Le rapport Brazza: le premier secret d'État de la "Françafrique" by Vincent Bailly et Tristan Thil, and: L'argent fou de la Françafrique: l'affaire des biens mal acquis by Xavier Harel et Julien Solé
2019; American Association of Teachers of French; Volume: 93; Issue: 2 Linguagem: Francês
10.1353/tfr.2019.0015
ISSN2329-7131
Autores Tópico(s)African Studies and Geopolitics
ResumoReviewed by: Le rapport Brazza: le premier secret d'État de la "Françafrique" by Vincent Bailly et Tristan Thil, and: L'argent fou de la Françafrique: l'affaire des biens mal acquis by Xavier Harel et Julien Solé Edward Ousselin Bailly, Vincent, et Tristan Thil. Le rapport Brazza: le premier secret d'État de la "Françafrique". Futuropolis, 2018. ISBN 978-2-7548-1664-9. Pp. 144. Harel, Xavier, et Julien Solé. L'argent fou de la Françafrique: l'affaire des biens mal acquis. Glénat, 2018. ISBN 978-2-344-01918-4. Pp. 92. Comme le démontrent ces deux albums, la bande dessinée peut constituer une méthode originale, efficace et attirante pour présenter des documents historiques ou du journalisme d'investigation. Les enseignants qui prennent en considération les liens politiques, économiques et culturels entre la France et l'Afrique francophone, mais qui ne peuvent exiger que leurs étudiants épluchent de volumineux livres d'histoire, pourraient envisager d'exploiter de tels albums en tant que ressources pédagogiques. Le rapport Brazza renvoie à la période coloniale, sous la IIIe République. Congo, 1905: Pierre Savorgnan de Brazza, ancien explorateur, commissaire général de la colonie française et fondateur de la capitale qui porte encore son nom, est envoyé en mission par le ministère des Colonies pour faire la lumière sur les atrocités commises en Afrique-Équatoriale française. Au cours de son enquête, il a amplement l'occasion de constater que les entreprises françaises qui récoltent le caoutchouc (une matière première fort rentable à l'époque) n'hésitent pas à recourir à des méthodes de travail forcé s'apparentant à l'esclavage, avec la complicité tacite de l'État. L'essentiel de ce que l'on appelait alors "l'affaire Toqué-Gaud"—les noms de deux administrateurs coloniaux français qui ont fait exécuter un Africain en utilisant de la dynamite—sera néanmoins étouffé. Quant au rapport pourtant accablant de Brazza (lui-même mort de fièvre, au bout de quatre mois d'enquête), il sera rapidement classé, puis oublié. En fin de compte, la "mission civilisatrice" de la France coloniale s'accommodera fort bien des crimes commis en son nom. L'argent fou de la Françafrique décrit une situation plus récente, mais non moins corrompue. Il s'agit cette fois du détournement de l'argent du pétrole, la matière première la plus rentable de notre époque, même si elle ne profite presque jamais aux populations locales. Au lieu d'être utilisée pour le développement économique, la manne pétrolière d'une grande partie de l'Afrique est partagée entre des entreprises françaises (Elf, puis Total), des politiciens français (qui s'en servent souvent pour financer leurs campagnes électorales) et des dirigeants africains qui détournent massivement les profits de l'extraction du pétrole afin de les réinvestir à titre privé, habituellement sous forme de juteux placements immobiliers à Paris. D'immenses richesses—les "biens mal acquis"—sont ainsi accumulées par des dictateurs et des dynasties politiques dans des pays comme le Gabon (Omar, puis Ali Bongo), la République du Congo (Denis Sassou-Nguesso) ou la Guinée équatoriale (le clan Obiang), tandis que la plupart des citoyens de ces pays continuent de vivre dans la [End Page 197] misère. La fin de la "Françafrique" a beau avoir été annoncée par plusieurs dirigeants français et africains, le système d'influence politique et de financements occultes mis en place par Jacques Foccart durant les années 1960 semble se perpétuer, en dépit de certaines décisions judiciaires récentes. Dans les deux cas, ces albums de BD, qui présentent sous forme visuelle des événements et des situations complexes, sont suivis d'un court dossier explicatif, ce qui permet aux lecteurs qui le souhaitent d'en savoir davantage. Chacun de ces albums démontre à nouveau, si besoin est, que la BD peut se prêter à des sujets s...
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