Littérature haïtienne: urgence(s) d'écrire, rêve(s) d'habiter par Yanick Lahens
2021; American Association of Teachers of French; Volume: 94; Issue: 3 Linguagem: Francês
10.1353/tfr.2021.0030
ISSN2329-7131
Autores Tópico(s)Caribbean and African Literature and Culture
ResumoReviewed by: Littérature haïtienne: urgence(s) d'écrire, rêve(s) d'habiter par Yanick Lahens Jason Herbeck Lahens, Yanick. Littérature haïtienne: urgence(s) d'écrire, rêve(s) d'habiter. Fayard, 2019. ISBN 978-2-213-71264-2. Pp. 69 Dans son récit écrit au lendemain du séisme dévastateur en Haïti, Lahens précise au sujet des différentes failles auxquelles son titre fait allusion: "Je ne connais pas de faille historique et sociale plus grande que celle-là en Haïti. […] Elle façonne notre imaginaire, ordonne nos fantasmes de couleur, de peau, de classe" (Failles, 2010, 77). Dans son essai-témoignage, l'écrivaine cite l'augmentation importante de production agricole du pays en 2009 et remarque, post-séisme: "Les mandarines, les corossols, les mangues et les carottes ne m'ont jamais paru aussi beaux. […] La sortie du malheur […] de l'île, passe par ces hommes et ces femmes de la terre" (56). En tant que première titulaire de la chaire "Mondes francophones" au Collège de France, Lahens revient sur ces thèmes dans sa leçon inaugurale, à la différence près que c'est la production littéraire qu'elle examine. Ayant étudié au Collège de France et constaté l'absence d'enseignement de la littérature francophone, Lahens y retourne pour "dépouiller ce vocable de francophone de son eurocentrisme" (19–21). Reliant le manque d'enseignement de la littérature haïtienne à l'ignorance générale de l'histoire du pays, elle illumine les ouvrages d'écrivains haïtiens pour démontrer que "ces hommes et ces femmes dépossédés, déplacés, déstabilisés linguistiquement, n'ont pas cessé de dire ou d'écrire un rêve d'habiter" (22). À partir des écrits de Toussaint Louverture et Dessalines qui "disent déjà cette volonté de se définir hors de tout nœud de clichés" en réinventant "la révolution haïtienne" (32–34), Lahens avance comme Laënnec Hurbon que Haïti—lieu privilégié de la mise à l'épreuve de la modernité—présente un nouvel éclairage de la problématique de l'habiter (35). Aussi évoque-t-elle des textes qui servent à élucider, voire suppléer la déterritorialisation du corps, "ce premier lieu d'habitation" (37) sur lequel se greffe la difficulté de faire communauté face au legs colonial. Pour réaliser le rêve d'habiter, l'écrivain haïtien se mêlera de la politique, étendra un sentiment d'appartenance au-delà du territoire national, créera des revues, revalorisera le corps par la négritude, marquera de son empreinte des mouvements indépendantistes, [End Page 237] identitaires et littéraires de par le monde, se réappropriera la langue française et cherchera à s'exprimer en créole, anglais et espagnol. En démontrant que la vitalité de la littérature haïtienne "invite la langue française à cohabiter avec d'autres idiomes sans exclusives, et les mondes francophones à repenser les notions d'identité, de patrimoine, de langue nationale" (68), Lahens explique combien on aurait tort de la réduire à "une esthétique du délabrement, du désenchantement ou de la catastrophe" (68). Face à la faille fondamentale d'Haïti qu'est le "nous" national (51) et à "cette constante familiarité du pire" (68) engendrée, entre autres, par une faille sismique en 2010, Lahens conclut sa leçon en identifiant les écrivains et écrivaines d'aujourd'hui qui "habitent ce temps où désormais l'espoir n'est pas une réponse sûre" (68). Or, à condition de connaître ces travailleurs "obstinés et tranquilles," on découvrira que leur production garde toutefois "l'urgence de l'ici et maintenant de la beauté" (68–69) capable de façonner l'imaginaire. Jason Herbeck Boise State University (ID) Copyright © 2021 American Association of Teachers of French
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