Petite fabrique géo-artistique des espaces publics et des territoires
2016; Volume: N° 48; Issue: 2 Linguagem: Francês
10.3917/lobs.048.0032
ISSN2553-615X
AutoresLuc Gwiazdzinski, Luc Gwiazdzinski,
Tópico(s)Cultural Identity and Heritage
Resumoartistique des espaces publics et des territoires L 'Observatoire n°48, été 2016, pp.32-38 Luc Gwiazdzinski (*) « La valeur des villes se mesure au nombre des lieux qu'elles réservent à l'improvisation 1 .» Siegfried KracauerLe philosophe Jean-Paul Dollé nous a prévenus : « La géographie n'est pas une connaissance facile [...].Il faut fendre les mots du monde, oser aller voir ailleurs.» Dans le contexte mouvant entre « art à l'état gazeux 2 » et métropoles « liquides 3 » de nouveaux acteurs, de nouvelles pratiques hybrides associant art et ville, création artistique et production urbaine émergent.De nouveaux collectifs pluridisciplinaires s'organisent, d'autres protocoles se déploient, d'autres agencements et territorialités éphémères et multiscalaires s'inventent qui restent encore largement impensées.Notre réflexion démarre au tournant du XXIe siècle à un moment charnière pour les arts, la fabrique de la ville et des territoires, les modes de vie et attentes des citoyens.Le champ artistique et culturel, dimension importante des activités humaines et domaine d'actions publiques ou privées, est marqué par des transformations majeures.Un « art contextuel » 4 , en rupture avec l'art classique, se déploie.Les institutions culturelles investissent dans le « hors les murs ».Nombre d'artistes sortent de leurs ateliers pour s'exprimer à l'extérieur et les arts de la rue se muent peu à peu en arts urbains.Côté fabrique de la métropole et recherche urbaine, urbanistes, aménageurs et géographes sont en quête de nouvelles clés de lecture de « l'outre-ville » 5 .Ils portent une attention nouvelle aux enjeux sociaux, à la cohésion sociale, aux temporalités, au milieu, à l'habiter et au rapport anthropologique à l'espace, aux usages, au quotidien urbain et à la participation des habitants.Prenant conscience de l'importance de l'art et de la culture comme leviers économiques, activateurs de lien social et outils d'urbanisme et d'aménagement des territoires, les collectivités et pouvoirs publics ont peu à peu cherché à accompagner cette effervescence et, plus récemment, tenté de la documenter 6 pour réorienter leurs politiques ou « outiller » les acteurs locaux.Enfin, on constate une forte demande pour l'art et les artistes dans de nombreux domaines, et un besoin de rencontre dans les métropoles post-modernes où les grands rythmes collectifs qui scandaient la vie sociale se sont atténués.Au croisement de ces attentes et de ces mouvements, sont apparus des tiers acteurs d'un nouveau genre qui ont le territoire et l'espace public comme scènes et les protocoles géographiques comme points communs : les géo-artistes 7 .Avec eux, dans l'entre-deux et hors les murs, l'espace public devient à la fois le lieu de croisements entre les acteurs de la fabrique urbaine, une scène artistique et l'objet de métamorphoses néo-situationnistes. Galaxie géo-artistiqueCes nouveaux praticiens urbains déploient leurs savoir-faire hors les murs à travers la France, l'Europe et le monde comme s'il était plus facile de collaborer sur le terrain que dans les ateliers ou dans les agences.Ces géo-artistes aux formations variées (designers, scénographes, artistes de rue, danseurs-chorégraphes, artistes lumière, plasticiens contextuels, architectes, urbanistes, géographes, etc.) qui s'aventurent dans l'espace public forment une nouvelle galaxie aux limites floues.Ils oeuvrent le plus souvent dans le cadre de collectifs hybrides, adaptables aux situations et en évolution constante, loin du mythe de l'artiste qui fait et décide seul.Leurs noms mêmes sont un manifeste pour d'autres relations expérimentales art-espace et art-urbanisme : Ici-Même Grenoble, Ici-Même Paris, Cie Off, Bruit du frigo, YA+K, Échelle inconnue, Exyst, KompleX KapharnaüM, Laboratoire, La Folie kilomètre, Asphalt Piloten, Bellastock, Agence Nationale de psychanalyse urbaine, Ilotopie, Yes We Camp, Collectif Etc, AWP, Bazar urbain, Agence touriste, , Tabula Rasa, Opéra Pagaï ou Bivouac urbain.Ces collectifs pluridisciplinaires sont à l'image de KompleX KapharnaüM : « Équipe de plasticiens, vidéastes, écrivains et musiciens », de Yes We Camp « collectif ouvert, en évolution constante, mêlant architectes, plombiers, urbanistes, charpentiers, ingénieurs, administrateurs, artistes, jardiniers, bricoleurs, régisseurs de spectacle, graphistes, etc. » ou d'Exyst, créé en 2003 par des architectes, qui regroupe aujourd'hui des graphistes, vidéastes, photographes, Dj's, botanistes et constructeurs.Dans cette galaxie, on trouve des danseurs et chorégraphes comme Annick Charlot de la Cie Acte, Philippe Saire, Yann Lheureux à Montpellier ou la regrettée Odile Duboc à Belfort.Il s'agit parfois d'individus comme Nicolas Simarik (auteur notamment du Catalogue de la déroute), Stefan Shankland (inventeur du concept de « HQAC »), Olivier Darné et ses abeilles, les artistes lumière Yann Kersalé ou Gianni Ravelli, le marcheur Henrik Sturm ou Joël Henry du Laboratoire de tourisme expérimental.Tous oeuvrent avec des équipes qui se coalisent en fonction des projets, en lien avec des organisateurs d'événements et de manifestations avec lesquels ils composent.Leurs interventions expérimentales sous forme de spectacles, d'architectures éphémères, d'installations ou d'interventions plastiques, s'inscrivent dans les champs de la culture, de l'animation mais également dans celui de l'urbanisme.Leurs commanditaires sont majoritairement des collectivités, parfois l'État, des institutions publiques et parapubliques, des entreprises de la construction ou du transport et des fondations dans le cadre de projets artistiques, voire d'appels à projets associant la dimension artistique.Leurs interventions artistiques s'intègrent parfois à des dispositifs de long terme comme les ZAT (Zones artistiques temporaires) à Montpellier, des résidences avec le Pôle des arts urbains (pOlau), Lieux publics à Marseille ou Itinéraires bis dans les Côtes d'Armor, des festivals comme ceux de Chalon ou d'Aurillac, des opérations culturelles comme Marseille Provence 2013 ou dans la programmation hors les murs de scènes nationales comme l'Hexagone ou le Merlan.Les pratiques, les modes d'intervention et l'esthétique développés se rapprochent parfois d'autres organisations comme la 27e Région « laboratoire de transformation publique des Régions de France » qui oeuvre dans le design des politiques publiques, d'associations d'éducation populaire comme Robins des villes, d'agences comme Dédale qui s'intéresse à
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