La vie est brève et le désir sans fin by Patrick Lapeyre
2012; American Association of Teachers of French; Volume: 85; Issue: 3 Linguagem: Francês
10.1353/tfr.2012.0415
ISSN2329-7131
Autores Tópico(s)Aging, Elder Care, and Social Issues
ResumoLAPEYRE, PATRICK. La vie est brève et le désir sans fin. Paris: P.O.L., 2010. ISBN 978-28180 -0603-0. Pp. 345. 19,50 a. Dans son septième roman, Lapeyre nous fait pénétrer, selon les termes de la probabilité quantique, dans un des multiples mondes pouvant exister simultanément . Y évoluent trois personnages principaux, dont deux en parallèle, Louis Blériot-Ringuet (“Blériot” pour sa maîtresse et le narrateur) et Murphy Blomdale. Entre ces deux hommes, ces deux vies menées l’une à Paris l’autre à Londres, circule Nora, l’amante des deux. Le tour de force de Lapeyre est ici d’inscrire la complexité des rapports amoureux dans un triangle inattendu—même si celui du mari, de la femme et de la maîtresse subsiste—à la géométrie intéressante puisque Blériot et Murphy occupent des vies à la fois parallèles et opposées: alors que l’un “rev[ient] à lui” (81), l’autre sombre, selon que l’instable et envoûtante Nora figure dans leur ciel ou pas. Le roman débute justement sur un retour de Nora. Après deux ans de silence, elle appelle Blériot, traducteur freelance fauché et entretenu, marié sans enfants; elle vient de quitter l’appartement londonien de Murphy, opérateur de marché américain. Alors que celui-ci plonge dans les antidépresseurs et l’alcool, celui-là se sent revivre, d’autant plus que ses relations conjugales laissent à désirer. Sabine, l’épouse, est une femme volontaire tant dans sa vie professionnelle que sa vie privée; c’est elle qui a décidé qu’ils n’auraient pas d’enfant; c’est elle qui, après avoir donné un ultimatum à son mari, décide qu’il restera avec elle. Pour l’heure, Blériot et sa femme forment “deux blocs de solitude séparés par une incompréhension sans fin” (50). Blériot rencontra Nora alors qu’il arrivait au moment où il avait besoin d’une “histoire”; tous les hommes éprouveraient, selon Lapeyre, ce besoin “pour se convaincre qu’il leur est arrivé quelque chose de beau et d’inoubliable une fois dans leur vie” (21). L’histoire Blériot-Nora est sans doute belle et inoubliable, tout autant que destructrice, pour les deux. La règle des débuts—“Quand on est ensemble, les autres n’existent plus” (89)—et leur programme de vie—interdiction de se mentir, de se jalouser, de “tenir des propos agressifs” (110)—sont rapidement mis à mal par les limitations inhérentes aux liaisons adultères et par un voyage de Nora à Londres où elle revoit Murphy. À son retour, leur amour est passé de la phase bonheur à la phase “désirs dissociés” (213), avant d’atteindre la phase jalousie. Pétri d’indécision dans sa relation avec Nora, comme pour tout dans sa vie, Blériot ne peut que constater qu’elle l’“abîme” (267) mais se reconnaît incapable de renoncer à elle. C’est elle qui lui donnera un ultimatum—sa femme ou elle—, le quittera et rejoindra Londres où, épuisée psychologiquement par une “situation insoluble” (313), elle ne permettra à Blériot et Murphy de ne la revoir qu’une fois. Le monde de Blériot sans Nora— et sans sa femme qui lui a intimé l’ordre de partir—a une froideur post-apocalyptique ; Blériot, soutenu par le valium et l’alcool, ne s’en remettra jamais. À l’inverse, Murphy, évoluant maintenant à Philadelphie, s’est défait de son histoire avec Nora et brille de nouveau. La vie est ainsi brève, axée sur une rencontre, une histoire, et le désir sans fin, prolongé par l’existence de mondes infinis. La prose vive de Lapeyre, alimentée de références littéraires (La mouette de Tchekhov) et cinématographiques (Jules et Jim de Truffaut), nous entraîne dans le mouvement infiniment ondulatoire des relations humaines. De la rencontre d’un “loser” et d’une “délurée” énigmatique (275), il a fait un roman peut-être beau mais certainement pas aussi inoubliable Reviews 597 que le classique par lequel il...
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