Rumeurs d'Amérique par Alain Mabanckou
2021; American Association of Teachers of French; Volume: 95; Issue: 1 Linguagem: Francês
10.1353/tfr.2021.0253
ISSN2329-7131
Autores Tópico(s)French Literature and Criticism
ResumoReviewed by: Rumeurs d'Amérique par Alain Mabanckou Denis R. Pra Mabanckou, Alain. Rumeurs d'Amérique. Plon, 2020. ISBN 978-2-259-27856-0. Pp. 250. Après quinze années passées aux États-Unis, l'auteur de Verre cassé (Prix des Cinq Continents de la Francophonie, 2005) et de Mémoires de porc-épic (Prix Renaudot, 2006) analyse son expérience américaine dans un essai autobiographique. Si les premiers chapitres relatent ses habitudes d'écriture (cahier à spirale, rituel sur son balcon ou des cafés), le lecteur est vite plongé dans le quotidien d'un exilé africain. Mabanckou s'interroge sur la place d'un Congolais fortement attaché à la France dans la société afro-américaine. Il explique qu'à Inglewood, un quartier noir de Los Angeles, il est perçu comme "nègre bourgeois" (25). Sur Mid-Wilshire, il est invectivé par un clochard noir qu'il n'a pas défendu; son "frère" réclamait de quoi manger dans une station-service. Mais c'est dans le Michigan, lorsqu'il fréquentait la belle Afro-Américaine Tayrin, que le choc culturel fut le plus cruel. Présenté au père de sa dulcinée, il entendit: "Non seulement ils nous ont vendus, mais en plus ils veulent épouser nos filles!" (222). Ses lignes sur son expérience d'enseignant sont également captivantes. Mabanckou rappelle que sa "conception de la francophonie va au-delà de la sphère géographique, et exclut le critère de la colonisation" (65). Il cite en exemple son amie danoise, l'écrivaine Pia Petersen, qui écrit et publie en français. Mabanckou dresse aussi un panthéon de ses maîtres à penser de la littérature afro-américaine. Le premier est sans conteste James Baldwin pour lequel il a écrit Lettre à Jimmy (2007). "On attendait d'un auteur de couleur qu'il traite de la cause noire […] Baldwin prit le risque de s'insurger contre cette littérature de commande sociale" (114). Mais Mabanckou cite aussi Richard Wright, Langston Hughes, Zora Neale Hurston, Toni Morrison et Maya Angelou. Les idoles de l'écrivain comprennent en outre Mohamed Ali, Malcom X et Martin Luther King. Il n'oublie pas non plus de mettre en avant des personnages moins connus comme Biddy Manson. Ancienne esclave établie à Los Angeles, elle fonda "une école élémentaire pour lutter contre l'analphabétisme des Africains-Américains" (53). Fidèle à son habitude, Mabanckou ponctue le récit d'expressions pittoresques. Pour le décourager d'entrer en politique [End Page 254] dans son pays d'origine, un ami lui rappelle: "n'écoute pas ces moustiques qui viennent te chanter aux oreilles que le peuple te veut" (199). On retrouve aussi son goût pour les expressions idiomatiques. Lorsqu'il se fait flasher à un feu rouge, il reconnaît: "je venais d'être pris la main dans le sac" (213). Il en crée également: "ce n'est pas l'habit qui fait le sapeur, c'est sa touche personnelle" (179). Car le livre évoque aussi la mode congolaise, la sape, dont Mabanckou, illustre adepte, décortique la signification. "Le sapeur, tout comme l'écrivain […] exalte les valeurs de la négritude" (184). Il évoque aussi sa répulsion pour Halloween (106), son horreur des ponts "habités par des esprits maléfiques" (98) ou ce que représente une maison hantée pour les Congolais. Mabanckou signe incontestablement un ouvrage personnel sur son expérience américaine. Et comme il le signale en épigraphe: "chacun a son Amérique à soi". Denis R. Pra Los Angeles Pierce College (CA) Copyright © 2021 American Association of Teachers of French
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