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Une catastrophe hors norme d'origine météorologique le 2 octobre 2020 dans les montagnes des Alpes-Maritimes

2021; Physio-Géo; Issue: Volume 16 Linguagem: Francês

10.4000/physio-geo.12370

ISSN

1958-573X

Autores

Pierre Carrega, Nicolas Michelot,

Tópico(s)

Landslides and related hazards

Resumo

Les pluies exceptionnelles du 2 octobre 2020 qui ont concerné les montagnes des Alpes-Maritimes, dans le Sud-Est de la France, resteront marquées dans les annales statistiques et, particulièrement, dans l'esprit des habitants des hautes-vallées de la Vésubie et de la Roya, surtout par leurs conséquences catastrophiques. Le risque est ici décrit par l'articulation de trois composantes que sont l'aléa, la susceptibilité et la vulnérabilité.L'aléa, composante initiale constituée par les précipitations et les mécanismes qui les ont engendrées, est remarquable. En effet plusieurs facteurs se sont conjugués pour produire de très vigoureuses ascendances de l'air sur cette région : un cyclonisme particulièrement puissant pour la saison (une dynamique d'hiver en première partie d'automne associée à un puissant talweg très creusé), affectant de l'air instable en basses couches, air très riche en vapeur d'eau après son survol de la Méditerranée encore chaude en cette saison, et la rare coïncidence d'un très fort gradient de pression et ses isobares orientés sud-nord avec un relief pentu et élevé, persistant plus de 24 heures.À l'ouest du fleuve Var (Préalpes de Grasse), le flux de sud à sud-sud-ouest s'est heurté perpendiculairement aux premiers reliefs proches de la mer orientés ouest-est (1200-1800 m d'altitude), d'où de forts cumuls pluviométriques dépassant 200, voire 300 mm en 24 heures à 20-25 km du littoral, par effet de barrage orographique. À l'est du fleuve Var, la topographie orientée cette fois sud-nord, parallèlement au flux de basses couches, a conduit celui-ci loin vers l'intérieur, avec des vents tempétueux le forçant à se soulever progressivement mais avec puissance jusqu'à la ligne de crête du Mercantour (3000 m d'altitude). Les cumuls mesurés atteignent 513 mm en 24 heures à Saint-Martin-Vésubie et 663 mm (dont 336 mm en 6 heures) au lac des Mesches (bassin versant de la Roya) à 40 km du littoral, par effet de guidage.Autre originalité, les surfaces concernées sont très étendues : on estime à environ 2000 km2 la surface ayant reçu plus de 200 mm, occasionnant des lames d'eau de 50 à près de 100 millions de mètres cubes selon les bassins versants.Les périodes de retour de telles précipitations sont hors norme, en particulier pour Saint-Martin-Vésubie où les 7300 ans sont dépassées selon un ajustement avec la loi de GUMBEL, ou encore 486 à 5276 ans (en fonction du paramètre k) avec une distribution de Valeurs Extrêmes Généralisée (GEV) qui s'avère mieux adaptée. À Tende (bourg), la période de retour atteint 550 ans selon GEV (800 ans selon la loi de GUMBEL). Le poste de Breil-sur-Roya est moins affecté, avec une période de retour inférieure à centennale, les pluies les plus abondantes étant tombées en amont.Des volumes d'eau énormes ont pu s'infiltrer et ruisseler, dans des proportions et à des vitesses très variables selon les conditions rencontrées par les gouttes de pluie à la surface du sol, qui sont déterminées par la seconde composante du risque : la susceptibilité, potentiel de production de crues et de mouvements de terrain faisant suite à de fortes précipitations.Celle-ci a généré des phénomènes d'ampleur variable selon les bassins versants, en fonction de plusieurs paramètres : la superficie, la pédologie, la lithologie, le relief, en particulier les pentes, sans oublier le taux de couverture végétale. C'est la combinaison de ces paramètres qui a fait que la crue engendrée fut plus ou moins importante et rapide. En haute altitude les fortes pentes et des terrains plutôt imperméables et assez dénudés ont permis la genèse de ruissellements vigoureux entraînant une quantité innombrable de glissements de terrains et de ravinements sur les flancs des vallées. Ces derniers sont venus alimenter les rivières et torrents devenus furieux en matériaux solides de toutes dimensions, créant des flots boueux dévastateurs. Si les écoulements ont parfois sapé des pans entiers des berges, ils ont également contribué à combler localement le lit des rivières en l'exhaussant de plusieurs mètres à certains endroits.La combinaison de l'aléa et de la susceptibilité a occasionné un risque majeur au regard de la vulnérabilité des fonds de vallées. En effet, les enjeux y sont forts puisqu'elles concentrent des voies de communication et des populations résidant souvent le long des rivières, voire dans leurs lits majeurs par endroits. Les terrains alluviaux ou fluvioglaciaires, sans cohésion, ont été déblayés par ces crues avec les habitations et infrastructures qui s'y trouvaient. Le bilan humain et socio-économique est très lourd : près de 20 morts, des populations traumatisées, des dizaines de bâtiments et maisons totalement détruits ou rendus inhabitables, des paysages dévastés et métamorphosés, des dizaines de ponts et des kilomètres de routes rayés de la carte.En proposant une grille de lecture, l'exposé de l'articulation intra et inter composantes du risque explique que ces dégâts aient dépassé de loin ceux liés aux habituelles crues automnales méditerranéennes (I. BARRET et al., 1994), ainsi que ce qui pouvait être imaginable en référence à une mémoire collective séculaire. Malgré les vies humaines perdues et les dégâts matériels considérables, la catastrophe aurait pu être pire si, d'une part, les moyens de lutte et de prévention immédiate ne s'étaient aussi bien exprimés et si, d'autre part, il n'avait pas existé de culture du risque, dont le degré est séculairement plutôt élevé chez les populations de ces vallées montagnardes, par rapport aux citadins du littoral azuréen.

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