Le Parti Populaire Français dans les Alpes-Maritimes (1936-1939)
1986; Modern and Contemporary Mediterranean Center (CMMC); Volume: 33; Issue: 1 Linguagem: Francês
10.3406/camed.1986.988
ISSN1773-0201
Autores Tópico(s)Historical Studies and Socio-cultural Analysis
ResumoDans son étude consacrée à Jacques Doriot, Jean-Paul Brunet regrettait que l'histoire du Parti Populaire Français dans les Alpes-Maritimes demeurât à peu près inconnue 1 .Or, d'après les quelques indications générales dont on dispose, le parti fondé le 28 juin 1936 à Saint-Denis avait connu un succès notable dans le Sud-Est, particulièrement sur la Côte d'Azur.Il est vrai que, jusqu'à une date récente, il se révélait très difficile de retracer l'histoire locale du PPF, faute d'une documentation suffisante.La découverte des archives conservées par le cabinet du préfet des Alpes-Maritimes durant la période de l'entre-deux-guerres permet heureusement de combler cette lacune.À la presse et aux souvenirs de Victor Barthélémy 2 qui fournissaient l'essentiel des renseignements disponibles jusqu'à maintenant, s'ajoutent désormais de nombreux rapports de police, ainsi que la transcription des discours et documents de travail présentés lors des congrès fédéraux.La naissance du Parti Populaire Français 2 D'emblée les Alpes-Maritimes se distinguèrent en formant, non pas une seule fédération du PPF comme c'était le cas dans les autres départements, mais deux fédérations.Celle de Nice, qui était désignée par la lettre A, correspondait à l'ancien comté et englobait la rive gauche du Var ; celle de Cannes-Grasse, fédération B, s'étendait sur la rive droite.Il semble que les fondateurs du parti aient justifié cette coupure insolite par les différences de mentalités et de traditions opposant les deux régions réunies lors de la constitution des Alpes-Maritimes en 1860.Le député-maire de Nice, Jean Médecin, qui, dans les débuts, patronna l'implantation du PPF et contrôlait une partie de la vie politique dans l'ancien comté, avait-il demandé cette dichotomie pour conserver son influence ?L'hypothèse n'est pas invraisemblable, d'autant que, Le Parti populaire français dans les Alpes-Maritimes (1936-1939) Cahiers de la Méditerranée, 100 | 2020 1 selon le témoignage de Victor Barthélémy, Jean Médecin s'était trouvé présent à Saint-Denis quand avaient été jetées les bases du nouveau parti. 3L'appui donné au PPF naissant par Jean Médecin et par le grand quotidien conservateur L'Éclaireur de Nice traduisait le trouble de la droite française, effrayée par la victoire du Front Populaire, les progrès spectaculaires du Parti communiste, les grandes grèves de l'été 1936.Partout, notamment dans la grande presse modérée de Paris, l'entreprise de Jacques Doriot éveillait la sympathie d'une partie de l'opinion qui attendait une réaction contre la puissance grandissante de la gauche.Dans les Alpes-Maritimes, le Front Populaire avait ébranlé les positions, jusque-là dominantes, de la droite et obtenu trois sièges, ceux du radical Édouard Jonas à Grasse, des communistes Roger Pourtalet à Cannes et Virgile Barel à Nice.Aussi Jean Médecin, chef de file des modérés, aida-t-il de tout son poids le jeune parti.Il n'adhéra pas lui-même, mais plaça à la tête de la fédération A un de ses amis, Viers, président du syndicat de la petite et moyenne hôtellerie.Il encouragea son entourage politique à rejoindre le PPF.De nombreux employés municipaux, dont Francis Palméro, et le secrétaire général de la mairie, François Sattegna, suivirent ce conseil.Outre Sattegna, le bureau fédéral comprenait les avocats Georges Bensa et Jacques Rouffet, le docteur Faraut, les hommes d'affaires Paul Letainturier et Paul Camous.Avant que ne fût installé un local définitif 1 rue Voltaire, à Nice, la permanence provisoire du parti se trouvait dans un restaurant de la vieille ville, le Caneton.Victor Barthélémy, venu s'inscrire au PPF, peint en ces termes l'ambiance qui régnait en ce lieu et les débuts de l'action de propagande du parti :Les salles du Caneton étaient pleines d'une foule d'adhérents, de sympathisants et de curieux.J'y remarquais beaucoup de jeunes, et cela n'était pas fait pour me déplaire.Ces jeunes collaient les affiches du parti qui, bientôt, recouvrirent les affiches communistes, ils vendaient L'Émancipation Nationale à la criée dans les principales artères de la ville 3 . 4La première grande réunion du Parti Populaire Français eut lieu le 12 juillet 1936 à Nice, au Palais des Fêtes.La présence de Doriot fut annoncée à plusieurs reprises dans la presse.Il était à prévoir que la venue du « renégat » du Parti communiste susciterait une vigoureuse contre-manifestation de ses anciens amis.Mais, le 11 juillet, le ministre de l'Intérieur, Roger Salengro, réunit autour de lui, à Paris, Jean Médecin et les trois élus de gauche, Jonas, Pourtalet et Barel.Ce dernier s'engagea à ne pas troubler le meeting du 12, promesse dont le journal conservateur L'Éclaireur assurait qu'elle serait tenue car elle émanait d'un parti pratiquant « une discipline quasi-militaire » 4 .Peu après, Doriot fit connaître qu'il renonçait à se rendre à Nice, car il jugeait qu'il n'était pas encore temps d'étendre la propagande du PPF en province.Il était difficile de ne pas interpréter cet ajournement du voyage de Doriot comme le prix payé pour obtenir du Parti communiste une attitude conciliante.Dans ces conditions, les Niçois, sûrs de ne pas risquer quelque mauvais coup reçu dans une bagarre de rue, se rendirent nombreux à la réunion du 12 juillet ; la presse de droite estima à 15 000 le nombre des personnes présentes.Dans son compte rendu, L'Éclaireur définit parfaitement la signification du meeting : une réaction contre la récente victoire de la gauche :Il s'agissait de se retrouver entre vrais Français, de répondre à la masse par la masse de milliers de présences, il s'agissait de voir les drapeaux tricolores régner sans la promiscuité du drapeau rouge qu'on leur impose partout ; il s'agissait d'entendre La Marseillaise s'élever pure, et non pas chantée par bribes et souillée par la juxtaposition de l'Internationale 5 .
Referência(s)