Wladimir Krysinski (1935–2020): Wladimir Krysinski : sa critique du roman, du théâtre, de la poésie et de la critique, et son utopie qui est aussi la nôtre
2020; Canadian Comparative Literature Association; Volume: 47; Issue: 4 Linguagem: Francês
10.1353/crc.2020.0046
ISSN1913-9659
Autores Tópico(s)Russian Literature and Bakhtin Studies
ResumoWladimir Krysinski (1935–2020)Wladimir Krysinski : sa critique du roman, du théâtre, de la poésie et de la critique, et son utopie qui est aussi la nôtre Jean Bessière Wladimir Krysinski nous a offert une œuvre très ample, qui porte essentiellement sur le roman dans ses perspectives internationales et critiques les plus larges et sur le théâtre, particulièrement à travers les études sur Pirandello. Cette entreprise est, en elle-même, ambitieuse : certainement dire le roman de Dostoïevski à Roa Bastos sans négliger les romanciers qui ont illustré les changements majeurs du genre ; sans doute lire Pirandello dans une perspective paradoxalement assertorique pour dessiner la complexité du lieu critique qu’occupe l’écrivain italien ; mais surtout et plus essentiellement, redessiner tout l’arrière-plan critique et théorique contemporain, qui a accompagné Wladimir Krysinski et qui reste définitoire de nos paradigmes dominants. En quelques notes, traçons les lignes de ce nouveau dessin. On peut reconnaître à celui-ci pour point de départ logique la relecture, par Wladimir Krysinski, du critique exemplairement pluraliste et totalisant, Bakhtine, du dialogisme que celui-ci défend, de son idéologie implicite, des manières dont il pense les idéologies. Le dialogisme [End Page 572] bute sur le pouvoir de celui qui le transcrit, l’auteur, et sur l’indissociable des divers « parleurs », qui dessinent moins une division dialoguée de la parole qu’une continuité paradoxale. L’idéologie, les idéologies sont moins des dominations qu’elles ne sont, au moins en littérature, les supports véhiculaires de subjectivités qui se heur-tent. Ainsi, les faits d’écrire et de raconter portent-ils, selon Wladimir Krysinski, des continuités paradoxales. Celles-ci valent selon l’œuvre, selon le monde que celle-ci construit, selon son contexte ; elles sont aussi comme le pas au-delà de l’œuvre, de son monde, de son contexte. Elles sont indissociables de la modernité, telle que Wladimir Krysinski la caractérise à partir d’une remarque d’Octavio Paz : elle est nos indéfinissables points d’histoire et de pensée, autant dire qu’elle est le voile d’une utopie qu’on tente d’inscrire dans ce temps, celui de l’histoire mais aussi celui de l’intensité de la recherche du présent. Le roman-la poésie n’est pas ici à exclure-serait ainsi, à l’époque de la modernité, la constante quête d’une pluralité cohésive sans esquisse d’une totalité et sans refus d’une organisation formelle, sémantique, d’une part, et, d’autre part, le dessin d’un temps autre dans ce temps. On vient ici aux sources lotmaniennes de la réflexion de Wladimir Krysinski : le monde d’une œuvre est celui de modélisations multiples et ainsi une modélisation unique, étrangère cependant à une tentation de totalisation-relisons ce que Wladimir Krysinski dit de Lukács ; le temps que porte la modélisation est l’autre temps du temps de la modernité. Des notions, des thèses, des pratiques littéraires, que privilégie la critique depuis les années 1960, doi-vent, en conséquence, être corrigées si on entend dire les paradoxes de la modernité et de l’œuvre littéraire, cet assemblement discursif en lui-même contradictoire. Ainsi, la fragmentation de l’œuvre, usuellement tenue pour le moyen de la libération de l’écriture, du roman, est-elle à placer sous le signe de l’entropie. Pour éviter une telle impasse de l’écriture et de la critique, il faut considérer la composition fragmentaire -une série de fragments est une composition-comme les présentations de luttes au sein du discours. Ces luttes, tantôt explicites, tantôt implicites, sont cohésives : elles ne défont pas l’assemblement que constitue l’œuvre. Il est un moyen calculé et dominant dans le roman du XXe siècle d’exposer ces luttes et cet assemblement paradoxal : l’ironie. Selon Wladimir Krysinski, celle-ci n’est ni l’ironie romantique, ni celle qui a souvent été caractérisée en rhétorique-le moyen de nier la position de...
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