Un matin d'hiver par Philippe Vilain
2021; American Association of Teachers of French; Volume: 94; Issue: 4 Linguagem: Francês
10.1353/tfr.2021.0128
ISSN2329-7131
Autores Tópico(s)Linguistics and Discourse Analysis
ResumoReviewed by: Un matin d'hiver par Philippe Vilain Michel Gueldry Vilain, Philippe. Un matin d'hiver. Grasset, 2019. ISBN 978-2-246-81239-5. Pp. 144. L'expérience amoureuse bancale, l'autofiction et l'intertextualité dominent les dix précédents romans de Vilain. Cet ouvrage-ci affirme être basé sur le témoignage autobiographique d'une femme, mais Vilain joue aux "frontières indécises du réel et de la fiction" (9). Ce "roman vrai" (9) fort arrangé d'un amour dramatique est "un travail de recomposition et d'ensecrètement inhérent à celui du roman" (9). La narratrice parle à la première personne, sans se nommer. L'action commence en 2004, quinze ans déjà mais "pas si lointain" (12), quand les orages sont calmés. La narratrice alors trentenaire, professeure de littérature, est une coquille vide: indécise, célibataire atone, arrivée par hasard dans l'enseignement, elle aime médiocrement son métier. Sa vraie passion est Dan Peeters, Américain d'Atlanta transplanté à Paris depuis 22 ans, qui vit entre deux mondes puisque "[f]inalement, on n'est jamais celui qu'on voudrait être dans le regard des autres" (22). Leurs amours et le style du roman sont plats: dans "le film de notre première nuit", "[t]out se passait en silence. La lueur de la nuit nous éclairait" (24). La psychologie féminine est rudimentaire: "J'aurais voulu ne rien faire d'autre que l'attendre" (27). L'universitaire parle banalement: "les belles émotions qui me traversaient le cœur" (32), "avoir un enfant de l'amour", "ma grossesse comme […] une fête" (36). Et elle s'extasie de "la communauté silencieuse des femmes" (37). Pauvreté romanesque, misogynie tranquille ou, sans doute, ennui du romancier face au bonheur? Heureusement pour lui, l'enfant vient et casse le couple: "L'amour de Mary avait pris toute la place dans notre couple" (55). Le couple "heureux, solidaire et complice" (71) mais aussi lassé "du quotidien" manque d'"entretenir le feu de chaque jour" (74). Leurs rares conversations sont d'une pauvreté littéraire, émotionnelle et psychologique effarante. Or un mauvais matin, supposé aller à Atlanta pour un congrès de plus (l'épouse n'est pas méfiante…), Dan disparaît après un vol inattendu vers Houston. Ici, Vilain, roublard, s'anime et brille car il aime écrire les amours difficiles et contrariées, et non le bonheur. Elle visite Houston puis Atlanta. Elle s'assoit sur un banc de jeunesse de son mari, car "j'étais sûre que c'était dans son adolescence qu'on le retrouverait" (98). Revenue à Paris, elle se languit dix ans durant: "l'insolente immobilité des choses me parlait de Dan, leur permanence morte disait l'éternité de mon attente" (99). La petite Mary est morose. Vilain prospère dans la description de ces tourments: "Les disparus ne quittent pas nos vies, ils l'envahissent par leur absence" (109); l'absence est "cette torture du temps […] un sentiment d'inachevé" (111) et elle vit "une dérive sans mémoire, ni origine, ni but" (123). Dan a-t-il abandonné sa famille? Est-il mort? Reviendra-t-il? La narratrice sortira-t-elle de son tombeau du souvenir? Qui lira, saura… Chez Vilain, l'inspiration littéraire a besoin du drame, le malheur est psychologiquement fécond. Restez vigilant.e car il disperse quelques clefs de l'histoire: "La plupart des gens n'écoutent pas" (11); les collègues et autrui demeurent "des figurants" (15) de leur propre vie; et tout disparaît "naturellement avec le temps" (135). [End Page 248] Michel Gueldry Middlebury Institute of International Studies (CA) Copyright © 2021 American Association of Teachers of French
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