Les sages-femmes autochtones au Canada : un exemple de relations saines
2019; Elsevier BV; Volume: 41; Linguagem: Francês
10.1016/j.jogc.2019.10.005
ISSN2665-9867
AutoresNathalie Pambrun, Karen Lawford, Carol Couchie,
Tópico(s)Migration, Identity, and Health
ResumoForce nous est de réfléchir à nos associations professionnelles et à la puissance des partenariats entre les organismes pour améliorer la santé sexuelle et reproductive au Canada et dans le monde. (Voir l'encadré 1 pour nous connaître; figures 1 et 2.) Nos passions communes, combinées à nos compétences et connaissances spécialisées, nous donnent l'occasion de plaider en faveur d'une collaboration transparente, équitable et continue enracinée dans les besoins de la collectivité et capable d'y répondre. À l'instar de l'Association canadienne des sages-femmes (ACSF), les organismes déterminés à collaborer véritablement croient à la valeur intrinsèque de leurs services professionnels et ils travaillent avec et pour leurs collectivités.Figure 2Sikulia porte Malia dans son sac lors de la cérémonie du nouveau-né tenue pour l'enfant.View Large Image Figure ViewerDownload Hi-res image Download (PPT) Encadré 1Qui nous sommesNathalie Pambrun est présidente de l'Association canadienne des sages-femmes (ACSF, 2018-2020), sage-femme autorisée métisse au Manitoba (2004-aujourd'hui) et coprésidente du National Aboriginal Council of Midwives (conseil national des sages-femmes autochtones, NACM, 2011-2013).Karen Lawford, Ph. D., est professeure adjointe au département d'études des genres de l'Université Queen's, membre fondatrice du NACM et sage-femme autorisée en Ontario (2006-aujourd'hui).Carol Couchie est coprésidente du NACM (NACM, 2018-2020, 2013-2015, 2008-2011) et sage-femme autorisée anichinabée en Ontario (1997-aujourd'hui). Nathalie Pambrun est présidente de l'Association canadienne des sages-femmes (ACSF, 2018-2020), sage-femme autorisée métisse au Manitoba (2004-aujourd'hui) et coprésidente du National Aboriginal Council of Midwives (conseil national des sages-femmes autochtones, NACM, 2011-2013). Karen Lawford, Ph. D., est professeure adjointe au département d'études des genres de l'Université Queen's, membre fondatrice du NACM et sage-femme autorisée en Ontario (2006-aujourd'hui). Carol Couchie est coprésidente du NACM (NACM, 2018-2020, 2013-2015, 2008-2011) et sage-femme autorisée anichinabée en Ontario (1997-aujourd'hui). Nathalie: Je prends part aux activités des associations de la profession de sage-femme depuis mes jours aux études, et j'en suis venue à prendre conscience que ma participation fait partie intégrante de mon identité. J'ai découvert une profonde ressemblance entre les Premières nations ainsi que des thèmes et des filons communs qui méritaient d'être exprimés et soutenus pour la santé et le bien-être de toutes les communautés. J'ai eu l'occasion de collaborer avec les communautés désireuses de redonner la naissance aux leurs de Haida Gwaii à Akwesasne et de réinventer les soins de la reproduction d'un océan à l'autre. Nous avons tous tant appris de cette mise en commun de leadership et des compétences acquises pour exercer des changements dans les échelons supérieurs de nos systèmes de soins de santé. Être membre active du National Aboriginal Council of Midwives (NACM) et de l'ACSF me donne espoir et étaye une vision en évolution de l'avenir des soins de la reproduction aux échelles locales, nationales et internationales. Karen: Je suis devenue sage-femme pour offrir les meilleurs soins de maternité aux familles des Premières nations qui vivent dans les réserves. J'ai assisté au premier rassemblement de sages-femmes autochtones et d'alliés communautaires en 2002, lequel s'est tenu sur le territoire des Six Nations de la rivière Grand et a été financé conjointement par l'Organisation nationale de la santé autochtone, la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada (SOGC) et la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits de Santé Canada. Ces rencontres annuelles se sont poursuivies, et c'est là que j'ai rencontré Nathalie. Les heures de bénévolat des sages-femmes autochtones ont soutenu en grande partie ces rencontres qui ont joué un rôle primordial dans la création du NACM. Les frontières géopolitiques des gouvernements des colons blancs ont toutefois empêché la prestation de services publics de soins de santé à ceux qui vivent sur les terres domaniales, c'est-à-dire sur les réserves. C'est à ce moment-là que mon cheminement de leadership se sépare des soins cliniques pour prendre la voie universitaire. Lorsque j'ai terminé mes études au doctorat, je me suis inscrite à un programme du département des études sur le genre de l'Université Queen's où je concentre mes recherches sur la santé, les politiques, le leadership et les soins de maternité autochtones. Tout comme Nathalie, je suis déterminée à travailler de manière réciproque, éthique et adaptée au profit de toutes nos communautés. Carol: Je suis aussi l'une des membres fondatrices du NACM. En tant que sage-femme autochtone, j'ai toujours su que nous avons besoin d'associations fortes, dynamiques et à l'écoute afin que nous puissions fournir des services de santé uniques et remettre la profession de sage-femme et la naissance dans les mains de nos communautés. Au cours de ma dernière année d'études de la profession de sage-femme, la Dre Janet Smylie a communiqué avec moi pour que je siège au comité de la SOGC sur la santé des femmes autochtones. Je crois qu'il s'agissait de l'un des premiers comités nationaux entièrement axés sur les questions de santé qui touchent les Premières nations. À ce moment, le Dr Pierre Lessard, obstétricien-gynécologue, présidait le comité. Par la suite, j'ai assuré la présidence et je suis devenue la première présidente d'un comité à la SOGC qui n'était pas médecin. Et j'étais certainement la première sage-femme de tous les temps à présider un comité. Guidée par le leadership du vice-président exécutif de la SOGC de l'époque, le Dr André Lalonde, obstétricien-gynécologue, nous brisions les barrières professionnelles. C'est par l'entremise de ce comité et de la direction du personnel de la SOGC que nous avons obtenu le financement pour organiser la première réunion du NACM à Ohsweken sur le territoire des Six Nations de la rivière Grand. Le Dr Jan Christilaw, lequel a donné un cours de compétences en soins d'urgence aux sages-femmes autochtones, a également assisté à la réunion. En 2008, le NACM a officiellement été mis sur pied de manière autonome. Depuis 2006, l'ACSF offre un soutien financier et administratif au NACM et elle lui a ouvert la porte de ses locaux. Cette relation de collaboration s'appuie sur des principes de leadership positif d'entraide, de reconnaissance des forces respectives, d'engagement à travailler ensemble avec intégrité et honnêteté, de reconnaissance de la diversité des expériences au sein des systèmes de soins de santé ainsi que d'innovation et de réflexions avant-gardistes. L'ACSF et le NACM ont entretenu volontairement une relation pendant de nombreuses années, laquelle constitue désormais un puissant exemple de réconciliation active auprès des collectivités et des fournisseurs de soins autochtones. Nous préconisons ce modèle, car de nombreuses associations professionnelles pourraient s'appuyer sur celui-ci pour renforcer mutuellement leurs capacités et atteindre leurs objectifs respectifs. En tant que leaders autochtones de la profession de sage-femme et de la santé, nous avons commencé à comprendre les espaces de leadership que nous occupons dans les collectivités autochtones et de colons blancs. Nous nous appuyons sur nos méthodes autochtones de savoir et de guérison au fil du déploiement actif de ce travail aux quatre coins du territoire. Nous sommes à l'avant-garde et nous veillons à ce que le travail soit nuancé, inclusif et responsable. Les collectivités de colons blancs qui adhèrent totalement à la vérité et à la réconciliation ont besoin de notre temps, de nos connaissances et de notre expérience et les générations suivantes veulent que nous agissions comme des mentors et des modèles. Ce sont ces responsabilités divergentes qui nous tiennent enracinés dans notre histoire et nous permettent d'apprendre du passé et du présent. Malheureusement, la littérature décrit l'émergence de la profession de sage-femme au moment de la colonisation et efface complètement la pratique des peuples autochtones de cette profession, lesquels vivent sur ces terres depuis des dizaines de milliers d'années. Depuis la glace et les igloos des terres inuites de l'Arctique et des longues maisons des Premières Nations côtières jusqu'aux territoires de piégeage des Métis des Prairies, les peuples autochtones nourrissaient un lien avec leur territoire, leur langue et leurs modes de vie, lesquels comprenaient des cérémonies relatives à la naissance et la mort. Souvent, les grands-mères de la communauté (à certains endroits, des membres bispirituels et des hommes de la communauté étaient aussi des sages-femmes) jouaient le rôle de gardiennes des portes de la vie – elles étaient présentes et soutenaient les événements du cycle de la vie. Les cérémonies de naissance et de décès représentaient des célébrations de la communauté et des occasions de construire et de réaffirmer des systèmes de santé et de parenté; elles n'étaient pas seulement des événements médicaux. Les sages-femmes autochtones ont, et continuent d'avoir, des connaissances et des compétences uniques qui assurent le bien-être et la continuité culturelle de leurs communautés. Un exemple de cette continuité culturelle provient des communautés de la côte de la baie d'Hudson au Nunavik. S'appuyant sur l'histoire ancestrale profondément enracinée des sages-femmes autochtones, la résurgence au Canada de la profession de sage-femme financée par l'État s'est effectuée il y a 33 ans et elle a été menée par les Inuits pour les Inuits. Les aînés et les activistes inuits ont ramené les connaissances et compétences de la profession de sage-femme ainsi que la naissance dans leurs collectivités. En 1986, le programme de formation de la profession de sage-femme Inuulitsiviup Nutarataatitsijingita Ilisarningata Aulagusinga (INIA) a été mis en place dans les centres de naissance dirigés par des sages-femmes, ce qui a mis fin à l'évacuation systématique des femmes enceintes des réserves à destination des hôpitaux du sud pour l'accouchement. Ce programme est reconnu aux échelles nationale et internationale comme un excellent modèle local de formation et de renforcement des capacités qui soutient les pratiques de naissance respectueuses de la culture par les Inuits pour les Inuits. La formation fondée sur les compétences enracinée dans les façons de faire et la langue inuites, laquelle satisfait aux normes canadiennes de formation des sages-femmes en milieu universitaire, permet aux étudiants inuits d'étudier dans le Nord et d'apprendre aux côtés de sages-femmes et mentores au sein d'une équipe interdisciplinaire, ce qui donne d'excellents résultats en matière de santé. Les communautés apprécient beaucoup leurs sages-femmes inuites et leur capacité à accompagner la naissance en territoire inuit1Epoo B Stonier J Van Wagern V et al.Learning midwifery in Nunavik: community-based education for Inuit midwives.Pimatisiwin. 2012; 10: 283-299Google Scholar. La réflexion sur l'état actuel de la santé reproductive des peuples autochtones et sur la stagnation de la croissance de la profession de sage-femme au Canada et ailleurs dans le monde nous rappelle que la colonisation est une composante intégrante du modèle biomédical eurocanadien. L'effacement intentionnel et systématique des fournisseurs autochtones de soins de santé, y compris des sages-femmes autochtones, reflète la mise sur pied par les colons blancs d'un pays visant à civiliser les peuples autochtones, à les assimiler et à leur imposer la religion chrétienne. Les pensionnats indiens, les pensionnats, la rafle des années 1960, la stérilisation forcée et involontaire, l'évacuation des femmes enceintes avant la naissance, le génocide des femmes et des filles autochtones et l'effacement des membres bispirituels des collectivités autochtones n'étaient que certaines des tactiques coloniales pour débarrasser le Canada du « problème indien »2Scott DC The Indian Problem. National Archives of Canada, 1920https://tc2.ca/sourcedocs/uploads/images/HD%20Sources%20(text%20thumbs)/Aboriginal%20History/Residential%20Schools/Residential-Schools%2010.pdfGoogle Scholar. Comment nous en sommes-nous sortis sans sage-femme autochtone dans ce pays? Avons-nous fourni de meilleurs soins en encadrant uniquement les soins de santé du modèle biomédical eurocanadien? Dans certains cas, ce modèle comporte des avantages évidents. Mais quel en a été le prix pour les peuples autochtones? Dans nos activités continues de défense des intérêts et de recherche, nous soutenons que le modèle biomédical eurocanadien a marginalisé, intentionnellement ou non, les peuples autochtones. Tous les systèmes de soins de santé au Canada doivent s'engager à travailler de manière concertée, équitable, antiraciste et transparente. Sinon, cette marginalisation ne fera que croître. Nous nous engageons corps et âmes à élaborer et mettre en œuvre des solutions de soins de santé en matière de reproduction avec tous les fournisseurs de soins de santé. Nos relations avec les fournisseurs de soins de santé, les responsables de l'élaboration de politiques et les membres du public non issus d'une collectivité autochtone doivent toutefois être fondées sur des partenariats sains et réciproques qui prouvent une transformation continue. À cette fin, nous fournissons une liste de critères fondamentaux qui, selon nous, sont essentiels à l'établissement de partenariats sains (encadré 2). Nous sommes persuadés que de sains partenariats permettront d'améliorer les mesures de soins de santé. Comment définirons-nous les réussites en matière de santé sexuelle et reproductive et de justice au Canada? L'appel à l'action de la préconférence des femmes autochtones lors du congrès Women Deliver 2019 a défini les attentes :Nous demandons au gouvernement du Canada de mesurer la santé et le bien-être des femmes, des filles et des personnes de diverses identités de genre afin de définir un indicateur de la santé et du bien-être de toute la nation. Encadré 2critères essentielsDévelopper une vision commune pour les soins de maternité locaux et un engagement ferme à accroître les capacités et les compétences locales dans les milieux ruraux et éloignés.Structurer une bonne gouvernance issue d'une cocréation, laquelle serait fréquemment réévaluée et intégrerait un bon rythme de communication.Établir une ambiance ouverte, honnête et sécuritaire où tous les membres peuvent parler sincèrement afin de trouver ensemble des solutions créatives.Apprendre au sujet de nos membres et les uns des autres et faire preuve de transparence et avoir la motivation de s'engager dans le projet.Reconnaître les forces respectives et collectives de chacun.Comprendre que les systèmes de soins de santé sont des écosystèmes : les fournisseurs améliorent ou déstabilisent les systèmes et les relations au sein de ces systèmes.Inclure les membres de la communauté afin qu'ils puissent influencer les services de soins de santé.Créer ensemble des équipes de soins de la reproduction durables.Déterminer les inégalités dans les systèmes de soins de santé afin que personne ne soit marginalisé ni réduit à l'impuissance.Mettre fin à la concurrence et fournir des services complémentaires et collaboratifs.Réfuter les systèmes de soins de santé établis en fonction de territoires jalonnés qui tracent des frontières qui nous séparent les uns des autres.Abolir les clubs exclusifs et la prise de décision en secret et construire de vraies alliances de collaboration pour préserver la naissance physiologique.Soutenir le renouvellement des compétences et de l'expertise clinique des sages-femmes à l'intérieur et à l'extérieur des milieux hospitaliers.Défendre l'étendue complète de la pratique pour les sages-femmes autochtones et les sages-femmes autorisées dans les milieux hospitaliers.Reconnaître que la surmédicalisation de la naissance amène des résultats de santé inférieurs.Partager le pouvoir, l'autorité et les ressources avec les sages-femmes autochtones et les sages-femmes autorisées.Inclure les sages-femmes autochtones et les sages-femmes autorisées dans toutes les réunions avec tous les paliers de gouvernement. S'il n'y a pas assez de place à la table, il faut alors trouver une table plus grande et apporter d'autres chaises. Développer une vision commune pour les soins de maternité locaux et un engagement ferme à accroître les capacités et les compétences locales dans les milieux ruraux et éloignés. Structurer une bonne gouvernance issue d'une cocréation, laquelle serait fréquemment réévaluée et intégrerait un bon rythme de communication. Établir une ambiance ouverte, honnête et sécuritaire où tous les membres peuvent parler sincèrement afin de trouver ensemble des solutions créatives. Apprendre au sujet de nos membres et les uns des autres et faire preuve de transparence et avoir la motivation de s'engager dans le projet. Reconnaître les forces respectives et collectives de chacun. Comprendre que les systèmes de soins de santé sont des écosystèmes : les fournisseurs améliorent ou déstabilisent les systèmes et les relations au sein de ces systèmes. Inclure les membres de la communauté afin qu'ils puissent influencer les services de soins de santé. Créer ensemble des équipes de soins de la reproduction durables. Déterminer les inégalités dans les systèmes de soins de santé afin que personne ne soit marginalisé ni réduit à l'impuissance. Mettre fin à la concurrence et fournir des services complémentaires et collaboratifs. Réfuter les systèmes de soins de santé établis en fonction de territoires jalonnés qui tracent des frontières qui nous séparent les uns des autres. Abolir les clubs exclusifs et la prise de décision en secret et construire de vraies alliances de collaboration pour préserver la naissance physiologique. Soutenir le renouvellement des compétences et de l'expertise clinique des sages-femmes à l'intérieur et à l'extérieur des milieux hospitaliers. Défendre l'étendue complète de la pratique pour les sages-femmes autochtones et les sages-femmes autorisées dans les milieux hospitaliers. Reconnaître que la surmédicalisation de la naissance amène des résultats de santé inférieurs. Partager le pouvoir, l'autorité et les ressources avec les sages-femmes autochtones et les sages-femmes autorisées. Inclure les sages-femmes autochtones et les sages-femmes autorisées dans toutes les réunions avec tous les paliers de gouvernement. S'il n'y a pas assez de place à la table, il faut alors trouver une table plus grande et apporter d'autres chaises. Indigenous Midwifery in Canada: An Example of Healthy RelationshipsJournal of Obstetrics and Gynaecology Canada Vol. 41PreviewWe are compelled to reflect on our professional associations and the power of partnerships across organizations to improve sexual and reproductive health in Canada and around the world. (See Box 1 for who we are; Figures 1 and 2.) Our shared passions, combined with our specialized skills and knowledges, offer an opportunity to advocate for transparent, equitable, and ongoing collaboration that is rooted in and responsive to community needs. Like the Canadian Association of Midwives (CAM), organizations that are committed to true collaboration believe in the intrinsic worth of their professional services and work with and for their communities. Full-Text PDF
Referência(s)