Artigo Revisado por pares

Essai sur l'évolution de la religion gauloise

1965; Bordeaux Montaigne University; Volume: 67; Issue: 1 Linguagem: Francês

10.3406/rea.1965.3739

ISSN

2540-2544

Autores

J. J. Hatt,

Resumo

. Des recherches récentes permettent de préciser le noyau proprement celtique de la religion gallo-romaine. En effet, la comparaison et l'interprétation des documents antérieurs à la conquête romaine, notamment l'imagerie religieuse encore énigmatique du chaudron de Gundestrup (Danemark), et des plus anciens monuments votifs de la Gaule romaine (pilier des nautes de Paris, bas-relief de Trêves, triade de Saintes) permet de faire revivre un récit légendaire primitif, dont certaines traditions irlandaises nous autorisent à reprendre le fil et à comprendre certains épisodes étranges. La déesse mère est unie successivement à un dieu céleste, Taranis, et à un dieu chthonien, Ésus. Lorsqu'elle a épousé le premier, elle est la souveraine de la vie et la protectrice des guerriers et des morts. Avec l'aide de l'Apollon gaulois, Belenus, elle lutte efficacement contre le chien monstrueux de Taranis, symbole de l'anéantissement dans la mort, et le tient en respect. Mais à un certain moment de l'année (il s'agit d'un cycle annuel qui suit le rythme des saisons), la déesse mère pénètre sous la terre, dans les enfers, pour y rejoindre son second époux, Ésus. Ce dernier, qui avait forme humaine alors qu'il vivait sur la terre, prend la forme d'un cerf, ou d'un monstre hybride homme-cerf, lorsqu'il descend sous la terre et dans le royaume des morts, dont il est le dieu souverain, sous la forme de Cernunnos. La déesse mère, à l'aide de l'Hercule gaulois, Smertrius, compagnon inséparable et double de Cernunnos- Ésus, triomphe du chien meurtrier, que le héros étrangle. Mais, par vengeance et par jalousie, Taranis envoie aux trois déesses mères un autre chien, porteur d'un charme, qui doit les transformer en trois grues. Cette manifestation de la colère et de la jalousie de Taranis suscite une levée de boucliers de la part des autres dieux. Teutatès, le dieu de la guerre, mobilise une armée gauloise pour venir au secours de la déesse mère, mais Taranis foudroie l'avant- garde de ses troupes. Plus discrète mais plus efficace est l'intervention de Belenus- Apollon. Il envoie d'abord à la déesse mère son corbeau prophétique pour l'aider à lutter contre le charme et pour l'avertir de ce qu'elle pourra faire pour retrouver sa forme première. Ensuite, les Dioscures gaulois partent à la recherche des taureaux divins dont le sang doit permettre de rendre aux déesses mères leur forme humaine. Lorsqu'ils les ont découverts, par l'intermédiaire de Belenus-Apollon, ils entrent en liaison avec Smertrius, qui est dans les enfers, et lui enseignent ce qu'il devra faire pour permettre à Cernunnos de reparaître sur la terre sous la forme d'Ésus et pour que les déesses mères reprennent leur forme. Smertrius commence par sacrifier le cerf divin, qui est accepté en offrande par un dieu sidéral. De cette façon, Cernunnos redevient Ésus et reparaît à la surface de la terre. Il part à son tour dans la forêt et retrouve les taureaux divins. Sur l'un d'entre eux sont venues se percher les trois grues, prévenues par Belenus. Les taureaux sont sacrifiés par Smertrius et, grâce au sang de leurs têtes, les grues redeviennent les déesse mères. Ésus épouse la grande déesse mère et lui passe autour du cou son torques (collier gaulois). Les guerriers des cités gauloises avaient l'habitude de célébrer chaque année ce mariage de la déesse mère par un défilé en armes, commémorant leur expédition mythique aux enfers pour délivrer la divinité et la défendre contre la colère de Taranis. A la fin de cette cérémonie, un torques votif était placé autour du cou de la statue de culte de la déesse. Cette légende et ses péripéties étaient à la base des cérémonies saisonnières que les Gaulois avaient l'habitude de célébrer chaque année à date fixe, et qui ont persisté au cours du haut Moyen Age et du Moyen Age. Les rites des fêtes calendaires, le Carnaval, les feux de la Saint-Jean, les coutumes populaires de la Toussaint, des deux réveillons de Noël et de la Saint-Silvestre en conservent le souvenir lointain. La mythologie celtique est plus proche de nous que nous ne le pensons, même si beaucoup d'usages du folklore ont perdu leur signification primitive. L'examen des monuments de la piété collective datant du Ier au IVe siècle, mené parallèlement avec celui des inscriptions et des témoignages historiques, permet de dégager les grandes lignes de l'évolution religieuse en Gaule : Après une période d'emprunts et d'assimilation, qui correspond au premier âge du fer (Hallstatt, de 725 à 480 avant J.-C), les Gaulois prennent conscience de leur personnalité et constituent une religion nationale au cours de la période de la Tène. Dès la conquête de César, l'interprétation romaine, orientée par les Romains dans le sens de la pacification et de l'assimilation, tend à dépouiller les dieux nationaux de la Gaule de leurs caractères sauvages et agressifs et à les présenter comme les équivalents exacts de certaines divinités gréco-romaines. C'est ainsi que le Teutatès gaulois perd son aspect guerrier en cédant la place au pacifique Mercure. Mais ces rapprochements, qui aboutissent en fait à des déformations, voire à des mutilations, introduisent dans les esprits des provinciaux des hésitations et des incertitudes qui aboutissent à de multiples confusions. La période augustéenne voit se développer une prolifération de dieux romanisés, côtoyant les divinités indigènes survivantes. Cette situation dure jusqu'au règne de Tibère, époque à laquelle, sans doute seulement après 21, commencent les persécutions contre les druides. Celles-ci se poursuivent sous Claude et sous Néron, et nous assistons alors à un phénomène assez singulier : tandis que les dieux gaulois s'assimilent progressivement aux dieux gréco-romains, les traditions religieuses druidiques se maintiennent, vraisemblablement sous le couvert des sanctuaires apolliniens de prophétie et de médecine. Mais, initiés désormais aux méthodes d'interprétation et d'exégèse des images religieuses classiques, prêtres et fidèles expriment les traditions indigènes gauloises par le truchement de l'iconographie gréco-romaine. Dès la fin du Ier siècle, de Néron aux Flaviens, se constitue une sorte de vulgate provinciale où les éléments gréco-romains fusionnent désormais avec les croyances gauloises, notamment dans la combinaison, sur les stèles à quatre dieux, de la triade gauloise romanisée avec la triade capitoline. En marge de cette assimilation, qui est effective dès 66 après J.-C, cultes et croyances indigènes se maintiennent intégralement dans les milieux particularistes. Au IIe siècle, l'hellénisation, puis l'orientalisation n'entament en rien l'intégrité de la tradition religieuse gauloise, et les mythes traditionnels continuent de s'exprimer à travers l'imagerie gréco-romaine considérée désormais comme leur mode d'expression habituel. Au IIIe siècle, réapparaissent, en Gaule et en d'autres points de l'Empire (Bretagne, pays balkaniques, Rome), les plus anciens dieux gaulois sous leur nom et leur forme primitive (Teutatès guerrier, Taranis à la roue). Au IVe siècle, après une longue éclipse, les druides gaulois reprennent officiellement leur place dans la société païenne ; les dieux et les cultes gaulois, qui ont fait l'objet sous la tétrarchie et au début du règne de Constantin d'une certaine sollicitude de la part des empereurs, brillent d'un vif éclat avant de lutter d'ailleurs violemment contre l'évangélisation de saint Martin et de ses disciples.

Referência(s)
Altmetric
PlumX