Artigo Revisado por pares

Médée, mémoire du théâtre: une poétique du mal (1556–1713) by Aurélie Chevanelle-Couture

2021; American Association of Teachers of French; Volume: 94; Issue: 4 Linguagem: Francês

10.1353/tfr.2021.0149

ISSN

2329-7131

Autores

Sonia Assa,

Tópico(s)

French Literature and Criticism

Resumo

Reviewed by: Médée, mémoire du théâtre: une poétique du mal (1556–1713) by Aurélie Chevanelle-Couture Sonia Assa Chevanelle-Couture, Aurélie. Médée, mémoire du théâtre: une poétique du mal (1556–1713). Droz, 2019. ISBN 978-2-600-05983-1. Pp. 199. Cet ouvrage soutient la thèse fascinante que Médée, c'est l'être du théâtre, et que par conséquent, sans Médée, le théâtre n'aurait pas eu lieu. Chevanelle-Couture voit [End Page 278] entre ce personnage criminel, surnaturel, et le dispositif poétique de la dramaturgie moderne une relation privilégiée. Par sa pratique du maléfice, Médée offre une métaphore de l'illusion dramatique et de son inquiétant pouvoir de fascination. Elle révèle la face maudite du théâtre, condamné par Platon, par les Pères de l'Église, par les réformistes, puis par les moralistes du Grand Siècle. Selon Chevanelle-Couture, le théâtre jouerait sur le plan de l'autoréférentialité en convoquant la magicienne: il se rappellerait qu'il jaillit d'une brèche dans les fondations de la polis, qu'il est issu de la terra incognita des pulsions réprimées. Petite-fille du Soleil, Médée entretient un contact étroit avec les artifices qui constituent toute représentation. Son caractère inscrit les traits originels d'un art né sous le signe de la transgression. Dans La naissance de la tragédie, Nietzsche avait déjà fait l'association entre Dionysos et les origines du théâtre. Or Médée appartient à la lignée dionysiaque. Elle partage avec ce dieu du désordre et de l'excès le pouvoir de faire trembler. Euripide, le premier, attribua à la femme de Jason un infanticide devenu élément essentiel de sa figure mythique et vecteur principal de sa relation au mal. Dans sa tragédie, il considère le mariage sous un éclairage sauvage. Il se sert des origines barbares de Médée pour en faire à la fois l'archétype de la femme mariée et l'archétype de la sorcière. D'autant plus terrifiante qu'elle connaît parfaitement son mari et toute sa famille, Médée se conduit comme un mâle. Elle prend l'initiative, elle ne supporte pas l'affront, elle se venge hideusement, elle quitte son foyer. À la fin de la pièce, elle apparaît sur les hauteurs de la scène, sur le skênê, là où, traditionnellement, ce sont les dieux qui apparaissaient. Car, à travers ses sanglants forfaits, elle opère une violente remise en question de l'ordre collectif, portant au jour le visage caché, irrationnel et corrompu, des normes de la cité. Les quatre pièces de théâtre dont il est question sont d'abord celle de Jean Bastier de La Péruse (1556), première tragédie à l'antique publiée en français. La femme de Jason s'y impose comme figure matricielle du théâtre humaniste, qui devient, par elle, l'espace du déchaînement passionnel. Puis vint la Médée de Corneille (1635), acte de naissance de la tragédie classique d'après de nombreux critiques. Canalisée vers le dépassement de soi, la passion effrénée de la femme trahie devient volonté surhumaine, action victorieuse. La troisième, La conquête de la Toison d'or, de Corneille (1660), est un opéra, une Médée des machines. Dans la dernière, d'Hilaire de Longepierre (1694), la magicienne n'apparaît plus que comme victime de l'amour, et sa vengeance comme une manifestation du destin. Argumentant avec méthode et passion, ChevanelleCouture souligne la troublante coïncidence entre les apparitions de la barbare infanticide et les moments charnières de l'histoire du théâtre de la première modernité. [End Page 279] Sonia Assa SUNY Old Westbury (NY) Copyright © 2021 American Association of Teachers of French

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