Artigo Acesso aberto

A propos du livre Monique Lévi-Strauss, Une enfance dans la gueule du loup, Librairie du XXIe siècle, Seuil, 2014, Lonrai. 26octobre 2018, Paris.

2019; Issue: 25 Linguagem: Francês

10.4000/pontourbe.7622

ISSN

1981-3341

Autores

Helena Prado,

Tópico(s)

Psychoanalysis and Psychopathology Research

Resumo

Tout d´abord je voudrais vous remercier, Mme Lévi-Strauss, d'avoir accepté cet entretien.J'ai beaucoup aimé votre livre, c´est un très beau cadeau pour l'époque que nous vivons.J´ai beaucoup de questions, votre livre m'a émue pour plusieurs raisons.J´ai fait un petit schéma généalogique selon ce que vous nous racontez dans votre livre.Il y a deux questions sur votre famille, de type généalogique.La première question est en rapport avec le fait que vous nous donnez beaucoup d´informations sur votre famille maternelle, et pas beaucoup d´informations sur la famille de votre père.Cela a attiré mon attention au moment où j'ai commencé à dessiner la généalogie, mais, d'un autre côté, vous dites dans votre livre que vos cousins préférés ou plus présents dans votre enfance étaient justement les cousins du côté paternel, patrilatéraux.La deuxième question : vous nous montrez que dans votre famille maternelle, il y a eu deux mariages entre cousins.Je travaille beaucoup sur les mariages entre cousins donc je me pose la question : est-ce que c´était une coïncidence ?est-ce que c'est une habitude de la famille en relation avec vos origines juives ?Deux premières questions de généalogie pour commencer.Monique Lévi-Strauss : Vous posez la première question : pourquoi je donne beaucoup plus d´importance à ma famille maternelle qu'à ma famille paternelle.La réponse est très simple : mes grands-parents maternels habitaient une très belle maison à Saint Cloud, c´étaient des Américains qui vivaient avec des dollars en France.Il faut vous dire que, dans les années 1920 et 1930, le dollar en France valait beaucoup d´argent et tous les Américains qui venaient en France trouvaient que le luxe c´était pour rien.Ce n´est plus le cas maintenant, mais jadis quand on avait des dollars c´était fou ; on payait des domestiques très peu, on avait des chauffeurs, une voiture, une nourriture délicieuse, des très grands vins et du champagne pour rien.Et « Dans la gueule du loup » :Entretien avec Monique Lévi-Strauss.(versão em f... Ponto Urbe, 25 | 2019donc, mes grands-parents vivaient avec des revenus américains, parce que mon grand-père importait et exportait la nacre.En comparaison avec ma famille paternelle, ma famille maternelle était plus aisée et elle était sur place.Tous les week-ends je les passais chez mes grands-parents maternels à Saint Cloud.Jamais chez mes grands-parents paternels qui étaient divorcés et qui avaient peu de moyens.Ils vivaient comme des petits bourgeois ; ils n´avaient pas de grande maison pour recevoir… Sauf une soeur de mon père, la femme du Colonel De Ruderqui avait été aide de camp du roi Albert -: lui étant agent de change, ils étaient ruinés depuis le crash boursier de 1929, mais ils continuaient de mener une vie relativement luxueuse.C´est leurs deux enfants, nos cousins qui avaient notre âge, que je voyais souvent.Mon père les aidait financièrement puisqu'ils avaient été ruinés.C´est la réponse à votre première question.1 À la seconde question sur l'endogamie la réponse est : les juifs étaient notoirement endogames, alors que les non juifs ne l'étaient pas du tout.Helena Prado : Il y a quelque chose qui nous a vraiment frappées à la lecture, c´est le travail de mémoire que vous faites dans le livre.Dès le départ du livre vous dites : « Après la guerre, le moment était idéal pour relater, oralement ou par écrit, mes souvenirs tout frais.Je ne suis pas la seule à l'avoir constaté : les souvenirs de guerre n'intéressaient personne.J'étais rentrée en France en 1945, et les épisodes que je venais de vivre bouillonnaient dans ma tête, j'aurais aimé en discuter.Personne pour m'écouter, on voulait tourner la page, recommencer à vivre normalement.Si j'avais été perspicace, j'aurais prévu qu'un jour une nouvelle génération, curieuse du passé, s'intéresserait à la vie quotidienne des individus pendant la guerre.Je n'ai pas anticipé, je n'ai pas écrit en 1945.» (p.11-12, nos italiques) J´ai trouvé ça très frappant car, par rapport à l´enseignement qu´on a à l´école en France sur la Seconde Guerre mondiale, c´est quelque chose qu'on répète pendant des années, ça tombe à l'examen du baccalauréat.Pour ma génération c´est étrange de se dire que finalement, en 1945, il n'y avait pas d´espace pour en parler -et pas si étrange à la fois, mais j´aimerais justement avoir votre opinion sur ça.M. L.-S. : Si vous voulez, la conclusion c´est que les gens avaient envie de tourner la page.Ils étaient saturés par la guerre.C´est très difficile, vous savez.Cela voulait dire refouler toute une partie de moi qui était vraiment en ébullition.Et donc j´ai refoulé, jusqu'au jour où j´ai eu mes petitsenfants, et je me suis dit : quand ils seront vieux, je ne serai plus là.Et ce jour-là ils penseront : mais si on lui avait posé des questions.Et c'est à ces questions-là que j'ai voulu répondre, le plus sobrement possible, pour qu'ils aient une sorte de squelette de mon histoire.H.P. : Ce que vous dites sur le fait que les gens ne voulaient pas entendre est très intéressant.Qui étaient ces gens qui ne voulaient pas entendre ?C'étaient des gens qui étaient aussi passé par ça ?En France, aux États-Unis ?M. L.-S. : Non, aux États-Unis ils ne savent même pas où est la France.Non, aux États-Unis lorsque je leur parlais de bombardements ils ne comprenaient même pas ce que cela voulait dire.H.P. :

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