Artigo Acesso aberto Revisado por pares

La Taxonomie à l’épreuve du chaos: Hippolyte Crosse, Victor Hugo et la pieuvre

2019; Oxford University Press; Volume: 73; Issue: 3 Linguagem: Francês

10.1093/fs/knz134

ISSN

1468-2931

Autores

Aude Campmas,

Tópico(s)

French Literature and Criticism

Resumo

Les Travailleurs de la mer, publié en 1866, se présente comme une réflexion sur les dynamiques de la création et de la (re)connaissance. Dans les premières pages du roman de Victor Hugo, le personnage principal, Gilliatt, tombe amoureux de Déruchette alors qu’elle trace le nom de ce dernier sur une éphémère page de neige. Désirant obtenir la main de la jeune femme, il se lance dans une bataille épique contre les éléments afin d’extraire une machine à vapeur, propriété de l’oncle de cette dernière, d’une épave. Victorieux dans sa quête mais rejeté pour un autre homme, Gilliatt se laisse lentement engloutir par la marée tandis que Déruchette disparait à l’horizon. La destinée du héros est ainsi le jeu des choses (nature), troisième anankè après les dogmes (religion) et les lois (société), pour être anéanti par ‘l’anankè suprême, le cœur humain’.1 Dans le roman, écriture et nature sont vouées à la désintégration pour mieux resurgir sous d’autres formes. Ce travail incessant du texte est fondé sur une dialectique d’effacement constructif où le mal participe au bien.2 Au centre du roman, un animal monstrueux figure ce travail destructeur du mal. Il s’agit de la pieuvre, mi-kraken, mi-chimère, contre laquelle Gilliatt mène un combat épique. Dès la publication du roman, ce corps à corps aquatique est abondamment commenté,3 car l’animal, tout aussi effroyable que sensuel, saisit les lecteurs.4 L’immense retentissement que provoqua la pieuvre ne laissa pas les zoologistes indifférents et, à la suite de la publication des Travailleurs de la mer, un éminent malacologue français, Hippolyte Crosse (1827–1898), publia dans son Journal de conchyliologie un virulent pamphlet contre la description de l’animal par le romancier.5 L’engouement pour ce petit texte fut tel qu’un tiré à part intitulé Un mollusque bien maltraité, ou comment Victor Hugo comprend l’organisation du poulpe circula.6 Ce succès suscite une interrogation: pour quelles raisons le chapitre sur la pieuvre intitulé Le Monstre et s’inscrivant dans une longue tradition, de Scylla au kraken, de représentations monstrueuses de l’animal, inspira-t-il une telle colère au savant et à ses pairs?

Referência(s)