Boris Cyrulnik, Sauve-toi, la vie t’appelle
2013; OpenEdition Journals; Issue: 116 Linguagem: Francês
10.4000/temoigner.392
ISSN2506-6390
Autores Tópico(s)Health, Medicine and Society
ResumoLes secrets de la littérature yiddish sont parmi les mieux gardés.À découvrir le livre de Leib Rochman, et à penser que sans l'entreprise ambitieuse de sa traductrice, Rachel Ertel, on ne l'aurait peut-être jamais eu entre les mains, on ne sait s'il faut se réjouir que la littérature nous o re encore de telles surprises ou s'e rayer de tout ce qu'on ignore.Tout à coup, le fait qu'il soit arrivé jusqu'à nous, alors qu'il aurait pu rester non lu, apparaît comme un miracle.Le livre de Leib Rochman est important à plusieurs égards : d'abord parce qu'il nous fait découvrir un grand écrivain, dont rien n'avait encore été traduit en français auparavant, mais surtout parce qu'il réussit à transmettre une expérience peu racontée, celle de l'existence du survivant du génocide au lendemain de la guerre, dans cette période transitionnelle floue alors que le monde n'a pas encore repris ses marques.Et important, enfin, parce que sa langue d'écriture est le yiddish, et devient elle-même l'un des thèmes du livre, inséparable de son personnage et de son histoire.Le premier chapitre, intitulé « Le revenant », raconte le retour du personnage, S., dans le ghetto où il a passé une partie de la guerre.Il erre, « à pas aveugles », dans les ruines, espérant tomber sur des visages connus, retrouver les lieux du passé : mais le regard des autres lui renvoie l'image d'un fantôme indésirable.Au tout début, il rencontre une ancienne connaissance, qui s'e raie à sa vue, et il devine qu'elle est enceinte, réalisant qu'« il avait oublié qu'on pouvait encore donner naissance à des enfants 1 .» Il se sent « émasculé, impuissant 2 .À partir de là, les thèmes de la fécondation et de l'engendrement vont devenir centraux dans le livre.Dans le chapitre suivant, « le rabbin appelait ses fidèles à se multiplier et à croître (…) Ce sont les âmes des nouvelles générations qui doivent renaître, car elles n'ont plus ni père ni mère 3 .» L'engendrement, ici, est d'abord celui du flot de l'écriture qui, en même temps qu'elle transporte son personnage à l'identité fluctuante (tour à tour « S. » ou « je ») à travers l'Europe, charrie tous les grands thèmes de la littérature mitteleuropéenne.Dans ce livre fleuve, chaque chapitre pourrait presque constituer un récit à part.Tout en créant une langue nouvelle, dans un yiddish d'après la catastrophe, Rochman refonde des pans de cette littérature : ainsi « Leysin -le mont des prodiges », chapitre fleuve d'une cent cinquantaine de pages, est une réécriture de La Montagne magique, replacée après l'Anéantissement, et dans laquelle une frange de l'humanité, à part, tente de continuer à vivre.Il y a aussi beaucoup de Ka a dans le récit, à commencer(1) Leïb Rochman, À Pas aveugles de par le monde, trad.
Referência(s)