The Izanagi-ryū and the Theory of Universal Power

2012; Volume: 21; Issue: 1 Linguagem: Francês

10.3406/asie.2012.1404

ISSN

2117-6272

Autores

Simone Mauclaire,

Tópico(s)

Chinese history and philosophy

Resumo

L'« Izanagi-ryū » désigne un certain nombre de traditions rituelles transmises au sein du village de Monobe et de son voisinage dans le département de Kōchi au Japon. En dépit des différences existant entre les divers enseignements des maîtres locaux, l'existence de représentations communes concernant la conceptualisation du pouvoir rituel est caractéristique d'une tradition ésotérique — originaire en partie de la culture médiévale — qui a été transmise dans l'ancien village Makiyama-gō (devenu une partie de Monobe-son à l'époque de Meiji). C'est celle-ci qui est appréhendée dans cet article, et tout particulièrement la place qu'y occupe la conceptualisation du rituel comme un art susceptible de générer et de maîtriser un « pouvoir universel ». L'analyse privilégie des matériaux recueillis sur le terrain, notamment des manuscrits des textes rituels, saimon mais a également recours à des données issues des archives de l'histoire pré-contemporaine et d'une littérature religieuse médiévale, lesquelles permettent de mieux comprendre certaines pratiques et représentations de l'Izanagi-ryū. L' Izanagi-ryū, du moins la tradition étudiée ici, est une « théorie populaire » du rituel qui a véhiculé jusqu'à nos jours une culture religieuse, laquelle participe d'une histoire des mentalités. Une place essentielle est réservée dans cette « théorie » à la divinité Kōjin, dont la configuration recèle la potentialité d'activer ou de rendre latente la « force universelle » — sous la forme d'un Sujet absolu ou de celle d'un sujet divisible selon plusieurs modalités, y compris selon celles de la théorie des cinq agents de l'onmyōdō. Les manuscrits analysés dans cet article, le saimon de l'Initiation, dit l'Izanagi no saimon et le Kōjin no saimon appartiennent principalement au Tendai-ryū, un courant issu d'un temple de yamabushi, le Nikkō-in. Ils se caractérisent par leur richesse, notamment pour ce qui est des nombreux éléments médiévaux qui font défaut dans la plupart des textes transmis jusqu'à nous. Dans ce complexe mythico-rituel, la constellation associant Kōjin et le « parfait adepte » est au principe même de l'efficacité rituelle. Une attention particulière a été accordée à la formule magique qui clôt le Kōjin no saimon. Celle-ci est élaborée comme un « mandata » qui condense un autre saimon, celui de Dokō, « Prince de la terre » — assimilé à un Kōjin cosmique créateur du monde et identifié avec Banko (ch. Pan Gu). La formule est destinée à actualiser et à pacifier Dokō, c'est-à-dire Kōjin, en évoquant un ensemble mythico-rituel qui s'inspire d'un onmyōdō associé au mikkyō, en rapport avec des pratiques d'ascétisme de type shugen. On notera que pour ce qui est de l'onmyōdō tout autant que du mikkyō, il s'agit d'une forme de « culture intermédiaire » due souvent, mais pas exclusivement, à l'influence des temples Shingon. Le saimon condensé par la formule appartient au cycle narratif de l'almanach Hoki naiden (XIVe-XVe siècles), notamment pour ce qui est de l'identification de Dokō (i.e., Kōjin) avec l'archétype de goryō (âmes des mal morts de haut rang assoiffées de vengeance du fait d'une injustice subie), que le rituel peut métamorphoser en un agent pacificateur du complexe espace-temps. Il s'agit d'un cycle narratif dont les origines peuvent être retracées en remontant à la première période médiévale. On y remarque d'une part l'existence de l'« ancêtre » des divinités de type goryō devenues gardiennes de l'ordre cosmique (dont la plus célèbre est Gozu tennō, divinité principale du Hoki naiden), et d'autre part, celle de la persona de l'adepte/magicien/shaman, hakase, cumulant des compétences relevant d'un onmyōdō acculturé au mikkyō. Dans les saimon de l'Izanagi-ryū, ces compétences sont « augmentées » par des pratiques d'ascétisme de type shugen associées à l'itinéraire de l'adepte, « maître de la voie », au sens de celui qui a appris à manipuler les forces cosmiques. En fait, qu'il s'agisse de la fondatrice mythique de l'Izanagi-ryū, Tenchū himemiya ou des « ascètes-magiciens » figurant dans les saimon de Dokō, ils associent la maîtrise d'un art divinatoire avec la force d'un adepte de shugen, et ce d'une façon qui évoque la construction de la persona d'Abe no Seimei dans la littérature légendaire médiévale. La conceptualisation de Kōjin, — c'est-à-dire, les modalités de sa construction comme « sujet » — est un dénominateur commun des enseignements mis en œuvre dans la pratique rituelle. Elle sert aussi d'instrument cognitif qui fait office d'intermédiaire entre la notion de « force universelle » et la mise en œuvre de cette force grâce à l'art de l'adepte. En assumant la voie de l'Izanagi-ryū, l'adepte se construit un alter ego sous la forme d'une « divinité-enfant » — miko dans la langue ancienne et dans celle des saimon signifie « dieu enfant/dieu prince », mais cumule aussi le sens d'« adepte », de « ritualiste », de « devin » et de « shaman », fu —, dont la substance est cette même « force universelle ». Kōjin est le honzon la « divinité protectrice » de l'adepte, une forme d'ancêtre mystique de l'art, manifestée par le Ten no onzaki, le « messager céleste ». Mais Kōjin a aussi la faculté d'apparaître comme une pluralité à travers l'infini du monde phénoménal. C'est grâce au concept de Kōjin que le rituel peut conférer une « présence réelle » à un Sujet absolu, que l'art rituel peut cependant diviser pour le maîtriser. Cette division du sujet est réalisée dans le cas de la formule qui condense le saimon de Dokō, construite comme un « maṇḍala », grâce aux cinq « princes » (ōji) qui constituent avec leur père, le démiurge Banko/Pan Gu, une « famille » : les cinq « princes » maîtrisent les cinq directions et les cinq agents cosmiques de l'onmyōdō, et le démiurge gouverne le tréfonds. La division du Sujet absolu semble constituer une stratégie rituelle essentielle pour s'approprier et maîtriser une force divine qui reste toujours ambiguë et à la frontière du démoniaque.

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