Pourquoi, comment, et patati et patata… On devient auteur pour enfants…
1998; Issue: 32 Linguagem: Francês
10.35562/canalpsy.2231
ISSN2777-2055
Autores Tópico(s)Cultural Insights and Digital Impacts
ResumoN Les contesJe n'ai pas trop envie de savoir pourquoi j'écris des histoires pour enfants.J'aime parfois obéir à cette bizarre impulsion de l'écriture, où se mêlent doute, souffrance et plaisir.Mais puisqu'on me demande si souvent comment j'en suis arrivée à pratiquer cette innocente occupation, je sais pointer quelques moments de ma vie.Sont-ils déterminants dans mon écriture ?Pendant la guerre, confiée quelque temps par mes parents à un « grand-père » inconnu, je savourai les histoires sur mesure qu'il inventait pour me rassurer.Elles pansaient si bien la blessure de l'absence que je n'ai jamais oublié la jubilation et la paix qu'elles m'apportaient.Plus tard, mes dix-sept ans furent vécus sans télé, sans contrainte autre que scolaire, avec les copains, dans la rue.Cette pure intensité de la joie et des chagrins, cette saveur de la liberté, je ne les ai jamais retrouvés dans ma vie d'adulte où tout se brouille et se complique.Auteur pour enfant, je me sens un peu chercheur d'or, en quête de pépites : quelque chose d'enfoui, de primitif, de léger, de fort, d'éblouissant.J'ajouterai que la littérature pour enfants est une littérature dynamique, où les héros s'emballent, flottent, luttent, courent le monde.C'est le règne des désirs assouvis.C'est une bonne thérapie.Ca vous rend, le temps d'un récit, innocent, joyeux et cruel...A priori, en écrivant, je n'ai pas de projet, d'intention.Je ne désire transmettre ni connaissances, ni message.Je ne les refuse pas, je ne les recherche pas non plus.Les histoires m'échappent.Un sentiment éprouvé, une sensation, un lieu, un mot dans un livre, et hop, c'est l'aiguillon, me voilà partie à l'aventure sans trop savoir où je vais.Je sais seulement qu'une fois de plus, je vais écrire pour des lecteurs de moins de 12 ans, parce que j'ai détesté mon adolescence.Et c'est tout.Pourtant, en écrivant, je ne suis pas libre.Il y a toujours en moi la petite fille que j'ai été, qui me contrôle, qui retient ma pensée : elle est mon gendarme.Comment la définir ?D'abord, pendant longtemps, elle a refusé de lire.Les livres, pour elle, étaient dangereux.Tous ces mots sans visage, quand on les déchiffrait, ils risquaient de faire mal, de faire peur, de réveiller les angoisses.(Beaucoup de mauvais lecteurs sont en réalité des enfants qui ont peur.Voilà pourquoi l'adulte peut jouer un rôle fondamental en accompagnant les enfants dans l'obscure forêt des mots.)En tout cas, la petite fille que j'ai été me force à écrire très simplement, elle me crie sans cesse à l'oreille ses difficultés de lecture.Elle me supplie de tenir ses angoisses à distance, ce qui m'amène souvent à privilégier l'humour.Elle m'interdit d'aborder les sujets douloureux de front, et quand j'en ai envie, elle me paralyse de son regard brûlant.
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