La prière réal. by Cèdric Kahn
2019; American Association of Teachers of French; Volume: 92; Issue: 4 Linguagem: Francês
10.1353/tfr.2019.0287
ISSN2329-7131
Autores Tópico(s)Diverse Cultural and Historical Studies
ResumoReviewed by: La prière réal. by Cèdric Kahn Cheira Lewis Kahn, Cèdric, réal. La prière. Int. Anthony Bajon, Damien Chapelle, Alex Brendemühl, Louise Grinberg. Worso, 2018. Le regard-caméra qui boucle la première scène surprend et souligne d'emblée la complexité et difficulté du parcours de Thomas (Anthony Bajon), vingt-deux ans, lors de son arrivée dans un centre de désintoxication situé en pleine montagne. Son visage tuméfié, son regard encore empli de vie, rendent compte de sa volonté de s'en sortir ou du moins d'essayer. Hormis son addiction à l'héroïne, on ne sait que très peu à son sujet, mais la rigidité de la vie en communauté révèle bien vite son agressivité et sa rébellion contre toutes formes d'autorité. Cette communauté catholique, parfaitement isolée, d'anciens toxicomanes se fonde sur quatre règles: la prière, le travail, le partage et ne jamais laisser un pensionnaire seul. À partir de là, on plonge dans un univers fascinant et encore trop peu vu au cinéma. Kahn précise cependant qu'il ne s'agit pas d'un film sur la religion, mais plus précisément sur les rites de la foi qui rendent possible l'acheminement de ces anciens toxicomanes vers le réapprentissage d'une vie sans addictions. Ce faisant, Kahn explore et parvient à illustrer ce paradoxe entre la foi religieuse et le combat contre la dépendance. La rechute, telle une épée de Damoclès, plane constamment au-dessus de ces têtes fragilisées par l'emprise de l'addiction. On observe—non sans peine—le décalage entre la révolte intérieure et la prière; cette seule issue de secours vers laquelle Thomas finit par se tourner lorsqu'il se retrouve seul, perdu dans les montagnes. C'est avec une ferveur grandissante (et peut être inattendue) qu'il prie à haute voix alors qu'il passe la nuit dehors. "Seigneur, ne m'abandonne pas. Ne me laisse pas mourir ici. S'il te plaît, sauve-moi."—ce sont ces mots qui, contre toute attente, le mèneront à manifester aussitôt après son désir d'aller au séminaire. Son chemin de croix, malgré les embûches, s'effectue rapidement. Dès le départ, on apprécie la mise-en-scène dépouillée (fort appréciée des critiques), la diversité des acteurs de confessions différentes ou sans confession aucune, les chants religieux, les dialogues, les témoignages, les balades en montagne, les pauses, et surtout les plans d'ensemble dans le Trièves, en Isère. Le tout forme une cohérence qui fait que les moments de prière collective ou de fraternité entre les jeunes ne paraissent pas si rébarbatifs. Ce qui pourrait ou devrait interpeller la génération Z est le jeu sans [End Page 192] failles de Bajon qui, par ailleurs, a remporté l'Ours du meilleur acteur à la Berlinale (24 février 2018). Sa gueule de cinéma accroche et évoque d'autres visages inoubliables du grand écran tel que celui de Jean-Pierre Léaud ou bien même d'un jeune Depardieu. On sait à quel point le cinéma français raffole de rebelles en tous genres: Rod Paradot dans La tête haute (2015) et Tahar Rahim dans Un prophète (2010), pour n'en citer que deux. Même si le parcours de reconstruction de Thomas prend une tournure qui risque de susciter le doute à la fin du film, Kahn aborde un sujet en somme universel que les étudiants sauront apprécier. Cheira Lewis DePauw University (IN) Copyright © 2019 American Association of Teachers of French
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