La Cheffe, roman d’une cuisinière par Marie NDiaye
2017; American Association of Teachers of French; Volume: 91; Issue: 2 Linguagem: Francês
10.1353/tfr.2017.0063
ISSN2329-7131
Autores Tópico(s)Multiculturalism, Politics, Migration, Gender
Resumoancien combattant indépendantiste, nommé à un poste au lycée dans leur bled des montagnes. Pour le père de Zoubida et l’Africain l’amitié, basée dans leur passé de luttes parallèles, est immédiate. Mais une jeune fille dévergondée arrive bientôt de la grande ville et se lie d’amitié avec Zoubida. Elle lui montre une autre manière de vivre: cigarettes, musique et sexe. Le résultat est ce bébé, fruit de sa liaison avec un autre pied-noir, professeur nommé dans la région, et ami d’Albert. La fuite mène Zoubida dans une sorte de bordel où elle est tenue prisonnière. Elle s’en échappe en tuant le taulier, et la route s’ouvre vers un deuxième road movie. Elle assomme le conducteur du camion qui la prend en stop et détruit son véhicule. Cette fois-ci c’est la justice de l’état qui la fait prisonnière. Nous la voyons, l’esprit dompté, son bébé confisqué. Or les coups de théâtre se succèdent: un beau jeune homme apparaît à la sortie du tribunal, se disant visiteur de prisons. II joue de l’harmonica, lui apprend la joie, lui fait une tumultueuse éducation de lectures et, par le biais d’amis et de relations jamais explicités, solutionne ses problèmes juridiques. Il parvient à ce qu’on lui rende son enfant, à qui il donne un nom berbère. Troisième volet du road movie: Zoubida part avec lui à dos de chameau commencer une nouvelle vie de famille dans le désert. Ce sauveur offre peut-être la clef de lecture de ce roman chaotique: il se dit de tous les temps et de toutes les races et langues, berbère d’avant l’arrivée de tout et de tous.Ainsi, avec lui, Monénembo reprend et élargit le thème de l’amitié insolite du père musulman avec le Camerounais buveur chronique, fêtard mangeur de porc. En continuant à s’adresser à son interlocuteur resté au village, Zoubida maintient le compas fixé sur une direction, malgré ses vagabondages. La liberté de Zoubida vient de la littérature, qui, grâce aux allusions et clins d’œil de l’auteur, est de partout et de tous les temps. Independent scholar Suzanne Gasster Carrierre NDiaye, Marie. La Cheffe, roman d’une cuisinière. Paris: Gallimard, 2016. ISBN 9782 -0701-1623-2. Pp. 288. Un homme âgé, maintenant retraité en Espagne, raconte le parcours extraordinaire de la Cheffe, une cuisinière de“réputation grandiose”(9), dont il fut le commis et l’amoureux transi. Issue d’un milieu “indubitablement pauvre, voire misérable”(19), la Cheffe est toujours restée profondément admirative du courage de ses parents ouvriers. À quatorze ans, elle est placée chez les Clapeau, une famille bourgeoise de Marmande obsédée par la nourriture. C’est là qu’en remplaçant la cuisinière attitrée, elle émerveille ses employeurs et se transforme progressivement en femme absorbée par l’art culinaire: “Toutes ses facultés d’aimer, de se donner, de souffrir, d’espérer, la cuisine s’en était emparée” (48). Lorsqu’elle se retrouve enceinte du jardinier, elle refuse la vie de couple et ne s’épanouit pas dans son rôle de mère:“elle se sentait sèche, fausse, privée de grâce, elle ne regrettait pas l’enfant pourtant” (143). 256 FRENCH REVIEW 91.2 Reviews 257 Désemparée par la maternité,la Cheffe gère difficilement ses nouvelles responsabilités— ses parents puis sa sœur, Ingrid, s’occupent de l’enfant—ce qui fait naitre chez elle un sentiment de profonde culpabilité: “elle s’en voulut toute sa vie de s’être dérobée à l’amour maternel” (149). L’ouverture de son propre restaurant à Bordeaux, dont la renommée attire une clientèle aisée, lui offre la gloire professionnelle (l’étoile gastronomique tant convoitée) et“de belles et très laborieuses années”(227). De retour du Québec où elle a fait des études de commerce, la fille de la Cheffe...
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