Parias par Beyrouk
2021; American Association of Teachers of French; Volume: 95; Issue: 2 Linguagem: Francês
10.1353/tfr.2021.0319
ISSN2329-7131
Autores Tópico(s)Language, Linguistics, Cultural Analysis
ResumoReviewed by: Parias par Beyrouk Vivan Steemers Beyrouk. Parias. Sabine Wespieser, 2021. ISBN 978-2-84805-386-8. Pp. 184. Dans une société aux confins du désert où l'existence des nomades est menacée, deux voix narratives distinctes, celle d'un père—issu d'une tribu de bédouins—et celle de son fils, nous font découvrir cette histoire fascinante. Dans un long épanchement qu'il adresse depuis une cellule sordide à sa femme disparue, le père commence par relater son passé. Avec nostalgie, il évoque leur première rencontre lorsque, jeune étudiant, il se réfugia chez elle pour échapper aux bombes lacrymogènes lors d'une manifestation. Ce jeune homme, a-t-il été incarcéré pour ses convictions révolutionnaires? Et quelles sont les circonstances de la disparition de son amoureuse? Au fil des chapitres, un drame est suggéré. Le père, professant que la vie ne commence qu'avec la folie et la passion, recrée tout un monde pour combler les désirs de son amoureuse. Découvrant qu'elle abhorrait la pauvreté dans laquelle elle avait grandi, il lui cacha ses véritables origines de bédouin, sa vie de nomade dans le désert, son "univers poussiéreux" (16). Il reconnaît: "J'étais prêt à mentir pour t'avoir, mais aussi à arpenter le Sahara tout seul, sans eau, à traverser la mer, sans bateau, à monter jusqu'au ciel sur le dos d'un djinn" (17). Il n'osa rompre l'enchantement pour lui avouer les errances heureuses de son enfance dans la quiétude du Sahara. De même, dans sa cellule il ne veut que se souvenir des instants de joie et effacer de sa mémoire tout moment de souffrance, incapable même de faire face à son fils qui désire lui rendre visite en prison. C'est grâce au récit naïf—et lui aussi lacunaire—de ce fils que, progressivement, le lecteur réussit à deviner le drame qui eut lieu. Après la disparition de ses parents, le jeune garçon sembla d'abord refaire sa vie dans la promiscuité du quartier pauvre d'une ville. Accueilli par un couple bienveillant, il parcourut les rues de la cité en compagnie d'une bande d'enfants, se livrant à la petite délinquance. Et pour rendre la vie supportable, il se réinventa—comme son géniteur—un monde imaginaire au sein de sa famille, c'est-à-dire ses parents et sa sœur Malika. L'enfant nous relate également la nuit où "ça" arriva, sans pourtant nommer explicitement la tragédie qui fit basculer sa vie. Néanmoins, ces fragments et indices permettent au lecteur de reconstituer le drame qui a détruit la famille: l'amour passionnel et aveuglant du père a abouti à sa folie et à la mort de sa femme. Le roman brosse le portrait poignant d'un bédouin-poète inapte à vivre dans le monde citadin matérialiste de sa bien-aimée. Sans référence explicite à son pays natal dans le roman, Beyrouk évoque la disparition imminente de la communauté mauritanienne traditionnelle. Ces bédouins attirés par les feux insidieux de la ville ou contraints à rejoindre un milieu urbain hostile ont délaissé leurs pâturages et leurs terres nourrissantes pour le "monstre sans tête" du capitalisme, dont "le pouls battait au rythme d'incompréhensibles chiffres affichés sur des écrans fluorescents" (127). Ce n'est pas ce monstre-là qui sauvera les parias. [End Page 255] Vivan Steemers Western Michigan University Copyright © 2021 American Association of Teachers of French
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