sur une voûte blastocoelienne effondrée venant se mettre en contact avec la zone marginale. Comme nous le verrons cette interprétation se montre inadéquate pour trois raisons, (à) La plupart des localisations de ces ‘embryons secondaires’ ne correspondent pas à l’éventualité d’un contact de la voûte blastocoelienne et de la zone marginale, (b) Ces formations secondaires ne peuvent être obtenues que si on centrifuge l’œuf soit au stade blastula, soit à la toute jeune gastrula; dès le moment où le blastopore présente la forme d’une petite faucille, la centrifugation devient inefficace; la période sensible ne correspond donc nullement à la chronologie de l’induction, (c) Enfin il nous est apparu que ces ‘embryons secondaires’, par leur caractère incoordonné, leur manque d’équilibre entre composantes neurales et mésoblastiques, le mélange éventuel de ces tissus, ne ressemblent pas aux effets d’un inducteur normal, mais bien — et à s’y méprendre — aux résultats obtenus par un inducteur hétérogène, tel qu’un fragment de tissu adulte (cf. J. Holtfreter, 1934; H. H. Chuang, 1939; S. Toivonen, 1940).Cependant lorsque nous avons dû abandonner ce travail au cours de la guerre, nous en étions arrivé au point où on saisit l’intérêt d’un problème sans en entrevoir encore la solution. Sur ces entrefaites, l’étude de l’induction avait pris un tour inattendu: J. Holtfreter (1944, 1945, 1948) démontrait qu’un traitement ‘subcytolytique’ peut produire une neuralisation autonome de l’ectoblaste, en l’absence de tout inducteur. Aussi, quand nous avons repris nos expériences au cours des années s’étendant de 1945 à 1949, nous disposions d’une clef qui, comme nous le verrons, s’est montrée efficace; une interprétation nouvelle s’est dégagée, et a pu être démontrée par la combinaison d’expériences de centrifugation, d’explantation et de greffe.Comme nous le verrons, les effets de la centrifugation ne diffèrent pas seulement, suivant le stade où les germes sont centrifugés, mais encore suivant les espèces dont ils proviennent.Cette étude systématique de la sensibilité suivant les espèces et les stades constituera l’objet d’un second mémoire, tandis qu’un troisième envisagera les répercussions produites par la présence d’un axe embryonnaire supplémentaire sur la morphogenèse normale. Nous nous bornerons à présent à étudier la nature et la genèse des systèmes et organes supplémentaires produits par la centrifugation. Une discussion approfondie ne pourra être présentée qu’au terme final de ces exposés.La centrifugation a été réalisée au moyen d’une centrifugeuse électrique. Après quelques tâtonnements, nous nous sommes arrêté pour toutes nos expériences à l’accélération, relativement modérée, de 460 g., car une accélération plus grande ne modifiait en rien les résultats, si ce n’est en affectant la survie des embryons. Les temps de centrifugation ont varié de 10 secondes à 10 minutes, le résultat optimal étant déjà nettement atteint en-dessous de cette dernière durée.Ce temps de centrifugation est compris entre le moment où la centrifugeuse est déclanchée et celui où le contact électrique est coupé; il y a donc lieu d’y ajouter un certain nombre de tours supplémentaires dû à l’inertie de l’appareil; il faut ajouter que pour les temps de centrifugation courts, le régime de 460 g. n’était pas atteint.Des expériences d’explantation ont été réalisées chez l’Axolotl et la Grenouille; quant aux greffes, il s’agit de greffes homoplastiques de Xenopus sur Xenopus ou hétéroplastiques de Rana sur Triturus. Le nombre et les modalités de ces expériences seront précisés au moment de leur description. Nous avons utilisé la technique usuelle du Laboratoire d’Embryologie de Bruxelles: opérations au fil ou à l’anse de platine, sur fond d’agar à 13 pour cent dans la solution de Holtfreter; élevage sur fond d’agar également, les explantats étant laissés sur fond d’agar tandis que les embryons greffés étaient reportés dans une solution plus diluée, de préférence de l’eau stérilisée par filtrage sur bougie. La survie est devenue totale dans nos dernières séries, à partir du moment où 1 pour mille de sulfamide (Elkosine Ciba) a été ajouté au milieu.Après un examen préalable des germes vivants, un abondant matériel a été fixé et examiné sur coupes. (En ce qui concerne le nombre d’embryons étudiés, cf. le deuxième mémoire de cette série.) Nous avons habituellement fixé au Bouin et coloré les coupes à l’hématoxyline-éosine.Au sortir de la centrifugeuse, les œufs se présentent avec un pôle animal entièrement aplati, la voûte du blastocoele étant affaissée au contact de son plancher. Toute la surface du pôle animal paraît ainsi aplatie mais sillonnée de plis irréguliers (Fig. 1, dans le texte). Une coupe verticale d’une blastula de Rana temporaria immédiatement après la centrifugation montre que le blasto-coele est réduit à une simple fente (Fig. 2 dans le texte); sur cette même figure nous remarquerons aussi que les plis du pôle animal sont constitués par des amas de cellules ectoblastiques qui s’accumulent et se collent littéralement au contact du plancher blastocoelien.Chez Xenopus laevis, le blastocoele est écrasé également, mais suivant une modalité un peu différente (Planche 1, A): au-dessus d’un blastocoele réduit à une fente assez étroite, la voûte blastocoelienne constitue un amas compact et pluristratifié.Dès les premières heures qui suivent la centrifugation, il est possible de prévoir les conséquences ultérieures de ce traitement. Comme nous le verrons (IIe mémoire), les œufs ne sont sensibles que dans des limites bien définies d’espèces ou de chronologie. Par exemple, chez la Grenouille ou chez le Xénope, dès le moment où le blastopore a pris la forme d’un croissant, aucune ébauche secondaire ne peut plus être obtenue. Mais un œuf centrifugé à ce stade et fixé immédiatement après la centrifugation, montrera bien entendu le même effondrement du blastocoele, le même entassement de cellules ectoblastiques au contact du plancher. Mais dans ce cas, cette situation ne persiste pas: une à deux heures plus tard, nous voyons que la voûte du blastocoele se déplisse, que sa cavité s’étend, et ainsi la situation normale se rétablit assez rapidement. Un tel exemple nous est donné par la Planche 1, B, qui concerne un œuf de Xénope, centrifugé au stade du petit blastopore en croissant, et qui a presque entièrement récupéré sa morphologie normale.Tout autre est l’évolution qui mène à la formation d’organes surnuméraires. Les amas cellulaires profonds accumulés aux dépens de la voûte du blastocoele persistent. Cela signifie que, déjà à ce stade, les caractéristiques physico-chimiques des cellules ont été modifiées. Les propriétés physiques du cortex des cellules ont dû se transformer au point que les affinités réciproques des cellules ectoblastiques ont totalement changé.Il se forme ainsi un ou des amas de cellules ectoblastiques qui ne s’effacent pas dans la suite du développement. Leur localisation est très variable suivant les cas et ainsi les trouve-t-on, tantôt associés de façon intime aux organes axiaux primaires, lorsqu’ils se trouvent dans la partie dorsale du germe, ou bien encore rejetés dans les parties latérale ou ventrale de l’embryon. La première éventualité se verra sur la Planche 1, C, qui concerne un œuf de Xénope en neurulation. On s’apercevra ainsi à quel point les formes résultant de la combinaison anarchique des organes axiaux primaires et des organes surnuméraires deviennent incohérentes.L’évolution des amas ectoblastiques qui persistent dans les parties ventrolatérales du germe est beaucoup plus claire. La Planche 1, D, par exemple, toujours chez le Xénope, nous montre un de ces amas placé sur la face ventrale d’une très jeune neurula. L’épais gâteau de cellules ectoblastiques détermine une forte saillie, bombant à la fois en surface et vers le mésoblaste ventral. Unautre cas de la même série, fixé quelques heures plus tard se voit sur la Planche 1, E. L’amas ectoblastique, qui était dans ce cas latéral, s’est littéralement enclavé dans le manteau mésoblastique primaire; les cellules ectoblastiques et endoblastiques se reconnaissent toutefois par leurs caractères cytologiques notamment la teneur en vitellus. Un dernier cas de la même série, fixé encore quelques heures plus tard (Planche 1, F) montre un changement notable. Le gâteau que nous avons aperçu précédemment s’est clivé en deux plans, dont le superficiel constitue une plaque médullaire assez massive. L’examen de cette coupe nous réserve toutefois une autre surprise: dans toute la moitié du germe qui correspond à cette plaque médullaire, le manteau mésoblastique latéral semble avoir disparu: en d’autres termes, le ‘gâteau’ ectoblastique a attiré le mésoblaste voisin et se l’est intégré. Un examen à plus fort grossissement montre, que si la majeure partie de ce complexe latéral est bien constitué par des cellules ectoblastiques, reconnaissables à leur pigment et à leur petit vitellus, il s’y trouve cependant associées quelques cellules mésoblastiques à grosses plaquettes.Si nous retournons à présent à l’œuf vivant au stade neurula, nous en verrons des aspects sur les Fig. 3 à 7 dans le texte (Pleurodèle, Xénope, et Grenouille). Chez le Pleurodèle (Fig. 3) nous voyons, partant d’une saillie pigmentée, des plaques médullaires minces, parfois filiformes, qui, le plus souvent (Fig. 3, a, c, et d) s’étendent obliquement vers le dos et vers l’avant pour rejoindre la plaque médullaire primaire et se confondre avec elle. Parfois (Fig. 3, c) la direction de la plaque médullaire secondaire est à peu près transversale etremonte donc directement vers la plaque primaire; rarement (Fig. 3, b), la plaque secondaire peut s’infléchir suivant un trajet parallèle à la plaque primaire. Chez le Xénope nous voyons d’une part (Fig. 4, a) un embryon vu par le flanc; ici la protubérance est plus forte, il en part aussi une plaque médullaire qui va se confondre en avant avec la plaque normale. D’autre part, sur la Fig. 4, b, nous voyons une ébauche médullaire unique, mais anormalement dilatée en avant. Enfin, chez la Grenouille (Fig. 5) nous voyons une gouttière secondaire, les deux se confondent largement en avant.Lorsque la jeune larve est constituée, les aspects extérieurs varient évidemment suivant l’importance et le volume des formations secondaires. Celles-ci sont fonction, comme nous le verrons dans le second mémoire de cette série, soit des différences spécifiques entre les œufs, soit du stade auquel l’œuf a été centrifugé. La Fig. 6 nous montre quelques exemples de formations nettement caudiformes chez le Pleurodèle. Elles sont beaucoup plus massives dans les cas a, b, c que chez les embryons d, e, f (les deux catégories proviennent d’ailleurs de séries différentes). Des formations secondaires beaucoup plus volumineuses ont été obtenues chez la Grenouille: quelques exemples en sont dessinés sur la Fig. 7. Ce sont soit des saillies irrégulières dans la région ventrale, ou bien des queues plus ou moins bien constituées; en règle générale, la tête de T‘hôte’ montre un relief très irrégulier.L′étude microscopique montre davantage encore à quel point les résultats obtenus dépendent de l’espèce utilisée ou du stade auquel l’œuf a été soumis à la centrifugation. Ces variations nécessiteront une étude systématique (cf. le 2e mémoire). Néanmoins, dès à présent, nous estimons utile de montrer deux exemples choisis dans une série (1938, exp. 21 b), où les œufs de Rana temporaria ont été centrifugés tout au début de la gastrulation, ce qui, comme nous le verrons ultérieurement, permet d’obtenir un effet maximal.Au total, nous observons dans cet embryon un axe secondaire, situé sur la face médio-ventrale. Cet axe est constitué d’une queue, d’un tronc et d’une région nucale. L’orientation générale de cet axe correspond à l’orientation céphalo-caudale normale de l’embryon, toutefois la queue s’incurve et s’infléchit normalement vers l’avant. Dans la tête, l’axe primaire et l’axe secondaire se soudent par un diencéphale hypertrophié au niveau de l’infundibulum. Cet axe secondaire est mal équilibré, les myotomes n’existent qu’à droite, il ne s’y trouve qu’un peu de pronéphros et un petit otocyste (il n’y en a pas à gauche); des cellules chordales isolées apparaissent anormalement dans le plancher du rhombencéphale. Enfin, les caractères cytologiques montrent que comme dans le cas précédent — à l’exclusion d’un tube pronéphritique cependant — les organes secondaires sont constitués à partir de cellules ectoblastiques.En résumé, dès les premières heures qui suivent la centrifugation, lorsqu’un processus morphogénétique secondaire s’installe, les propriétés de surface des cellules ectoblastiques se modifient. Les amas cellulaires provoqués par l’effondrement de la voûte blastocoelienne restent cohérents, et au stade neurula ils forment des intumescences ectoblastiques qui contractent des rapports parfois très étroits avec le mésoblaste adjacent. Un peu plus tard, ces amas se délaminent en une couche superficielle neurale et chordoblastique. En surface, on peut voir se constituer des plaques médullaires accessoires dont la partie antérieure vient se confondre avec la plaque médullaire primaire, le plus souvent dans sa partie céphalique. Il en résulte la formation d’axes secondaires, ayant la même polarité céphalo-caudale que l’axe primaire, se confondant avec celui-ci au niveau de la tête. Ces axes secondaires sont constitués par des nuques, des troncs et des queues où la répartition des organes est mal équilibrée. L’examen cytologique démontre qu’ils proviennent — en tout ou en majeure partie — d’une transformation des cellules ectoblastiques du pôle animal; de façon accessoire, le mésoblaste ventral au contact duquel ces complexes se développent, peut participer à leur édification.Les transformations que nous avons vues se poursuivre de stade en stade nous font présumer que l’origine des organes secondaires — et ceci vaut autant pour la chorde, les somites que pour le névraxe — résulte d’une transformation de l’ectoblaste de la jeune gastrula. Il nous faut à présent élucider le mécanisme de cette transformation. L’hypothèse émise par Schechtman (1937): qu’il s’agirait d’un contact anormal de la voûte blastocoelienne effondrée et d’un ‘organisateur’ se trouvant dans la zone marginale interne, ne peut être retenue. Tout au plus cela pourrait-il expliquer — à la rigueur — des organes supplémentaires associés à la région dorsale de l’embryon, mais d’aucune façon cette hypothèse ne peut rendre compte des axes secondaires se manifestant dans les régions ventrales ou latérales. Il faudrait ainsi imaginer la présence de propriétés inductrices dans tout le plancher blastocoelien, hypothèse peu satisfaisante, et d’ailleurs infirmée par l’ensemble des faits actuellement connus.Il y a lieu de comprendre également pourquoi l’axe secondaire s’adapte d’une façon générale à la polarité céphalo-caudale primaire, et enfin pourquoi, en règle générale également, les deux systèmes axiaux (le normal et le surnuméraire) se rejoignent et se confondent au niveau de la tête. Trois questions sont donc posées: (1) le mécanisme de la transformation ectoblastique, (2) celui de la polarisation de l’axe secondaire, enfin (3) le déterminisme de la fusion partielle des axes embryonnaires au niveau de leurs parties cérébrales.A ces trois questions il est possible de répondre de façon décisive par des interventions expérimentales relativement aisées.Les expériences ainsi faites chez la Grenouille rousse, immédiatement avant la gastrulation, sont pleinement conclusives, comme le montre le Tableau 1.(Nous reviendrons ultérieurement sur les différences obtenues entre les expériences V et VIL)Une autre méthode consiste à prélever un fragment d’ectoblaste fraîchement centrifugé et à le greffer sur la région ventrale d’une gastrula normale. En raison de l’irrégularité et de la consistance assez lâche du greffon, cette opération est assez délicate à réaliser. Nous avons pu cependant réunir un certain nombre de résultats, quelques greffes homoplastiques (Xénope sur Xénope) ainsi qu’une douzaine de greffes hétéroplastiques (Rana fusca sur Triturus helveticus). Voici le sommaire des résultats obtenus dans cette dernière série (Tableau 2).Conclusion: Nous pouvons donc répondre sans ambiguïté aucune à la première question: l’apparition d’organes secondaires variés résulte d’une transformation de l’ectoblaste; cette activation n’est pas due à une induction mais bien à un processus autonome déclenché directement au sein de l’ectoblaste par l’effet même de la centrifugation.(2) Si nous examinons, sur coupes, la structure des explantats de voûte blastocoelienne centrifugée (Planche 2, G), nous serons surpris des différences profondes qu’ils présentent vis-à-vis des formations secondaires laissées in situ. Dans le premier cas, on ne peut vraiment pas parler d’‘organes’; il s’agit plutôt d’amas tissulaires sans morphologie définie. Le tissu neural reste compact, et s’il s’y dessine une lumière, celle-ci sera tortueuse et de calibre irrégulier; en aucun cas on ne peut reconnaître un rhombencéphale, ni une moelle, ni quelqu’autre organe neural. La chorde ne présente aucune polarité; elle forme soit de gros amas, soit des boudins tortueux. Dans ces masses chordales, les cellules les plus vacuolisées se trouvent souvent à la périphérie, tandis que les cellules les moins âgées, cytologiquement, restent au centre du nodule. Il est évident que dans ce cas on ne peut parler ni de tête, ni de tronc, ni de queue.In situ, la polarité des axes secondaires est, rappelons-le (cf. p. 13), indéniable. Il en résulte que si l’apparition de tissus hétérogènes au sein de l’ectoblaste doit être considérée comme autonome, l’intégration de ces tissus en un axe embryonnaire (d’ailleurs imparfait) est le résultat d’une influence venant du système primaire.L’étude de la neurulation des embryons centrifugés nous donnait déjà quelque indication sur cette influence exercée par l’axe primaire (cf. Fig. 3 dans le texte). Nous avons vu en effet les plaques médullaires secondaires rejoindre la plaque primaire, le plus souvent suivant un trajet oblique en direction dorso-céphalique, tout comme s’il s’était passé une attraction à partir de l’axe primaire.Cette attraction est réelle, comme le montrent les expériences de greffe. Par voie détournée, celles-ci réalisent une véritable synthèse des monstres produits par la centrifugation. La valeur analytique d’une telle expérience est décisive, puisque l’ectoblaste greffé est seul centrifugé et placé dans un hôte entièrement normal. La Fig. 8 dans le texte nous montre l’évolution d’une greffe homoplastique faite chez Xenopus.Des œufs ont été centrifugés au stade blastula moyenne. La voûte du blastocoele effondrée a été soigneusement prélevée et greffée sur la région ventrale d’une gastrula (stade du blastopore en fer à cheval). Le lendemain de l’opération (Fig. 8, a) la greffe, reconnaissable par sa faible pigmentation, se trouve sur le flanc de l’hôte au stade neurula. Aucune connexion n’apparaît entre l’axe primaire de l’hôte et le greffon. Toutefois 9 heures plus tard (Fig. 8, b) on voit que la greffe a envoyé une sorte de pédicule en direction dorso-céphalique, venant ainsi rejoindre la partie postérieure de la tête de l’hôte. Le surlendemain (Fig. 8, c) la jeune larve est entièrement constituée. Sur la partie antérieure de son flanc gauche se voit un axe secondaire, reconnaissable par sa pigmentation; il s’étend obliquement vers le ventre et vers l’arrière, depuis la nuque de l’hôte jusqu’au milieu de sa région abdominale où il se termine par une queue. L’examen histologique montre successivement, d’arrière en avant: des épaississements ectoblastiques (placodes?) accompagnés d’un otocyste supplémentaire, une traînée de cellules ganglionnaires, enfin dans la queue, un petit névraxe et des somites.Un exemple de greffe hétéroplastique: ectoblaste centrifugé de Rana sur gastrula de Triturus helvéticas (Fig. 9 dans le texte) nous montre une évolution plus typique encore. La greffe a été reportée sur la région ventro-animale de l’hôte (Fig. 9, a)′, le lendemain matin, celui-ci est au stade de la plaque médullaire et la greffe se trouve au milieu de la région abdominale antérieure (Fig. 9, b). Comme on peut le voir sur cette dernière figure, la greffe est encore arrondie, la plaque médullaire de l’hôte étant normale. Neuf heures plus tard (Fig. 9, c), la greffe tend à s’allonger et une connexion s’établit entre l’extrémité antérieure de la plaque médullaire de l’hôte et le greffon. (Nous insisterons sur ce point un peu plus loin.) Le surlendemain de l’opération (Fig. 9, d), la greffe s’est nettement allongée le long de l’abdomen de l’hôte et s’étend en arrière dans un petit processus caudiforme.L’examen sur coupes de l’embryon fixé cinq jours après l’opération montre successivement d’avant en arrière: un myélencéphale connecté avec le cerveau de l’hôte, ensuite une chorde et une moelle.A la seconde question nous pouvons donc répondre: c’est sous l’influence de l’axe primaire que l’ectoblaste centrifugé acquiert une polarité céphalo-caudale, c’est sa localisation dans l’embryon primaire qui provoque l’apparition d’organes rhombencéphaliques ou troncaux.(3) La fusion partielle des extrémités céphaliques des axes primaire et secondaire résulte comme nous venons de le voir d’une attraction entre la partie — devenue céphalique — de l’ectoblaste activé et la tête normale. Il s’agit d’une interaction réciproque. De véritables ponts surgissent entre la plaque médullaire primaire et la masse ectoblastique activée. Les combinaisons xénoplastiques permettent de démontrer qu’il s’établit dans les tissus situés entre la tête normale et l’ectoblaste activé une élévation du potentiel morphogénétique ayant pour effet d’étendre la plaque médullaire primaire en un diverticule qui rejoint la partie céphalique de l’axe secondaire. C’est ce que nous montre l’exemple de greffe xénoplastique décrite plus haut (Fig. 9 dans le texte). La plaque médullaire de l’hôte était d’abord normale (Fig. 9, Z>); ensuite, au moment où le greffon s’allongeait (Fig. 9, c), un prolongement antérieur de la gouttière médullaire est venu secondairement rejoindre le greffon. L’examen histologique a montré que le cerveau du Triton hôte se prolonge effectivement par un diverticule ventral se combinant au rhombencéphale de Rana, provenant de la greffe.Ces interactions entre systèmes primaire et secondaire méritent un examen détaillé que nous reprendrons dans le 3e mémoire de cette série. Pour le moment, il nous suffira d’en avoir dégagé le principe.Conclusion: (1) La formation de tissus neuraux, chordal et myotomial est déclanchée de façon autonome par l’effet direct de la centrifugation sur l’ectoblaste. (2) L’ectoblaste activé ne constitue un système axial et des organes qu’en fonction de sa position dans l’embryon primaire, sa polarité céphalo-caudale étant déterminée par celle de l’embryon primaire. (3) La combinaison fréquente des cerveaux primaire et secondaire est due à une élévation secondaire du potentiel morphogénétique entre les parties céphaliques des deux axes; elle résulte d’une interaction réciproque, l’axe primaire affectant l’axe secondaire mais étant également affecté par celui-ci.Les complexes d’organes décrits ci-dessus constituent presque des embryons secondaires; nous y voyons des organes axiaux situés dans la partie ventrale de l’embryon et donc en grande partie indépendants de l’axe primaire. Cette modalité d’activation de l’ectoblaste est obtenue par la centrifugation de l’espèce la plus favorable, Rana temporaria aux stades les plus sensibles, la blastula avancée ou la très jeune gastrula. L’effet qui est ainsi obtenu est optimal et représente la modalité la plus accusée de l’activation de l’ectoblaste. Mais il en est d’autres.Sans vouloir entrer dans le détail d’une étude systématique des résultats de la centrifugation en fonction des différences d’espèce et de stade — ce qui fera l’objet d’un second mémoire — nous tenons à élucider dès à présent le mécanisme d’une autre modalité, plus mitigée, de cette activation ectoblastique.Un lot de jeunes gastrulas d’Axolotl, préalablement colorés in toto au bleu de Nil, a été centrifugé. Vingt-cinq œufs ont servi de contrôle et ont montré dans 23 cas des vésicules neurales supplémentaires associées au cerveau.Dans 18 cas, l’ectoblaste a été enlevé immédiatement après centrifugation et greffé sur des gastrulas normales et incolores. Ces greffes ont été faites suivant deux modalités différentes (cf. schéma, Fig. 10). Dans une série comportant 11 embryons, la greffe a été placée au niveau de l’ectoblaste ventral (épiblaste présomptif) (Fig. 10, a). La localisation de la greffe colorée a été contrôlée dans tous les cas au moment de la neurulation. Tous les embryons de cette série se sont développés normalement.Dans la seconde série comportant 7 cas, la greffe a été portée délibérément en position très dorsale, en partie dans le territoire neurectoblastique (cf. schéma, Fig. 10, b). Dès le stade de la plaque médullaire, des irrégularités se manifestaient dans la greffe colorée incluse dans le névraxe. Dans les sept cas, des vésicules neurales supplémentaires sont apparues au niveau du cerveau.Nous pouvons donc conclure: l’excédent de tissu cérébral que l’on obtient chez l’Axolotl après centrifugation de la jeune gastrula est dû à un effet cumulatif de la sensibilisation subliminale de l’ectoblaste et du pouvoir inducteur de la voûte archentérique normale.Nous réserverons toute discussion jusqu’à la publication du dernier mémoire de cette série, et nous nous bornerons actuellement à un simple exposé des résultats.
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