L'homme qui marche par Jean-Paul Delfino
2022; American Association of Teachers of French; Volume: 95; Issue: 4 Linguagem: Francês
10.1353/tfr.2022.0092
ISSN2329-7131
Autores Tópico(s)Psychoanalysis and Psychopathology Research
ResumoReviewed by: L'homme qui marche par Jean-Paul Delfino Didier Bertrand Delfino, Jean-Paul. L'homme qui marche. Héloïse d'Ormesson, 2021. ISBN 978-2-35087-755-6. Pp. 268. Théophraste Sentiero est un homme banal qui mène une vie médiocre avec Cécile, son épouse aigre qui le trompe avec un ami, ainsi qu'avec ses deux enfants qu'il adore, mais à qui il demeure tout à fait indifférent. Léonide, sa belle-mère qui le déteste des yeux, parce qu'elle ne parle plus depuis longtemps, se contente de s'exprimer par "borborygmes incohérents" (13). Bref, c'est un homme sans histoire ni envergure mais honnête, puisqu'il parvient à gagner sa vie et à subvenir, bon an mal an, aux besoins de sa famille: "L'univers regorgeait de Théophraste Sentiero" (23). Or, tout change pour lui lors d'un repas de Noël en famille: "Quant à vous dire comment tout cela a commencé, c'est une autre paire de manches", nous prévient le narrateur en première ligne de ce roman. Lors de ce repas familial, il se sent pris du besoin irrépressible de bouger. Ses jambes tressaillent sans arrêt—au grand dam de Cécile. Le médecin consulté, il s'avère que Théo souffre de "tremblement familial", une condition intraitable causée par un gène qui apparaît sur le chromosome 3. Seule solution viable: marcher. "Obéissant à l'injonction, les deux pieds se mirent en mouvement, dociles, rassurants" (72). Alors commence un vagabondage autour de Paris auquel les lecteurs sont conviés: "Il vivait à Paris et Paris, c'était connu, était la plus belle ville du monde" (47). Cependant, au "Joyeux Luron", un café que Théo fréquente, "cette ultime poche de résistance qui survivait malgré la rapacité des franchises ayant colonisé Saint-Michel et le Quartier latin" (38), force est de constater, parmi les amis de Théo, que Paris change, mais pas en mieux. "Je vais oublier que Paris n'est plus une ville à ma main, que c'est devenu un promenoir à touristes, un ghetto pour bobos qui croient toujours tout savoir sur tout", s'exclame Madame Jouve, la tenancière du "Joyeux-Lu" (42) en fermant son établissement pour quitter Paris en faveur de son Alsace natale. Tel un surréaliste en quête d'inconnu, Théo trouve l'amour sur le trottoir opposé au Pont-Neuf, et cette image de rêve ne le quittera plus. Il n'agit pas sur ses impulsions, se contente de regarder la jolie femme passer, mais le souvenir de cette dernière le hante. De Vaugirard à la rue du Cherche-Midi ou au Boul' Mich', ce "paysan de Paris" rencontre aussi la Grande Gisèle, Flingot le Prudent, la Gigne, Petit Pois, Félix Passetemps, tout un petit monde interlope qui disparaît de Paris. Le hasard fait que Théo, pour se protéger de la pluie, entre dans une librairie, fermée elle aussi. C'est le propriétaire de l'établissement, presque aveugle, qui apprend à notre personnage sympathique à se méfier des apparences et à écouter ses pieds puisqu'ils sont si pressés de l'emmener quelque part. Ce roman est peuplé de personnages hauts en couleur qui apparaissent au hasard des déplacements de Théo comme des figures de cartes à jouer. Il s'agit d'une ode à un Paris évanescent qui enchantera tous ceux qui voudront bien tenter leur chance. [End Page 243] Didier Bertrand Indiana University Purdue University Indianapolis Copyright © 2022 American Association of Teachers of French
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