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Bande de filles par Céline Sciamma

2015; American Association of Teachers of French; Volume: 89; Issue: 2 Linguagem: Francês

10.1353/tfr.2015.0099

2329-7131

Cheira Belguellaoui,

Caribbean and African Literature and Culture

tableau de la fin de l’hiver. Proposant une histoire de Bonnie et Clyde pour les enfants, ce film, contrairement aux dessins animés conventionnels, s’enracine dans une contreculture , où l’art transgressif mais bénéfique contribue à déconstruire les préjugés associés à la société bourgeoise des ours et à la société utilitariste des souris. Un film plein d’humour, truffé de scènes d’actions, de moments contemplatifs et de grandes émotions. California State University, San Marcos Marion Geiger Sciamma, Céline, réal. Bande de filles. Int. Karidja Touré,Assa Sylla, Lindsay Karamoh, Mariétou Touré. Hold Up, 2014. Après Naissance des pieuvres (2007) et Tomboy (2009), Sciamma pioche de nouveau dans le récit d’apprentissage, mais s’aventure hors-piste en nous donnant un film qui a la particulière qualité de privilégier un regard à la fois prudent et admiratif sur une figure rarement explorée au cinéma français—celle de l’adolescente noire. Bande de filles complexifie le regard porté sur l’univers hermétique et angoissant d’une cité de la banlieue parisienne dont les mœurs laissent tout prévoir, sauf la formidable résilience de Marieme, le personnage principal du film, superbement interprété par Karidja Touré. Tous les ingrédients d’un récit initiatique truffé de défis y sont: une mère ligotée par son travail dans le nettoyage, un père absent, un frère violent et autoritaire, un dossier scolaire faible, et un environnement où le respect est littéralement régi par la loi du plus fort. Se voyant refusée le passage en seconde générale, Marieme se lie d’amitié avec Adiatou, Fily et Lady, un trio jouissant d’une réputation bien établie. Son inclusion dans le groupe lui permet de faire face aux obstacles de son quotidien et d’affirmer son désir d’indépendance ainsi que son amour pour Ismaël. Hélas, son premier rapport sexuel avec ce dernier enclenche la violence de son frère, l’abandon du logis familial, sa rupture avec la bande, et une nouvelle vie en tant que dealer dans une autre cité. Cheveux courts, seins bandés, vêtue comme un garçon, Marieme se trouve propulsée dans un univers quasi masculin, mais la précarité de cette nouvelle existence est davantage fragilisée par le contrôle d’Abou, le caïd qui lui procure travail et logis. Le non-dit, la musique et les écrans noirs ponctuent chaque transformation de ce personnage remarquablement pudique et signalent une nouvelle étape dans un tourment perpétuel où rien ne laisse prévoir une fin heureuse. Le film porte la signature esthétique de Sciamma de bout en bout. On retrouve, entre autres, une palette variée de la couleur bleue qui se prête fort bien aux peaux d’ébène des actrices ainsi qu’une succession de cadres soigneusement composés. Hormis le jeu et l’énergie de la bande, rien dans la mise-en-scène n’est laissé au hasard. Que cela soit dans le métro ou sur le parvis de la Défense, le point de vue de Sciamma ne cède que très rarement sa place à celui des jeunes filles. Une des scènes emblématiques du film se déroule à huis clos dans une chambre d’hôtel où les filles chantent “Diamonds” de 208 FRENCH REVIEW 89.2 Reviews 209 Rihanna à tue-tête avant de s’endormir paisiblement dans un seul et même lit. Les gros plans s’attardant sur les visages et les corps entrelacés des filles assoupies trahissent quelque peu le regard exotique de Sciamma et évoquent un certain orientalisme, mais servent aussi à accentuer la vulnérabilité de ces adolescentes en mal de vivre. Bande de filles n’est pas une critique sociale portée sur la délinquance chez les jeunes filles, mais un parcours initiatique hautement esthétisé dans un espace où seul le groupe semble favoriser le passage à l’acte émancipatoire. DePauw University (IN) Cheira Belguellaoui Literary History and Criticism edited by Marion Geiger...