Artigo Revisado por pares

La guerre des pauvres by Éric Vuillard

2020; American Association of Teachers of French; Volume: 93; Issue: 3 Linguagem: Francês

10.1353/tfr.2020.0210

ISSN

2329-7131

Autores

Annie Bandy,

Tópico(s)

French Urban and Social Studies

Resumo

Reviewed by: La guerre des pauvres by Éric Vuillard Annie Bandy Vuillard, Éric. La guerre des pauvres. Actes Sud, 2019. ISBN 978-2-330-10366-8. Pp. 80. En ces jours où les "gilets jaunes" défilent tous les samedis pour manifester leur impatience au vu de la lenteur des réformes, le bref récit d'Éric Vuillard, centré sur la vie de Thomas Müntzer (1489–1525), prédicateur de Bohème, trouve une résonnance particulière. Certes, la question religieuse est absente des réclamations contemporaines mais le lexique des revendications sociales est étonnamment le même et marque une exaspération similaire lorsque Müntzer prêche "aux pauvres, aux mineurs, à leurs femmes, à tous les misérables", fustigeant "le luxe, la corruption, la démagogie" (13). Comme précédemment dans Tristesse de la terre (2016), Éric Vuillard se fait dans La guerre des pauvres le déchiffreur des déchirures historiques, mettant en avant les protagonistes qui construisent leur histoire avec une soif instinctive de justice et leurs profondes aspirations de changement: "Ils réclament l'abolition du servage. Autant dire qu'ils veulent détruire la société" (23). Parmi eux, ce Müntzer, par exemple, dont Vuillard va suivre le parcours comme s'il était à ses côtés, imaginant le bouillonnement de sa pensée, "le fil brûlant de son désir" (32), relevant un à un les signes du raidissement de sa position et ses vitupérations menaçantes contre les "Grands": "le glaive leur sera enlevé et donné au peuple en colère" (37). Avec le mot "colère" qui revient sans cesse dans sa bouche (40), l'indignation de Müntzer devient compréhensible, sa révolte logique, tournant en dérision ceux qui le traitent de fou, d'illuminé et, pire, d'hérétique, car la démarche de Thomas Müntzer est lucide et en avance sur son temps par sa volonté de libérer le peuple de la taille, des charges, des privilèges (46). Vuillard démontre habilement le continuum espace-temps qui préside aux grands bouleversements sociaux. Depuis la Bible en anglais de John Wyclif deux siècles auparavant, puis la messe en allemand de Müntzer et sa Protestation en 1522 (33), le soulèvement de Mulhouse (47), les révoltes des paysans, la bataille de Frankenhausen vue comme la traversée du Jourdain (62), jusqu'à la fin brutale, le récit se déroule à toute allure en soixante-huit pages, aussi sidérant que cela a dû paraître à Müntzer lui-même, décapité à 36 ans en 1525, mais ne déviant jamais d'un pouce de sa trajectoire. C'est le talent de l'auteur de nous faire courir à sa suite ou lire, comme par-dessus son épaule, la multitude de lettres et proclamations incendiaires qu'il écrit à ses disciples. Précurseur de Luther et marxiste avant l'heure, Müntzer proteste car il a saisi le poids insupportable [End Page 219] des inégalités mieux que bien de nos contemporains. Certains historiens comme Robert Paxton critiquent Vuillard et son approche de l'Histoire, lui reprochant d'en parler comme s'il y était, d'en faire un récit inventif ouvert aux connections de toutes sortes. Pourtant, les mairies de France ont bel et bien ouvert des cahiers de doléances aux citoyens de 2019, et quand Müntzer s'écrie "L'été frappe à nos portes" (44), n'est-ce pas l'écho de sous les pavés, la plage de Mai 68 qui résonne à nos oreilles? Annie Bandy Earlham College (IN), emerita Copyright © 2020 American Association of Teachers of French

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