En vérité par Yves Gaudin
2021; American Association of Teachers of French; Volume: 94; Issue: 3 Linguagem: Francês
10.1353/tfr.2021.0058
ISSN2329-7131
Autores Tópico(s)Health, Medicine and Society
ResumoReviewed by: En vérité par Yves Gaudin Jean-François Duclos Gaudin, Yves. En vérité. Héloïse d'Ormesson, 2020. ISBN 978-2-35087-558-3. Pp. 173. Émile Blanchard traverse les yeux fermés la même route nationale dans l'espoir qu'un véhicule mette fin à son existence. Chaque jour il rentre pourtant indemne chez lui et ressasse ses regrets d'ancien policier qu'une affaire a contribué, quelques années plus tôt, à faire basculer dans le malheur. Trois meurtres de scientifiques laissent un laboratoire parisien à moitié dépeuplé. À chaque fois on a arraché d'un décisif coup de dents la langue des victimes puis une équipe s'est chargée d'effacer, avant l'arrivée de la police, toute trace compromettante laissée par l'assassin. Ce travail professionnel pourrait avoir un lien avec les recherches menées par ce centre en biologie. L'affaire est sensible, et la fébrilité manifestée par le ministre de l'Intérieur nécessite la mise en place d'une équipe d'une demi-douzaine d'agents du Quai des Orfèvres. Mais c'est à peine si Blanchard, qui en fait partie, parvient à cacher son désintérêt pour l'affaire. Il arrive en retard aux rendez-vous, ne lit pas les dossiers, semble ailleurs. Il est vrai qu'il vient de tuer sa mère. Coup de folie, et surtout, par contraste avec les trois meurtres, travail mal fait. L'enquête devra donc avancer sans l'inspecteur, vite mis en cause par un commissaire de quartier consciencieux, et sans l'équipe dont il fait partie, que le lecteur perd immédiatement de vue. Tout est là dans ce court récit pour se conformer [End Page 267] à la loi du genre: une tueuse en série, des expériences prometteuses en matière biomédicale, des accointances politiques et véreuses, un trafic d'organes, quelques scènes de sexe, un commissaire tourmenté qui, en mettant fin aux jours de sa propre mère (elle était en fait déjà morte, mais d'après le Code pénal c'est l'intention qui compte), croit s'élever par la pitié au-dessus des hommes médiocres. Pourtant, En vérité déjoue tous les attendus d'un thriller. L'effet de décalage, déconcertant mais a priori séduisant, est mis à mal par le fait que le roman peine à trouver sa voix. Les ressassements intérieurs de Blanchard font écho jusqu'à friser le pastiche à ceux du Bardamu de Voyage au bout de la nuit: "Les amis, ça ne comprend pas ces choses-là, ça se croit un prolongement de soi mais c'est tout fané quand vient le goût de la mort" (11). Ses explications devant les jurés concernant les circonstances du meurtre de sa mère jouent de manière trop attendue avec le procès de Meursault dans L'étranger. Certains dialogues semblent tout droit sortis de Buffet froid de Bertrand Blier: "–Je viens pas pour vous mais pour votre mari.–Qu'est-ce qu'il a fait?–Il est décédé.–Ah." (41). Enfin, prologue et conclusion se placent en miroir l'un de l'autre sans qu'il en sorte autre chose qu'un effet de style. Ce roman, pourtant basé sur un souci de vérité, si l'on en croit son titre et la liste des experts interrogés par l'auteur, nous laisse donc sur notre faim. Jean-François Duclos Metropolitan State University of Denver (CO) Copyright © 2021 American Association of Teachers of French
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