Livro Revisado por pares

Le protestantisme évangélique, un christianisme de conversion

2004; Brepols; Linguagem: Francês

10.1484/m.behe-eb.5.106516

ISSN

2565-9324

Tópico(s)

Religion and Society Interactions

Resumo

Ce livre constitue la principale reference actuelle, en langue francaise, sur la realite protestante evangelique a l'echelle internationale. « Tu peux naitre de nouveau ». Cette profession de foi chantee resonne dans des milliers de temples et assemblees evangeliques, du Bresil a la Russie, des Etats-Unis a la Coree du Sud. Inspiree d'un passage biblique de l'Evangile de Jean, elle synthetise une culture protestante specifique, centralisee sur la conversion, le biblicisme, le choix personnel, l'engagement dans des groupements volontaires caracterises par un ethos intramondain. Pour la resigner, on retient dans ce volume la formulation « protestantisme evangelique » (on peut aussi parler d'evangelisme), de preference au mot evangeliste, terminologie impropre. A l'heure ou la religion privilegie les modes du pelerin et du converti, les quelque 200 millions de protestants evangeliques –au moins le double si l'on integre la nebuleuse pentecotiste/charismatique- sont devenus familiers des medias. Mais sont-ils pour autant bien connus ? Au debut des annees 2000, la reponse est non. Dix-sept auteurs mobilises Seule une approche collective, croisee, internationale pouvait tenter d'apporter l'eclairage attendu. Tel est l'objet de ce volume dense publie aux editions Brepols, dans la collection de Sciences Religieuses de l'EPHE. Il est le fruit d'un colloque international organise du 14 au 16 mars 2002 par le Groupe de Sociologie des Religions et de la Laicite, en partenariat avec le Centre National de la Recherche Scientifique et la section des sciences religieuses de l'Ecole Pratique des Hautes Etudes (Sorbonne). Venus de France, des Etats-Unis, de Grande Bretagne (Ecosse et Angleterre), du Bresil, dix-sept auteurs ont contribue a ce volume collectif : Laurent Amiotte Suchet, Nancy Ammerman (Etats-Unis), Paulo Barrera (Bresil), Jean Bauberot, David Bebbington (Grande Bretagne), Lucia Bergamasco, Neal Blough, Steve Bruce (Grande Bretagne), Sebastien Fath, Paul Freston (Bresil), Jean-Claude Girondin, Daniele Hervieu-Leger, Mark Noll (Etats-Unis), Sylvie Pedron-Colombani, Fabienne Randaxhe, Leonildo Silveira-Campos (Bresil), Jean-Paul Willaime. Parmi eux, les specialistes les plus incontestes de ce terrain, a commencer par les historiens Mark Noll et David Bebbington, et les sociologues Nancy Ammerman et Steve Bruce. L'enjeu de la conversion en milieu protestant evangelique, entre “ruptures et filiations”, a fourni la problematique centrale. Par definition, la conversion introduit une certaine rupture. La validation du croire passerait beaucoup moins par “la lignee croyante” (Daniele Hervieu-Leger) que par “l'inscription dans un milieu croyant” (Jean-Paul Willaime), au prix d'un arrachement aux identites traditionnelles. Mais cette euphemisation de l'heritage n'elimine pas la question des continuites. Les ruptures augurees, en principe, par la conversion, semblent bien s'accompagner de diverses filiations combinees avec de nouveaux types de liens -transnationaux, associatifs et militants-, qui interrogent les societes secularisees. Au service de cette problematique, trois priorites ont ete privilegiees : le souci d'un etat de la question, d'ou l'imposante bibliographie de 953 titres centralisee en fin de volume, le primat donne a l'axe transatlantique, et une approche du phenomene evangelique dans toute sa diversite (des mennonites a l'Eglise Universelle du Royaume de Dieu). Quatre grands themes Sur cette base, a partir de la problematique commune de la tension entre « ruptures » et « filiations », quatre grands themes sont abordes. Ils representent, dans ce livre, autant de sections. Le premier volet s'intitule : “Protestantisme evangelique et conversion : un arriere-plan historique”. Il plante le decor a partir de dossiers fouilles qui eclairent quelques etapes clefs depuis le XVIe siecle (Reforme radicale). Au-dela des representations hâtives qui ne verraient, dans l'objet « evangeliques », qu'une creation contemporaine, les contributions de Neal Blough, Lucia Bergamasco, David W. Bebbington etablissent diverses influences, voire filiations (typologiques plus que genetiques), depuis le « temps des Reformes » (Chaunu, 1975) jusqu'a celui des « reveils ». A ce cadrage liminaire, adosse sur un survol historiographique (S.Fath, chapitre 1), succede un second theme : « La conversion au protestantisme evangelique, une des formes de la transnationalisation contemporaine du religieux ». Le protestantisme evangelique relativise la reference au territoire : ce n'est pas le lieu de naissance qui determine l'etiquette religieuse de l'individu, mais son choix personnel. Pour cette raison, il constitue une des formes majeures de la transnationalisation contemporaine du religieux. Comment s'articulent la dynamique transnationale et la dimension culturellement situee de l'entreprenariat evangelique -poids a discuter de l'influence americaine- ? Comment se joue l'articulation du global et du local (“glocalisation”) ? Quelles sont les implications culturelles et politiques du militantisme transnational des “evangeliques” ? Mark Noll, Sebastien Fath, Sylvie Pedron-Colombani et Paul Freston ouvrent des pistes a partir des terrains et reseaux nord-americain, francais, guatemalteque et bresilien. L'impact social de la conversion La troisieme partie de l'ouvrage, « Conversion et lien social », traite ensuite plus particulierement de l'impact de la conversion, a partir de quatre contributions proposees par Jean-Claude Girondin, Jean-Paul Willaime, Leonildo Silveira-Campos et Laurent Amiotte-Suchet. Parce qu'elle introduit une rupture biographique, la conversion au protestantisme evangelique induit de fortes dynamiques de recomposition du lien social. Les individus sont integres dans des groupes associatifs militants qui reformulent les projets existentiels et forgent de nouvelles sociabilites. Ces dynamiques ne peuvent faire l'economie des filiations (au moins imaginaires), mais celles-ci sont l'objet de multiples bricolages et amenagements suivant les groupes. Comment se joue cette tension entre l'insertion verticale dans une lignee croyante et l'insertion horizontale dans un groupe convictionnel ? La derniere section de ce volume s'intitule : « Christianisme de conversion et secularisation, des rapports ambigus ». L'essor, en pleine modernite, d'un protestantisme de conversion constitue-t-il une forme (meme paradoxale) de la secularisation, ou en represente-t-il une contestation ? En d'autres termes, le courant “evangelique” est-il un symptome, ou au contraire un obstacle au mouvement de secularisation des societes ? On n'obtiendra pas ici une reponse univoque a la question, mais force est de constater que les dizaines de millions de conversions au protestantisme evangelique, depuis le debut du XXe siecle conduisent a interroger a nouveaux frais les theories de la secularisation. Les competences de Daniele Hervieu-Leger, Nancy T. Ammerman, Jean Bauberot, Paulo Barrera, Steve Bruce, Fabienne Randaxhe n'ont pas ete de trop pour avancer dans cette reflexion. Recomposition interne dans un univers chretien en recul, ou modele qui fait partout recette? L'ouvrage se termine par une conclusion ouverte, qui pose deux hypotheses. L'une tendrait a lire le protestantisme evangelique en terme de recomposition interne a l'univers chretien, qui lui-meme se retrecit inexorablement. Dans cette perspective, developpee avec pugnacite par Steve Bruce (chapitre 17), les Eglises evangeliques resistent mieux que d'autres a la secularisation, mais sans veritablement endiguer sa montee qui, a terme, menace aussi leur existence. Une autre hypothese (qui n'exclut pas forcement la premiere) invite a se demander si, au-dela du terrain protestant, on n'assiste pas a une « evangelicalisation » (sic) partielle du catholicisme, du judaisme, voire de l'islam ou du bouddhisme. Autrement dit, l'etude des formes protestantes evangeliques du « christianisme de conversion » ouvre des pistes dont on peut transposer des elements pour l'analyse de la plupart des grandes traditions religieuses d'aujourd'hui : mise en avant du choix individuel, de la fraternite elective, du militantisme associatif horizontal. La tradition imposee, l'encadrement territorial et l'obeissance a une institution verticale ne font plus recette –en tout cas dans le monde industrialise, moteur de la globalisation economique et culturelle- a l'heure ou chaque individu construit lui-meme son «itineraire» (Regis Debray, 2003). Dans l'hypothese ou un « reenchantement » partiel soit concevable, les modes empruntes ne sont plus ceux d'une religion moniste et autoritaire (Jean Delumeau, 1977), mais ceux de l'association volontaire de convertis. Des resumes en anglais, un bref glossaire et une bibliographie tres etoffee (955 titres) completent cette somme savante, destinee a apporter les outils necessaires au decryptage socio-historique du «protestantisme evangelique, christianisme de conversion».

Referência(s)