Le débitage par pression de l’obsidienne du Monte Grosso (Haute-Corse) dans le contexte méditerranéen du IVe millénaire av. J.-C.
2014; French Prehistoric Society; Volume: 111; Issue: 3 Linguagem: Francês
10.3406/bspf.2014.14433
ISSN2419-6568
Autores ResumoÀ la fin du Ve et au début du IVe millénaire dans les régions centrales et septentrionales de la Méditerranée, plusieurs productions lithiques spécialisées se développent. Dans le Sud de la France, les nombreux travaux sur les débitages de lamelles par pression en silex bédoulien chauffé en contexte chasséen montrent la complexité de l’organisation de ces activités. En Corse, les travaux de L. J. Costa ont mis en lumière la présence de productions qui ne sont pas sans évoquer celles du Chasséen, à la différence qu’elles sont réalisées ici sur l’obsidienne provenant du Monte Arci en Sardaigne. L’analyse détaillée de l’industrie lithique en obsidienne du Monte Grosso (Haute-Corse) permet de préciser les analogies et les différences entre les deux débitages et de préciser leur organisation. Dans cette occupation, on montre que les lamelles d’obsidienne ont probablement été réalisées par des tailleurs spécialisés itinérants au cours de leurs passages réguliers dans le site. En élargissant notre point de vue, on constate qu’un tel schéma a pu se répéter également dans d’autres sites corses, comme Basi. Au-delà de cette île, l’obsidienne ne parvient qu’en faibles quantités sur le continent, à l’exception notable de quelques sites comme Terres Longues dans les Bouches-du-Rhône. Dans ce site, des lamelles en obsidienne ont été produites et ont probablement été distribuées sous forme de supports bruts vers d’autres occupations du Sud de la France. En Italie du Nord, aucun site n’atteste d’un débitage important de telles lamelles, bien que la présence de quelques nucléus indique un débitage sur place au moins dans quelques sites. En considérant ces éléments, il est envisageable que les tailleurs itinérants supposés en Corse aient pu rejoindre les rivages de l’Italie et de la France pour y débiter des lamelles qui ont ensuite été distribuées sous forme de supports bruts vers les régions éloignées des côtes. Un tel modèle n’avait pas été envisagé jusqu’à présent car les similitudes entre les modalités de débitage de l’obsidienne et du silex bédoulien chauffé sur le continent suggéraient qu’ils étaient l’oeuvre des mêmes tailleurs. Or l’analyse du site du Monte Grosso montre la présence de débitages très proches de ceux en silex bédoulien chauffé mais sur obsidienne et dans une région relativement éloignée du Sud de la France. Ces ressemblances concernent non seulement la matière première, puisque le silex chauffé et l’obsidienne ont des propriétés équivalentes, mais aussi la morphologie et les dimensions des supports, ainsi que leur mode de production. L’implication de petits groupes de spécialistes itinérants, qui est probable pour les productions sur obsidienne, est envisageable au moins sur une partie des productions en silex bédoulien chauffé. L’analyse des modalités de distribution des deux matières premières montre au contraire des différences profondes. Les éléments en silex sont distribués exclusivement dans les régions continentales et ne parviennent jamais en Corse ou en Sardaigne. Il n’apparaît aucune différence claire dans les modalités et l’ampleur de leur diffusion sur toutes les zones considérées, en dehors de la Catalogne où cette matière se trouve dans des dépôts funéraires. La distribution des lamelles en obsidienne, qui est essentiellement maritime, présente au contraire des contrastes majeurs entre les régions. Paradoxalement, ces lamelles ne sont pas documentées en Sardaigne. Elles sont par contre abondantes en Corse où elles semblent tenir le même rôle que celui des lamelles en silex bédoulien chauffé dans les sites chasséens du Sud de la France. Elles sont très rares sur le continent et semblent y avoir été valorisées de manière particulière. Ces deux productions spécialisées présentent donc des aspects contradictoires. Elles sont équivalentes par leurs caractéristiques physiques et morphologiques et sont issues de productions dont l’organisation présente de très fortes analogies. Dans le même temps, leur modalité de distribution et leur valorisation dans les sites récepteurs varient profondément. De nombreux points permettant d’éclairer la nature des relations entre ces deux débitages spécialisés doivent cependant encore être étudiés précisément.
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