Un homme qui crie by Mahamat-Saleh Haroun
2013; American Association of Teachers of French; Volume: 86; Issue: 3 Linguagem: Francês
10.1353/tfr.2013.0485
ISSN2329-7131
AutoresPanagnimba Parfait Bonkoungou,
Tópico(s)African history and culture studies
ResumoFilm edited by Michèle Bissière HAROUN, MAHAMAT-SALEH, réal. Un homme qui crie. Int. Youssouf Djaoro, Dioucounda Koma, Émile Abossolo M’bo. Pili, 2010. Le dernier film de Haroun est une coproduction entre la Belgique, la France et le Tchad, avec des acteurs connus dans le monde francophone du cinéma et de la télévision africains. Le cinéaste tchadien n’en est pas à son coup d’essai: Un homme qui crie fait partie, avec Abouna (2002) et Daratt (2006), d’un triptyque filmique dont la toile de fond demeure la guerre civile qui secoue sporadiquement le Tchad depuis quatre décennies, avec son lot de victimes, au nombre desquelles on peut compter le réalisateur lui-même, exilé en France depuis vingtneuf ans. L’idée du film est inspirée d’une histoire vécue par le cinéaste et son équipe technique, qui furent pris au piège par la guerre pendant le tournage de Daratt. Le film raconte le drame d’Adam (Djaoro) et de son fils Abdel (Koma): Adam, un ancien champion de natation presque sexagénaire, est maître-nageur dans un hôtel de la capitale Ndjaména, où son fils Abdel l’assiste. La privatisation de l’hôtel, puis son rachat par des Chinois, entraînent des réaménagements du personnel; Adam est remplacé à la piscine par son fils, puis muté à la sécurité du portail d’entrée de l’hôtel. Lorsque la guerre civile éclate, Adam cède à la pression des autorités et livre son fils à l’armée pour contribuer à l’effort de guerre. Il reprend son travail de maître-nageur, mais le remords d’avoir livré son fils le tourmente; il se décide à aller chercher ce dernier, qui est mourant dans un hôpital militaire. L’esthétique narrative du film combine la fiction et les images d’archives pour rendre plus vraisemblable le contexte de la guerre. Toutefois, le film ne montre aucune image des combats, l’idée étant moins de faire un film de guerre qu’un film sur la guerre. Cela explique le choix des inserts extradiégétiques dans la bande sonore—tirs d’artillerie, sirènes et bruits d’hélicoptères de combat— pour faire percevoir les bruits de la guerre menaçante dans le lointain et créer une tension entre l’image et le son. Avec une grande maîtrise, Haroun nous propose des images exceptionnellement dynamiques et bien cadrées: le plan d’ensemble d’Adam rentrant la nuit sur son side-car contient son propre cadrage du seul fait de la lumière des phares dans la pénombre. Avec de larges plans d’ensemble, la dilatation spatiale et les perspectives, le réalisateur fait le choix d’une esthétique visuelle qui évite les gros plans et n’enferme pas le spectateur dans un schéma narratif exclusif. Bien au contraire, les images-temps du film permettent une lecture plurielle du drame et des ressentis des personnages. Le dernier plan du film montre Adam tenant dans ses bras son fils mort au milieu d’un lac. La beauté de l’image est toute biblique: elle évoque les mythes du premier homme (Adam) et de la première victime humaine par homicide (Abel ou Abdel en arabe) tout en rappelant le plan initial montrant l’entente entre le père et le fils à la piscine à l’hôtel. Un homme qui crie a été récompensé à Angoulême, Chicago, Dubaï, Ouagadougou et a reçu le prix du jury à Cannes en 2010. Cet accueil est plus que mérité, au regard de la qualité technique, de la mise en scène, du jeu des acteurs et de la narration visuelle aboutie qui fait de chaque plan du film une histoire précise. La critique pourrait reprocher au réalisateur son recours à la dilatation temporelle et l’abus du silence. Le film est avare en dialogues, laissant parfois la bande son en 624 FRENCH REVIEW 86.3 épure, ce qui renforce le sentiment d’un montage idéologique donnant de la réalité une vision construite...
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