Ni langue ni pays by Leila Houari
2019; American Association of Teachers of French; Volume: 92; Issue: 3 Linguagem: Francês
10.1353/tfr.2019.0250
ISSN2329-7131
Autores Tópico(s)Linguistic and Sociocultural Studies
ResumoReviewed by: Ni langue ni pays by Leila Houari Samia I. Spencer Houari, Leila. Ni langue ni pays. L'Harmattan, 2018. ISBN 978-2-343-14190-9. Pp. 166. L'entrée en matière se fait rapidement et astucieusement sous forme d'une banale lettre officielle annonçant à l'anti-héroïne, Fatima Benghali, l'octroi de la nationalité belge. S'y trouve l'essentiel: nom, adresse, profession, et lieu et date de naissance. Toutefois, on pénètre au cœur du sujet plusieurs années plus tard à Paris, lors d'une séance avec un psychiatre à qui Fatima fait part des cauchemars qui la hantent au physique et au moral, les deux étant inséparables: "Je me sens coupée en deux [...] J'ai l'impression d'avoir toujours vécu dans le brouillard. [...] Je ne sais plus quelle langue est mienne" (13). Comme des milliers d'enfants dont les parents sont venus d'ailleurs pour travailler en Europe dans les années 1960, la petite Marocaine de six ans est profondément marquée par le souvenir de ses premières années qu'elle ressasse sans arrêt. Tout au long de sa vie, elle porte le fardeau d'une fracture identitaire et la dualité du "moi" à laquelle elle ne peut échapper, ni par rapport à elle-même ni par rapport à autrui, car il y a "toujours quelqu'un pour vous rappeler que vous n'êtes pas comme les autres, que vous êtes un autre aux yeux des autres" (120). Pour elle, il y a toujours un avant et un après, un ici et un là-bas, le présent ne rejoignant aucun des deux bords, tel que l'indique le double négatif du titre. Pourtant le "ni ... ni" peut être transformé en double positif: "J'ai deux langues. La langue d'ici [...] Il y a aussi la langue de ma mère. Je l'ai perdue en traversant la mer" (23). Cependant, il en reste des traces puisque le texte français est parsemé de mots arabes. La fracture identitaire, exacerbée par la complexité des relations familiales, impacte l'avenir plutôt morne de Fatima. Au crépuscule de la vie, elle traîne toujours sa solitude dans un quotidien sans saveur: professionnellement, Pôle emploi ne lui offre aucune perspective valable; et socialement, les amitiés sont mitigées. Toutefois, au fur et à mesure que l'écriture progresse, un nouveau retour aux sources et des retrouvailles avec la mère au Maroc permettent de rétablir les liens et d'offrir une perspective plus prometteuse sur la reconstruction identitaire et l'acceptation de soi. Au début du roman, pendant son entretien avec le psy, Fatima avouait: "Il m'arrive de penser que je n'ai vraiment pas eu de mère" (14). Car, ne parlant pas français, celle-ci était silencieuse. À la fin du roman, la veuve, retirée et heureuse dans son village natal, accueille sa fille à bras ouverts. Leur rapprochement s'exprime en deux langues au moment du retour de Fatima à Paris: "Ne te méprends pas sur mon silence, ne fais pas comme moi ... aïchi, vis ... et surtout diri li frassek, [End Page 255] accomplis ce que tu as dans ta tête" (163). En retrouvant sa mère, la fille joint les deux parties de sa vie avec les deux langues et les deux cultures auxquelles elle appartient, et rentre à Paris "plus apaisée" (165), prête à affronter ce qui l'attend. Samia I. Spencer Auburn University (AL), emerita Copyright © 2019 American Association of Teachers of French
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