De la bombe par Clarisse Gorokhoff
2018; American Association of Teachers of French; Volume: 91; Issue: 4 Linguagem: Francês
10.1353/tfr.2018.0290
ISSN2329-7131
Autores Tópico(s)Psychoanalysis and Psychopathology Research
Resumodes corbeaux” (le titre de son roman qui date de 2011). Au lieu d’écrire “un beau roman noir” (18), il encourage son lecteur à tenir un journal au quotidien comme il le fait lui-même: “Tout le monde devrait s’amuser à jeter quelques mots, sans trop réfléchir ni avoir peur, sur la page blanche de chaque jour”(15–16). Mais,“la précieuse solitude”(34) de René ne peut durer: un ancien prisonnier, Kader (ou Derka en verlan) s’évade et demande son aide. Leur première rencontre dans la petite ville de Manosque est à la fois drôle et sinistre: “Plus je l’écoutais, plus je prenais conscience de l’histoire de dingue dans laquelle je venais de poser un pied, de la folie sans limites où il était en train de m’entraîner” (41–42). À la suite de cette rencontre, René est plongé dans le monde des voyous alors même que “cette histoire monstrueuse n’était pas la mienne” (115). Le printemps n’a plus son même éclat, et sa fréquentation des criminels lui fait prendre conscience que nous possédons tous un monstre à l’intérieur de nous-mêmes. Kader est en effet “un homme que la vie avait rendu monstrueux” (117). Son côté tendre se révèle à travers la relation fidèle qu’il entretient avec son fils de seize ans, Bryan. René a ce même rapport avec sa fille Marilou. Frégni offre d’autres vérités universelles, des vérités qui nous permettent de questionner nos propres actions dans un monde qui vacille entre le bien et le mal: “Il faut souvent mourir pour briller une dernière fois” (13); “Dès qu’on se met en marche, on a moins peur” (148); “On ne cherche pas une histoire d’amour, elle vous tombe dessus un beau matin, au bord d’une route” (175). Ce qu’on admire le plus chez Frégni c’est son grand optimisme: “Un livre, la lumière, les femmes... Ces trois mots résument ma vie” (130). Cet optimisme s’est révélé lors d’une visite de l’auteur dans le Minnesota au printemps 2009. J’entends toujours la voix de l’auteur à travers le style poétique de son nouveau roman: “J’avais mis tant d’années à construire patiemment mes cités intérieures de mots” (35). University of Minnesota Lydia Belatèche Gorokhoff, Clarisse. De la bombe. Paris: Gallimard, 2017. ISBN 978-2-07-2723858 . Pp. 263. Le début de ce premier roman est pour le moins explosif. Dans le plus luxueux hôtel d’Istanbul une jeune femme élégante et désœuvrée s’apprête à poser une bombe dans une cabine de bain. Ophélie vit sous l’emprise de Sinan, son riche et despotique amant, entre piscine, spa et suite feutrée où elle consume“tous les nectars”voluptueux pour tromper son ennui et oblitérer son dégoût existentiel (17). Pourquoi va-t-elle commettre cet attentat? Pour tenir la promesse qu’elle a faite à Derya, sa femme de chambre au charme ensorcelant. Exilée, meurtrie, la “haine au corps”, Derya veut venger “ses frères et sœurs kurdes” humiliés, torturés, annihilés dans ce pays ennemi (39). Ophélie s’embarque dans ce projet meurtrier qui fera une douzaine de morts alors qu’au fond d’elle-même c’est Sinan, son amant exécré mais toujours désiré, 208 FRENCH REVIEW 91.4 Reviews 209 qu’elle voudrait ‘trucider’. Sinan, propriétaire intransigeant d’un immense parc immobilier, qu’une foule de gens se réjouiraient de voir disparaître. C’est d’ailleurs ce qui lui arrive des mains de la voisine Mme Hülya qui l’assomme d’un coup de “buste en bronze d’Atatürk”dans l’appartement ultra-chic que l’amant a mis à la disposition d’Ophélie (103). Bien que soupçonnée par quelques-uns d’avoir perpétré l’attentat de l’hôtel, c’est le meurtre de Sinan qui pousse Ophélie à fuir Istanbul avec...
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