Le Tout, le Rien et le reste: la physique amusante IV par Jacques Réda
2017; American Association of Teachers of French; Volume: 91; Issue: 2 Linguagem: Francês
10.1353/tfr.2017.0072
ISSN2329-7131
Autores Tópico(s)Historical and Literary Studies
Resumoscellant le pacte entre Charles le Chauve et Louis le germanique contre Lothaire, furent rédigés, prêtés et consignés le 12 février 881 non seulement en latin mais aussi en français et en allemand.“Rare les sociétés qui connaissent [...] la date de naissance de leur langue, les circonstances, le lieu, temps qu’il faisait”(123). Ce“hasard”miraculeux d’un premier texte en français fournit à l’auteur matière à méditer, non juste l’histoire de l’Europe (livre III), mais aussi—selon sa propension originaire—la nature du langage en relation avec ce qui le précède:“Le français sort du latin comme un enfant du sexe de sa mère”(152). Le scribe Nithard, petit-fils de Charlemagne, qui“le premier, écrivit le français”(123), est le cœur discret du roman. L’intrigue se noue autour de sa famille—en particulier de son frère jumeau Hartnid, dont on sait peu de choses— autour des lieux où il a vécu—en particulier l’abbaye de Saint-Riquer, dans la Somme, où il est aussi enterré. Si Nithard figure le lettré sédentaire, Quignard rêve Hartnid en perpétuel errant, à la recherche d’un visage de femme qu’il a imaginé, enfant. Les jumeaux représentent ainsi les deux faces de l’auteur,“errant assis”(Petits traités), dont la biographie s’enracine dans des lieux du roman: la Normandie, les Ardennes, la Bourgogne, Paris. Autour d’eux, des personnages plus ou moins imaginaires passent leur vie à se chercher les uns les autres, comme Sar la chamane de la baie de Somme, ou frère Lucius, amoureux de son chat. Amour, mer, animaux, topiques familiers de l’auteur, s’avèrent ici encore des préoccupations centrales et offrent parmi les plus belles pages que Quignard ait écrites. Car Les larmes récapitule son complet bestiaire: chevaux, chat, grenouilles, aigle, geai, saumons, freux, oie et chouette deviennent ici des personnages. Si l’écriture est une “oniromancie” (107), ce roman si peu “réaliste” la réalise pleinement. Saint Louis University (MO) Jean-Louis Pautrot Réda, Jacques. Le Tout, le Rien et le reste: la physique amusante IV. Paris: Gallimard, 2016. ISBN 978-2-07-019749-1. Pp. 164. Écolier “tardif” (9) mais dont l’assiduité au seuil de ses quatre-vingt-dix ans ne fait plus de doute, Réda poursuit avec ce quatrième volume de Physique amusante son projet de fournir en vers classiques ses conclusions concernant les sciences physiques en général et la cosmologie en particulier. La dédicace à Philippe Chomety, universitaire spécialiste de la poésie d’idées en France au dix-septième siècle, montre bien quel saut le lecteur contemporain est invité à faire au seuil d’une telle entreprise. On pénètre dans des vers dont la rime sert “d’extrémité magnétique” (10) à la parole et dont la régularité permet de rendre compte, sur un mode qui se veut plus qu’analogique , des paradoxes les plus étourdissants qu’offrent les théories mathématiques sur l’origine de la matière. Dans la droite ligne des trois précédents volumes, celui-ci se joue donc tout autant de la caducité des formes qu’il emploie que du caractère on ne peut plus pointu des connaissances qu’il tâche de transmettre. Et comme avec ces 260 FRENCH REVIEW 91.2 Reviews 261 coffrets d’expériences offerts autrefois aux enfants qui, munis de quelques instructions et d’un équipement succinct, partaient à la découverte des principes et des lois régissant le monde naturel, le lecteur s’amuse à proportion qu’il s’instruit. Le propos se resserre pourtant sur la grande et sérieuse énigme de l’existence, aux limites de l’ontologie: par quel mystère encore irrésolu le Tout que forme l’univers a-t-il pu surgir du Rien? “Qu’y avait-il ‘avant’?” (17). La réponse? Rien. Mais “tout doit contenir le Rien / Pour être vraiment tout: son être et ses contraintes”. Devant un tel vertige, le propos oscille tant...
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