Artigo Revisado por pares

Zanipolo by Marc Ory

2011; American Association of Teachers of French; Volume: 85; Issue: 2 Linguagem: Francês

10.1353/tfr.2011.0054

ISSN

2329-7131

Autores

Jean-François Duclos,

Tópico(s)

Renaissance Literature and Culture

Resumo

ORY, MARC. Zanipolo. Montréal: Triptyque, 2010. ISBN 978-2-89031-688-1. Pp.128. $18 Can. Deux frères meurent à peu de temps d’intervalle: le premier dans son lit, le dos tourné à la lumière de Venise, le second assis la tête contre une colonne au bord de la lagune. Tous deux occupent leurs dernières pensées à songer à la myst érieuse histoire de deux autres frères, Paolo et Giovanni, qui des années plus tôt et comme sortis d’un rêve de brume, ont fait leur apparition sur la scène lyrique de la Sérénissime. Deux êtres à la voix sublime qui bouleversent la ville dont tous les habitants forment une armée d’amateurs éclairés et de critiques féroces. Pourtant, ce sont d’abord des cris d’horreur qui accompagnent la découverte de ces jumeaux conjoints biologiquement et attachés par le bas du dos. Quand l’un avance, l’autre recule. Sur scène, c’est tantôt Paolo tantôt Giovanni qui fait face au public. L’effet est sidérant, grotesque et sublime. Puisqu’il faut leur trouver un nom, on prendra celui que par un cri du cœur, à leur vue, une femme tombée à genoux laisse échapper en pensant à l’église qu’elle fréquente: Zanipolo. Paolo et Giovanni (qui deviendra Zani) ne font donc qu’un. Ce second ouvrage de Marc Ory tient beaucoup du roman libertin propre à l’époque où se situe l’action, la seconde moitié du dix-huitième siècle. Dans une Venise qui selon la formule de Philippe Monnier constitue une “plante énorme, enfoncée à coup de catapultes dans les origines de l’Histoire” (Venise au XVIIIe siècle. Paris: Complexes, 2011. 12), les habitants continuent de vivre sous l’autorité d’un Inquisiteur dont le rouge de la toge suffit à provoquer la terreur chez ceux qui croisent son chemin. Paraissant au sommet de la gloire, Venise a perdu un peu le goût de verser trop de sang. Elle a renversé la coque de ses navires d’armada pour en faire le toit de ses théâtres. Les troupes qui défilent victorieusement sont celles d’acteurs et non de généraux. Toute entière elle vit pour la musique et les arts. Aux fêtes, le masque, pour les femmes, est de rigueur. Se mêle donc à la transparence du jour suffisamment de l’opacité des visages et de la nuit pour se demander si le bonheur et le plaisir appartiennent davantage au régime nocturne que diurne. Dans ce contexte, l’arrivée de Zanipolo donne à Venise l’occasion de s’interroger sur sa propre identité. L’Église, peu habituée à voir deux âmes dans ce qui semble être un même corps, se perd en conjectures. Fruit issu d’un songe, d’un souvenir et du dernier souffle de deux hommes amoureux de la couleur, Zanipolo tient tout à la fois (et au-delà de son cadre libertin ) de la composition lyrique et picturale. Tantôt en clair-obscur, tantôt sous la lumière des reflets de plis baroques, il compose, par touches retenues, des scènes qui s’effacent rapidement devant les suivantes. Tout n’est dit qu’à mimots . Au reste, la véritable clé de ce roman est peut-être à trouver dans les détails de l’Histoire lorsqu’elle fait se croiser mythes, images et imaginaires. Souvenonsnous que la figure de ces jumeaux conjoints est liée à celle du bucentaure mythique, et dans le contexte de Venise, au navire appelé ainsi d’où chaque année depuis le douzième siècle le doge jette un anneau d’or dans la Lagune. On peut voir au Louvre cette scène représentée dans un grand tableau signé Francesco Guardi, l’auteur du rêve qui structure narrativement ce roman. Découvrirait-on par hasard au fond d’une huître un de ces anneaux symbolisant l’union de la République avec la mer, on serait alors tenté d’en faire le symbole d’autres unions: celle de l’Histoire avec le roman, et de ces deux hommes...

Referência(s)
Altmetric
PlumX