L'engagement Financier des Pays Depositaires: Un Element Cle de la Reparation
2021; UCLA James S. Coleman African Studies Center; Volume: 54; Issue: 3 Linguagem: Francês
10.1162/afar_a_00591
ISSN1937-2108
Autores Tópico(s)African Studies and Ethnography
ResumoLa problématique de la restitution des biens culturels africains s'avère complexesiontient compte des enjeux que celle-ci revêt aussi bien pour les pays dépositaires que pour les pays d'origine. Dans la polémique provoquée par la publication du rapport de Felwine Sarr et Bénédicte Savoy,1 et où on voit certains musées occidentaux s'attribuer le titre de musées universels ayant vocation de Ṣmieuxṣ présenter le patrimoine culturel et l'histoire des peuples, l'Afrique pourrait surprendre, elle qui n'a jamais été consultée. L'exemple de prêts d'objets entre musées occidentaux ou d'expositions itinérantes en Occident comprenant parfois des œuvres africaines, sans obligation quelconque vis-à-vis des états propriétaires, est symptomatique du sort peu enviable du patrimoine culturel africain. L'exposition internationale itinérante Ṣles Maîtres de la sculpture de Côte d'Ivoireṣ, qui a sillonné quatre pays européens (Suisse, Allemagne, Pays-Bas, France) en 2014 et 2015, a révélé que sur les trois cent trente objets à 80% d'origine ivoirienne prêtés pour la circonstance par cinquante musées européens et américains2 (sans compter les collections privées), seuls douze spécimens ethnographiques sortis de la collection du Musée des Civilisations, étaient sous contrôle de l'état ivoirien. Même si ces collections publiques bénéficient du statut juridique d'inaliénabilité et d'insaisissabilité, le fait que, sortis de leur contexte originel, elles revêtent d'autres fonctions, nous amène à nous interroger sur leur identité réelle. A qui appartiennent-elles en définitive? C'est en cela que le discours du Président Emmanuel Macron à Ouagadougou en novembre 2017 sur le retour des biens culturels africains à leurs pays d'origine prend tout son sens. En effet, l'euphorie avec laquelle ce discours a été accueilli, de même que la Déclaration politique de décembre 2018 à Cotonou des Chefs d'État et de Gouvernement de la CEDEAO3 qui s'en est suivie sur le même objet, prouve bien que la question des restitutions est une question centrale. En atteste les dispositions et mesures prises depuis lors au niveau de chaque état pour répondre à la volonté commune de réappropriation de l'identité culturelle africaine et de réparation des mémoires spoliées.Les questions que soulèvent Amanda Maples avec le dossier La restitution africaine dans un contexte nord-américain: un débat, un résumé et un défi revêtent un caractère hautement symbolique pour l'Afrique. Et pour cause, non seulement les musées nord-américains se distinguent particulièrement par un mea-culpa quand ils parlent de leur complicité dans la spoliation des peuples, mais pour la première fois, avec eux, la question de la réparation est abordée de façon claire et pertinente. C'est pourquoi, tout en partageant le point de vue de l'ensemble des contributeurs du texte4 de Dr Maples et singulièrement de Daouda Keïta du Musée national du Mali qui soutient que Ṣle processus de restitution du patrimoine culturel africain ne sera réellement efficace que lorsque les partenaires travailleront ensemble pour développer un programme qui tienne compte des spécificités de chaque paysṣ, je vais encore plus loin en militant entre autre, pour un engagement financier des pays du nord, détenteurs d'œuvres africaines.En effet, la question du manque de moyens des états africains est une réalité connue de tous, qui n'est pas sans conséquence pour le secteur de la culture dont relèvent les musées. Les activités généralement tributaires d'un budget souvent insuffisant, ne créent pas l'émulation tant recherchée, montrant ainsi une dissonance entre les programmes de ces institutions patrimoniales et là où se trouvent véritablement les intérêts des publics ciblés.Il faut aussi souligner que la question qui revient généralement dans les débats quand on parle des musées africains dans le contexte des restitutions, est bien celle de leur capacité à assurer au niveau infrastructurel, sécuritaire, conservatoire, etc. L'engagement financier pourrait donc intervenir à ce niveau par la construction d'infrastructures de stature internationale et aux normes, ceci, pour fidéliser les publics locaux qui boudent les musées du continent au profit de ceux des pays occidentaux considérés comme de Ṣvraisṣ musées.La question de la restitution des biens culturels faisant appel au droit, les musées nord-américains et africains gagneraient à privilégier la voie de la coopération franche et étroite. Mes propositions vont dans le sens d'une cogérance ou d'une co-exploitation desdits biens, de sorte que les musées occidentaux qui les détiennent, puissent faire bénéficier aux pays d'origine - et d'un commun accord - des retombées desdits biens exploités. Comme exemple concret, je propose l'institution de partenariats, d'accords, de conventions donnant mandat aux pays nord-américains pour un dépôt locatif à durée déterminée, le temps que les infrastructures nationales d'accueil dans le pays [Africain] se mettent en place.L'engagement financier, enfin pourrait intervenir dans le cas d'une sensibilisation au niveau national, des masses et de tous les acteurs concernés par la chose culturelle. Un exemple typique d'un projet novateur qui piétine, est celui de la Collection fantôme. Projet culturel, pédagogique et communautaire qui traite du trafic illicite des biens culturels et de la responsabilité des musées, la Collection fantôme qui a commencé en 2017 en Côte d'Ivoire sur des chapeaux de roue, connaît un essoufflement dû au manque de moyens financiers par l'Etat et les partenaires locaux. Pour rappel, la Collection fantôme est un ensemble de réponses artistiques aux questionnements que soulève le phénomène du trafic illicite des biens culturels dont le Musée des Civilisations de Côte d'Ivoire fut victime pendant la crise postélectorale 2010. La collection fantôme et le Manifeste qui l'accompagne, visent non seulement à préparer les mentalités au retour des biens originaux gardés à l'extérieur, mais aussi à créer chez les communautés des réflexes dans le sens de la sauvegarde de l'héritage culturel. Après un lancement à Abidjan et à Paris et un premier partenariat avec le Service des arts visuels d'Evry en France qui choisit de faire du projet sa thématique de travail de l'année 2017–2018, les porteurs ivoiriens du projet ont poursuivi la vulgarisation du concept avec les écoles d'arts de Côte d'Ivoire. La thématique nationale de travail fut ṢNon à la culture du Videṣ tandis que celle choisie par Evry était intitulée ṢCeux qui nous regardentṣ. Les travaux des élèves ivoiriens et français ont été exposés au Musée des Civilisations de Côte d'Ivoire en décembre 2018. Ainsi, ce Projet s'inscrit dans des activités culturelles (artistiques, éducatives, pédagogiques, récréatives) et universitaires liées à la recherche.Le défi pour le Musée des Civilisations, la Fondation Tapa et l'Art(san)frique, les organisateurs, au regard de l'histoire culturelle mouvementée des peuples africains, est de réussir la dynamique de cohésion culturelle et artistique postcoloniale pour prendre une part prépondérante dans les politiques d'action culturelle et mener à la fois un travail de création et de sensibilisation autour de la préservation du patrimoine culturel pillé et/ou en voie de disparition. La réussite du projet au niveau communautaire, a requis la participation des trente-deux directeurs régionaux de la culture et la collaboration effective des préfets de régions, des conseillers régionaux, des maires, des autorités coutumières, de la police nationale, de la douane, etc. Cinq mille signatures ont été déjà recueillies en attendant la grand-messe de l'exposition nationale prévue après le Covid-19, si les moyens sont mobilisés.En conclusion, je salue l'initiative d'Amanda M. Maples qui, à travers la tribune offerte par Dialogue de African Arts, donne la parole aux professionnels africains du secteur des musées pour un enrichissement mutuel en vue d'aboutir à une issue heureuse de la question des restitutions. L'Afrique, tout comme l'Amérique du nord, ont intérêt à privilégier la voie de la coopération franche et consensuelle qui proscrit ipso facto le rapatriement systématique de tous les objets d'origine africaine. Je rejoins Amadou-Mahtar M'Bow cité par Sarr et Savoy, quand il demande que seuls les trésors artistiques qui représentaient le mieux les sociétés africaines, qui étaient les plus vitales, soient restitués. Ne pas accéder à cette demande légitime partagée par les peuples africains spoliés, dans le cas des pays nord-américains ou européens dépositaires de ces trésors, c'est se résoudre à vivre continuellement avec une mauvaise conscience dans un monde qui aspire de plus en plus à la paix et à la cohésion sociale … t raciale.Les autres points énumérés dans le projet de plan d'action me paraissent tout aussi pertinents et méritent d'être traités par d'autres contributeurs pour réussir le pari nord-américain, à savoir accomplir la grande quantité de travail commun à travers les réparations et les restitutions.
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